Rencontre avec le DG adjoint de la banque genevoise Baring Brothers Sturdza

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Dans un contexte économique mondial marqué par une grande volatilité des marchés, la banque privée genevoise Baring Brothers Sturdza (BBSA) reste imperturbable. Alors que beaucoup de banques universelles ont subi une dépréciation massive d’actifs, Bruno Desgardins, son directeur général adjoint, explique pourquoi la banque privée a de beaux jours à vivre devant elle.

 

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Fidèle à sa tradition de discrétion et de service personnalisé au client, la banque privée BBSA mise avant tout sur sa vision mondiale des marchés, sur la gestion alternative et sur… la relation de confiance avec les clients qu’elle a sélectionnés.

Commerce International : Depuis quelques mois, le monde de la banque subit de plein fouet les effets de la crise des « subprimes », avec des dépréciations d’actifs parfois importantes même en Europe. Comment vivez-vous la période de grande incertitude qui entoure le monde bancaire ?

Bruno Desgardins : « En tant que banque privée, nous n’avons pas été affectés par cette crise pour la bonne raison que nous n’avons absolument aucune exposition au risque dans ce domaine. Ce sont les banques universelles qui sont atteintes de manière plus ou moins prononcée suivant leurs engagements. Par définition, quand il nous arrive d’octroyer un crédit à nos clients, cela ne peut se faire qu’en contrepartie des avoirs qu’ils détiennent. La dépréciation massive d’actifs à laquelle on assiste aujourd’hui et les incertitudes qui subsistent sur l’exposition au risque de certaines banques ne nous atteignent donc en aucune manière. »

De manière plus générale, comment voyez-vous l’évolution de la banque privée dans le monde ?

B. D. : « C’est un secteur en plein développement au niveau mondial. Il représente à ce jour 40 trillions de dollars d’actifs sous gestion et son potentiel de croissance est immense si l’on songe que plus de dix millions d’habitants de la planète détiennent en propre plus de un million de dollars d’actifs hors immobilier. On considère que cette croissance est 1,5 fois plus forte que celle du PIB mondial. C’est aussi un marché très atomisé, sur lequel les acteurs de taille moyenne ont un rôle à jouer. La plus grande banque privée ne détient en effet que 4 % de part de marché et les dix premiers acteurs n’en détiennent que 15 %. Il y a d’autant plus de place pour des banques de niche comme la nôtre que notre clientèle est quasi exclusivement composée de personnes physiques et non de clients institutionnels comme dans d’autres institutions. »

En quoi votre banque offre-t-elle un plus ?

B. D. : « Les clients du monde entier qui s’adressent à nous savent que la relation que l’on entretient avec eux est une relation très approfondie et très personnalisée qui exige une connaissance mutuelle, une disponibilité et un suivi dans le temps. Une grande banque, par sa taille même, a du mal à offrir un service personnalisé à ses clients, à leur réserver des produits performants, à éviter la rotation du personnel et à mettre directement en face du client les cadres pointus, véritablement décisionnaires. Chez nous, les gestionnaires ne changent pas du jour au lendemain ! Pour les clients, c’est pareil : comme dans un club privé, on rentre chez nous par le bouche à oreille et une fois qu’on y est, des liens d’amitié se tissent très régulièrement entre nos gestionnaires et leurs clients. Il faut savoir que 70 % de notre gestion est de type discrétionnaire. »

Concernant la performance des fonds, quels ont été vos résultats durant les derniers mois ? Quelle est, plus généralement, votre philosophie d’investissement et quelles sont les zones que vous privilégiez ?

B. D. : « Tout d’abord, sachez que le montant de nos fonds sous gestion a atteint 4 milliards d’euros à la fin 2007 contre 2,5 milliards fin 2006. Notre résultat net consolidé a, lui, approché les 30 millions d’euros en 2007 et nous employons désormais 75 personnes à Genève. Notre politique a toujours été de combiner un savoir-faire « maison » et la sélection des meilleurs produits en externe. Contrairement à d’autres banques privées, nous n’avons pas de produits à capital garanti, qui sont surtout profitables pour les banques, mais moins pour le client ! Notre gestion est pour moitié en architecture ouverte et le poids de la gestion alternative est de 30 %, contre une moyenne de 16 % sur la place de Genève. Ce ratio est, en lui-même, un facteur de performance, surtout en cas de retournement du marché comme depuis le début de 2008. C’est ainsi que nos fonds alternatifs ont seulement baissé de 1 à 2 % – certains ont même connu une légère hausse ! – alors que le marché global subissait un recul de 12 %. D’autre part, nous avons une grande latitude, soit pour fermer des fonds à la souscription afin de ne pas diluer la performance, soit pour en créer de nouveaux comme nous en avons l’intention dans les prochains mois. »

Vous avez toujours eu des positions fortes dans les pays émergents et notamment en Asie. Comment voyez-vous les perspectives de cette région ?

B. D. : « De manière globale, nous sommes sur une tendance de marché instable où la visibilité n’est pas très grande, notamment concernant l’ampleur et la durée du ralentissement de l’économie américaine qui est inévitable. Celui-ci a déjà eu des effets, particulièrement sur les indices boursiers des pays émergents qui ont plus baissé qu’en Europe ou aux États-Unis. Cela signifie que le fameux découplage dont on a beaucoup pronostiqué la venue n’a pas eu lieu et que les économies des pays émergents sont loin de pouvoir prendre le relais de la croissance. Ce qui est bien normal si l’on considère ces deux chiffres : la consommation américaine est estimée à 10 000 milliards de dollars et la consommation chinoise à 1000 milliards ! Pour ce qui concerne la Chine, il faut rester prudent à court terme, car les valeurs chinoises sont montées à des niveaux parfois exagérés. À plus long terme, il ne fait guère de doute que le yuan va tôt ou tard s’apprécier, un peu comme le yen l’a fait à partir des années 1970. Le jour où les Chinois accepteront une valorisation de leur monnaie, cela signifiera qu’ils auront confiance dans leur croissance intérieure. Pour rester en Asie, il faut noter que nous venons de recevoir le Lipper Award de la meilleure gestion de fonds au Japon. »

Concernant la conjoncture mondiale dans son ensemble, vous écrivez dans une publication récente que « nous vivons la fin de la stimulation de la croissance par endettement des ménages gagé sur l’appréciation de l’immobilier ». Le pire est-il donc à craindre ?

B. D. : « Ce qui est certain, c’est que le modèle anglo-saxon de croissance, basé sur le triptyque : endettement/consommation/taux d’intérêt bas, n’est pas viable à long terme. Cela dit, il va de soi que les États-Unis vont tout faire pour éviter une trop forte récession, d’autant que nous sommes en année électorale. Ils ont déjà baissé leurs taux et vont continuer à le faire. La situation ne ressemble en rien à la crise de 29 pour au moins trois raisons : nous avons une abondance de liquidités et non l’inverse comme en 29. Deux : hors secteur bancaire, la situation des entreprises est plutôt bonne. Trois : la situation budgétaire américaine est satisfaisante avec un déficit de seulement 1,2 % du PIB, ce qui laisse de la place à une forte stimulation par l’État. En ce moment, nous augmentons d’ailleurs le pourcentage de nos investissements sur le marché américain, sur lequel nous avions certaines réserves par le passé. En résumé, au-delà des doutes actuels sur la récession, il faut craindre les prochaines bulles que la politique américaine de baisse des taux rapide ne manquera pas de faire apparaître. »

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