Yves Rocher, c’est l’histoire d’un homme, une histoire vraie », se plaît à dire Alain Cabaret, directeur mondial Magasins. Cet homme, le Breton Yves Rocher, a décidé, il y a plus de quarante ans, de tisser des relations directes avec ses clientes dans le secteur cosmétique qu’il a d’ailleurs fortement contribué à démocratiser. Seconde volonté au démarrage, l’orientation vers des produits naturels grâce à des contacts préétablis avec des fournisseurs spécialisés. Deux originalités donc, « révolutionnaires » à l’époque : un contact direct, accompagné de l’authenticité des soins et des produits. Aujourd’hui encore, le réseau de magasins repose à la fois sur la vente de produits cosmétiques et le service proposé par les instituts de beauté. « Nous sommes l’une des seules chaînes à posséder autant de points de vente alliant ces deux offres », précise Alain Cabaret. Alors, pourquoi un succès croissant alors que ce choix, « base de crédibilité » de l’enseigne, est historique ?
Cinq générations de magasins, une gamme de produits renouvelée grâce à la recherche de biologie végétale et, bien sûr, l’internationalisation du concept expliquent l’absence de stagnation. La marque a d’abord ciblé l’Europe francophone, puis d’autres États du Vieux Continent, le Canada, l’Asie, la Russie… Alain Cabaret est particulièrement fier de ce dernier pays, où Yves Rocher est présent depuis une quinzaine d’années avec actuellement plus de cent magasins ouverts. Une véritable pénétration en somme, bien antérieure à l’arrivée d’Auchan ou Ikea, qui donne « une longueur d’avance » au groupe par rapport à la concurrence. « Nous sommes organisés à l’international sous forme de filiales. Dans chaque cas, Yves Rocher est toujours maître de sa distribution. Il privilégie un contact direct et complice avec sa clientèle, et garantit l’origine végétale de ses produits », explique Alain Cabaret. Mais, si le « concept magasin » est appliqué partout dans le monde, il s’adapte aux marchés et aux modèles de distribution locaux lorsque ceux-ci diffèrent de la France. En Chine, par exemple, les produits sont vendus dans les shops in shops des grands magasins.
L’approche du marché chinois est d’ailleurs « différente de celle d’Yves Rocher dans les autres pays du globe », précise Christophe Nevers, directeur de la communication institutionnelle du groupe(1), et ce pour de multiples raisons : conquête très récente (les premiers points de vente ont moins d’un an), deux ans d’homologation avant l’arrivée des produits en Chine, gamme étudiée pour « démarrer avec des produits spécifiquement adaptés à ce type de marché », distribution sélective dépassée par les department stores… Autre élément fondamental d’adaptation, la relation à la cliente, qui dépend à la fois de la culture du pays et de la maturité de son marché. « Dans des pays comme la Chine et la Russie, la cosmétique a une importance très récente dans la vie quotidienne. La jeune consommatrice chinoise n’a pas vu sa mère se maquiller. Nous avons donc un rôle pédagogique à jouer – rôle que nous souhaitons d’ailleurs continuer à jouer en France », explique Alain Cabaret. Aujourd’hui, l’enseigne possède environ 1 600 magasins à travers le monde. En tenant compte des instituts et des horaires d’ouverture étendus favorisant l’emploi, Yves Rocher compte 7 000 personnes directement ou indirectement à la vente, auxquels s’ajoutent les employés de fabrication, de distribution et de recherche.
À l’échelle mondiale et en France en particulier, Yves Rocher n’est « pas une franchise d’investisseurs. Les profils traditionnels de nos collaborateurs correspondent avant tout à des commerçants », affirme Alain Priour, directeur des centres de beauté France. Fibre commerciale donc, mais également grand intérêt pour fidéliser la clientèle, et ambition de gravir les échelons en interne, telles sont les caractéristiques du franchisé Yves Rocher, ou plutôt convient-il d’écrire de la franchisée. Car cette enseigne, historiquement destinée aux consommatrices, fonctionne exclusivement avec des magasins dirigés par des femmes. Celles-ci demeurent en permanence au centre de la boutique, parmi leurs clientes et leurs employées, quitte à déléguer la partie administrative en back office. L’enseigne compte 70 % d’indépendants, en franchise, mais aussi en gérance. « Malgré le poids de la pression immobilière, qui empêche les indépendants de signer avec les bailleurs dans les grands centres commerciaux, Yves Rocher les y implante.
Cela leur permet d’avoir accès à un chiffre d’affaires important sans nécessairement être des partenaires à capital élevé. Seule la capacité à gérer les équipes et à accueillir les clientes importe. Dans les grands centres commerciaux franciliens, les magasins Yves Rocher sont donc en gérance », indique Alain Priour. Gérance ou franchise, la donne demeure quasi identique pour l’enseigne. Contrairement à la franchisée, la gérante paie une redevance d’occupation à Yves Rocher, mais le mode de fonctionnement de collaboration entre les deux partenaires demeure identique : réunions, formations, produits…
(1) Le groupe Yves Rocher est présent dans 90 pays sur les marchés de la cosmétique, du textile-habillement et des produits d’embellissement de la maison, et ce à travers 8 marques : Yves Rocher, Daniel Jouvance, Dr Pierre Ricaud, Isabel Derroisné, Kiotis, Galerie Noémie, Petit Bateau, Stanhome.