
Parallèlement à la transformation digitale, le télétravail (travail à distance) est en passe de se développer plus vite qu’on ne l’imagine. Les chiffres officiels concernant cette nouvelle façon de travailler varient entre 2% et 6% des actifs en France, mais la réalité serait tout autre et pencherait davantage entre 16% et 20%. Mais comme souvent, dès qu’il s’agit de changements structurels, la France reste très en retard dans ce domaine par rapport au reste de l’Europe.
Une révolution du travail en marche ?
La France est un peu à la traine par rapport à ses voisins européens sur le concept même de télétravail. En effet la moyenne en Europe des actifs qui travaillent depuis chez eux ou d’une plateforme dédiée est de 30%, là où en France les estimations talonnent difficilement les 20% (et encore, la marge d’évaluation est très large et incertaine). Bref, il y a encore du chemin à parcourir pour faire accepter cette nouvelle façon de travailler. Pourtant selon une étude menée par le think tank économique La Fondation Concorde, 26% de la population active présente les critères adéquates pour être éligible au travail à distance, depuis leur domicile ou depuis une plateforme de travail partagé. La Loi El Khomri abordait le sujet à travers son article 57 qui prévoyait des concertations entre les partenaires sociaux sur le développement du télétravail et un rapport commun est étudié en ce moment même par Muriel Pénicaud, nouvelle ministre du Travail, sur ce sujet.
Qui peut « télétravailler » ?
La Fondation Concorde a souhaité faire une identification de ces télétravailleurs de demain, en s’appuyant sur des données de l’Insee et de la Dares, la direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques du ministère du travail. Et les constations sont plutôt probantes : un quart des actifs (6,7 millions environs), pourrait facilement passer au télétravail. Le « télétravailleur type » fait en général parti d’une entreprise de plus 50 salariés, est diplômé d’un Bac+3 au minimum, gagne plus de 2200 euros net, quarantenaire et vit dans les grands centres urbains.
Qui ne peut pas « télétravailler » ?
Bien entendu un certain nombre de personnes ne pourront jamais télétravailler, par la nature même de leur activité : les pilotes de ligne par exemple, les grutiers, les serveurs en restauration, les agents de caisse, les gens travaillant dans le milieu de la santé, et bien d’autres encore. Cela représente tout de même 60% de la population active française (plus de 15 millions d’actifs). Mais avec les avancées technologiques, qui sait, peut-être le champ des activités inéligibles au télétravail se réduira-t-il à l’avenir plus vite qu’on ne l’imagine ? Le profil des inéligibles au travail à distance est plutôt trentenaire, peu diplômé et travaille généralement dans de petites entreprises de moins de 50 salariés.
Quels sont les bénéfices du travail à distance ?
Le télétravail est donc clairement une piste de productivité particulièrement intéressante à explorer et les bénéfices qui en découlent, selon les études, sont non-négligeables :
–Baisse de 5,5 jours par an d’arrêts maladies
–Augmentation du temps de travail de 2,5%
–Augmentation de la productivité de 22%
–Augmentation du temps de sommeil de 45 minutes par journée télétravaillée
–Temps moyen gagné en moyenne par jour télétravaillé : 37 minutes
–96% de satisfaction des deux parties prenantes
Des chiffres qui en feront rêver certains… Mais il y aussi des paramètres qui pourraient faire regretter le bureau, comme de ne plus voir ses collègues quotidiennement (après, tout dépend les relations que l’on peut avoir avec eux) ou ne plus séparer la vie domestique du travail…
Comment faciliter l’avènement du travail à distance ?
En France le télétravail n’est pas encore assez encadré ni suffisamment formalisé ce qui ralentit son développement, alors que l’ensemble des syndicats et des organisations patronales semblent (pour une fois) s’entendre sur les bienfaits de cette nouvelle façon de travailler.
Voici quelques pistes évoquées dans l’étude menée par la Fondation Concorde pour promouvoir le télétravail :
–Assouplir les normes administratives existantes sur le télétravail, pour faciliter le télétravail ponctuel.
–Supprimer toutes références aux avantages en nature pour les outils numériques des télétravailleurs, actuellement à la charge de l’employeur.
–Faire évoluer le droit à la déconnexion, pour qu’il épouse parfaitement la pratique du télétravail sans en être un frein de développement.
–Développer les espaces de coworking.
–Faciliter le passage des télétravailleurs à la rémunération forfaitaire journalière.
–Créer un observatoire national du télétravail. Composé de représentants des salariés et des employeurs afin de détecter et diffuser les bonnes pratiques liées au télétravail, tout en faisant évoluer la culture managériale française.
Il est donc temps pour les employeurs et les salariés français de réfléchir sérieusement à cette nouvelle opportunité de travail qui ne manquera pas de se démocratiser dans les prochaines années. Mais encore faudra-t-il contourner les habitus, dépasser les « à-priori », ce qui n’est pas chose facile en France où l’acceptation du changement n’est pas toujours partagée, le retard pris dans la transformation digitale par l’ensemble des dirigeants par rapport aux voisins européens, est là pour le rappeler.