Parlement européen: une mécanique complexe à décrypter

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Le 14 octobre dernier, 400 membres des Chambres de commerce représentant 45 pays étaient reçus au Parlement européen à Bruxelles pour l’événement « Chambers meet MEPs ». Un rendez-vous stratégique au cœur d’une institution parfois nébuleuse.

Une grande citadelle de verre trône fièrement au cœur du quartier européen de Bruxelles. Divisée en deux bâtiments reliés par une passerelle, elle s’élève sur plusieurs étages. Parlementaires, assistants, personnels administratifs et visiteurs… plus de 5 000 personnes circulent dans ses innombrables couloirs. Et côté institutionnel, le Parlement européen est souvent à l’image de son architecture : un vrai labyrinthe. Avec ses propres règles et ses acteurs. Organe de l’Union européenne, il est la seule instance à être élue tous les 5 ans au suffrage universel direct. En juin dernier, les électeurs des 27 États membres de l’Union ont ainsi élu 736 députés, les partis de droite conservant leur majorité. Les sièges sont alors répartis proportionnellement à la population de chacun des pays.

 

Le président du Parlement, quant à lui, est élu par les eurodéputés pour deux ans et demi renouvelables. Depuis juillet, il s’agit de Jerzy Buzek, député polonais membre du groupe politique PPE. Il dirige les activités de l’institution, préside les séances plénières et arrête le budget. Le Parlement européen possède trois fonctions principales. Son pouvoir législatif lui permet de participer au processus décisionnel en collaboration avec la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne. Il supervise le volet dépenses du budget européen. Enfin, il exerce son pouvoir de contrôle politique et financier sur les activités de l’Union européenne. Les Traités d’Amsterdam (1999) et de Nice (2003) lui ont permis d’étendre sa fonction législative. Il est à présent un partenaire essentiel dans le processus législatif pour une majorité des questions concernant la politique de l’Union européenne.

 

Loi européenne : de la proposition à l’adoption
Chaque député siège en groupes politiques. L’appartenance à un groupe n’est pas définie par la nationalité, mais par les affinités politiques. On en dénombre sept (voir article suivant) avec chacun un président, un bureau et un secrétariat. Les députés siègent alors dans l’hémicycle selon leur groupe, de gauche à droite. Tout le travail préparatoire se fait à Bruxelles au cours des commissions parlementaires dans lesquelles les députés se répartissent. Il en existe 20, une pour chaque domaine particulier (Affaires étrangères, Sécurité et Défense, Commerce international, Emploi et affaires sociales…) et elles ont lieu une ou deux fois par mois. En cas de problèmes spécifiques, des sous-commissions, des commissions spéciales et des commissions d’enquête peuvent s’ajouter. Lors de ces commissions parlementaires, les eurodéputés travaillent sur les propositions de « texte législatif » présentées par la Commission européenne. Cet organe a, en effet, le monopole de l’initiative législative. Le député chargé du dossier doit rédiger un rapport, il est appelé « rapporteur ». Ce rapport est ensuite voté par la Commission parlementaire et, éventuellement, amendé. Dans un deuxième temps, les députés se retrouvent douze fois par an à Strasbourg, siège du Parlement européen, pour les sessions plénières au cours desquelles les rapports sont examinés, amendés et votés. Les lois sont ensuite adoptées ou non par le Conseil de l’Union européenne, pour la plupart en codécision avec le Parlement. Pour certaines, le Conseil décide seul après consultation du Parlement.

 

Le lobby comme arme législative
Outre les sites de Bruxelles et de Strasbourg, le Parlement européen est aussi présent à Luxembourg où est installé son secrétariat général qui emploie environ 4 600 fonctionnaires. Il a pour mission de coordonner les travaux législatifs et d’organiser les séances plénières et les réunions (infrastructures et logistique, services de la traduction et de la communication…). Comme on l’a vu, une large part du travail législatif s’effectue lors des réunions des commissions parlementaires à Bruxelles. Pour intervenir sur une future loi européenne, tout lobby a donc intérêt à agir à ce moment-là et même lors des réunions des différents groupes politiques. « Lors des sessions plénières à Strasbourg, il est déjà trop tard… », commente Ben Butters, le directeur des Affaires européennes au sein d’eurochambres, l’association des Chambres de commerce européennes. Beaucoup de Chambres l’ont compris et les groupes de pression qu’elles constituent ont leur effet sur les parlementaires européens. « Les Chambres sont un espace protégé parfaitement connecté à l’économie, convient Jean-Pierre Audy, député européen membre du PPE. Il est important qu’elles mènent des actions de lobbying. » Au Parlement européen, les divers lobbies sont écoutés et peuvent apporter leur expérience souvent sur des sujets aux aspects très techniques. Ils représentent environ 3 500 groupes d’intérêt. En 1996, seulement 3 % des propositions de la Commission européennes émanaient de ses services, le reste provenait directement des lobbies ! Les Chambres de commerce ont donc tout à y gagner.

 

Placer les entreprises au cœur des décisions
Faciliter la coopération entre les Chambres de commerce et les membres du Parlement européen : voilà l’objectif de l’événement « Chambers meet MEPs », organisé par Eurochambres, l’association des Chambres européennes. Le débat qui se déroulait au sein même du Parlement a permis de confronter les positions des participants sur différentes questions économiques. « Nous souhaitons recevoir un signal clair du Parlement européen » : le message adressé par Pierre Simon, le président d’Eurochambres, est sans équivoque. Il faut dire que, pour Eurochambres, permettre aux entreprises de jouer un rôle actif dans les processus de décision reste une priorité. Aussi l’association, en collaboration avec le réseau des Chambres, organise depuis octobre 2008 le Parlement européen des entreprises. Tous les deux ans, plus de 770 PME sont invitées à Bruxelles pour débattre dans l’hémicycle de thématiques fortes avec les membres du Conseil européen et du Parlement.

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