
La France a la réputation d’être un pays figé dès lors qu’il s’agit de réformer le code du travail et les manifestations syndicales incarnent aussi bien l’hexagone que la baguette ou la Tour Eiffel, à l’étranger. C’est cet immobilisme reconnu que notre nouveau Président a décidé de faire vaciller en allant au bout d’un programme plein de promesses « réformatives ». Il devra donc rapidement se confronter aux forces vives du syndicalisme français qui ne manqueront pas de lui mettre quelques bâtons dans les roues. Pourtant même chez les groupes syndicaux, « l’effet Macron » semble avoir fait mouche… enfin peut-être pas chez tous non plus. Le Président a rencontré patronats et syndicats ce mardi 23 mai afin d’évoquer avec eux la réforme prochaine (et inévitable) du Code du Travail. Quelle est donc la position de chacun sur la question ?
La CFDT est ouverte pour négocier, même si subsistent quelques réserves
La CFDT, depuis peu premier syndicat de France, ne souhaite pas se positionner dans une « facile opposition de principe » qui consisterait à dire non dès que les autorités d’Etats et dirigeants d’entreprises entrouvrent les lèvres… cette posture est réservée à d’autres syndicats. D’ailleurs rappelons que la CFDT avait soutenu l’été dernier le projet de loi El Khomri.
« Emmanuel Macron semble prêt à prendre un peu plus de temps que prévu pour réformer le droit du travail » a déclaré, rassuré, Laurent Berger, leader de la CFDT, après s’être entretenu avec le Président du changement.
Pour autant, la CFDT pointe une mesure qui ne lui sied guère : le plafonnement des indemnités prud’homales. Sur ce point le syndicat compte bien marquer son opposition et en profite pour rappeler au Président que s’en tenir uniquement à réformer le Code du Travail ne saurait suffire pour lutter contre le chômage : « les leviers sont nombreux (…), investissements massifs dans la transition écologique, montée en gamme de nos industries, formation professionnelle et accompagnement soutenu pour les salariés (…) » sont autant de mécaniques à privilégier et honorer que la baisse des charges patronales et autres allégements.
La CGT clairement hostile… ça vous étonne ?
La CGT qui avait usé les pavés de France et de Navarre l’année dernière pour contester la Loi El Khomri fait honneur à sa réputation et ne veut pas de cette réforme (on ne peut pas leur reprocher un manque de constance). La CGT conteste la volonté d’un assouplissement du droit du travail, qui n’est pas selon ses partisans « une solution pour lutter contre le chômage ». Par ailleurs le mouvement syndicale souhaite soumettre une dizaine de mesures urgents à prendre pour le pays. Enfin Philippe Martinez, secrétaire générale du mouvement, dénonce les méthodes employées pour faire passer ces réformes : « ces ordonnances sont complètement irrecevables ! L’homme neuf (nb : Macron) a de vieilles recettes ».
La CFTC est prête pour les réformes, à condition que le dialogue social soit là
Le syndicat CFTC est connu pour sa position réformiste et ne s’oppose pas par principe au recours aux ordonnances pour réformer le Code du Travail. Comme le rappelle son président, Philippe Louis, « cette façon de légiférer peut aussi s’appuyer sur les partenaires sociaux au même titre que d’autres modalités de concertation préalable à la loi » mais de préciser, tout de même, que le Président doit « prendre le temps du dialogue social » et que « certaines réformes ne peuvent être lancées par ordonnance, sans préciser lesquelles ». Le syndicat propose ainsi la création d’une commission d’experts.
Le mouvement FO conciliant, même si quelques points restent épineux
Force Ouvrière manifeste une véritable ouverture à la réforme du Code du Travail. Son leader Jean-Claude Mailly n’a d’ailleurs pas tari d’éloges à l’encontre de la Ministre du Travail, Muriel Pénicaud, lors de la nomination de cette dernière. Il a reconnu les qualités de dialogue de cette personnalité aux grandes responsabilités passées dans des groupes comme Danone, Dassault Systèmes ou encore SNCF. Sur le fond, le syndicat FO n’est pas opposé à la fusion des instances représentatives du personnel, ne manifeste pas d’amertume sur la négociation au sein de l’entreprise, même si le mouvement préfère que prévale l’accord de branche. Le plafonnement des indemnités prud’homales en revanche, est une nouvelle fois dénoncé.
Pour ce qui est de la forme, FO ne s’offusque pas du recours aux ordonnances et Jean-Claude Mailly, qui se dit « ni naïf, ni suspicieux », rappelle que la cinquième semaine de congés payés en 1981 avait été entérinée via ce même procédé.
Pour la CFE-CGC le dialogue est engagé de façon positive
Par la voix de son président, François Hommeril, la CFE-CGC a rappelé son attachement à la négociation en entreprise et à son développement. La formation syndicale a soulevé également le besoin de sécuriser les acteurs pour maintenir un dialogue social de qualité mais a, dans le même temps, rappelé l’impérieuse nécessité de protéger l’espace de ce dialogue du rapport de force économique qui pousse à l’abaissement de la norme sociale : « c’est la compétitivité des entreprises, les compétences des salariés et les investissements qui créent le dynamisme nécessaire à créer des emplois. A ce titre, les prétendus « freins à l’embauche » qui seraient dus à la complexité du Code du Travail restent du domaine du fantasme. »
François Hommeril fait remarquer lui aussi le climat très positif d’écoute, de dialogue et de construction dans lequel s’est déroulé l’entretien avec le Président de la République.
En rencontrant les grands mouvements syndicaux, le Président souhaite mettre en avant un dialogue social nécessaire et apaiser au maximum les esprits, afin de ne pas élargir la fracture qui divise le peuple français : les progressistes, urbains et entrepreneurs pro-macrons d’un côté et les classes moyennes, la France dite périphérique et employés, de l’autre. Durant toute la campagne les adversaires d’Emmanuel Macron l’ont désigné comme l’homme au service de la finance et du grand patronat, celui qui tuerait définitivement le modèle social français… caricatures sans doute, hyperboles évidentes, mais le nouveau Président devra néanmoins marcher sur des œufs dans les prochaines semaines s’il souhaite conserver l’opinion favorable des premiers jours de mandat et ne pas se mettre une population exaspérée à dos.