À la mi-novembre, les foyers allemands ont reçu un courrier de leur fournisseur d’électricité. Celui-ci les informait d’une hausse de 38,60 % du prix du kWh au 1er janvier prochain. Ces consommateurs, qui paient déjà l’électricité la plus chère d’Europe*, auront à verser, comme le prévoit la loi sur les énergies renouvelables du 1er Janvier 2009, un nouveau tribut au tournant énergétique allemand. D’ici 2020, les énergies renouvelables devront constituer 35 % de l’électricité allemande pour en atteindre 80 % en 2050, contre 20 % actuellement.
Les particuliers ne seront pas les seuls à supporter le subventionnement des énergies renouvelables – éolien, photovoltaïque et biomasse. Les entreprises subiront elles aussi de plein fouet les effets d’une politique énergétique destinée à assurer la relève du nucléaire. Ce subventionnement, d’un total de 20, 4 milliards d’euros, sera répercuté l’année prochaine sur les factures d’électricité à raison d’une augmentation de 47 % de la taxe actuelle de 3,60 centimes d’euros au kWh !
Risque pour la compétitivité
Les branches les plus grosses consommatrices d’énergie s’attendent au pire. En 2013, les aciéries à elle seules devront s’acquitter de 260 millions d’euros supplémentaires au seul titre de la loi sur les énergies renouvelables !
La chimie, l’activité industrielle la plus dépendante de l’électricité, table pour sa part, sur une hausse de 500 millions d’euros de ses coûts de production. « La pression s’accentue alors que nous avons déjà contribué cette année à hauteur de 1,7 milliard d’euros au subventionnement des énergies renouvelables », indique Martin Kneer, secrétaire général de la fédération des producteurs de métaux et porte parole de l’EID, (l’association des industries grandes consommatrices d’électricité, qui totalisent 830 000 salariés**).
Certes, ces industries qui consomment plus de 10 GWh par an peuvent demander à être exemptées de la taxe d’utilisation du réseau. Mais elles jugent cette exonération – 1,1 milliard d’euros pour cette année – insuffisante au regard de l’augmentation de tarif qui les attend.
Fédérations patronales et syndicats de cette branche ont adressé conjointement une lettre à la chancelière, réclamant une limitation de ces surcoûts et un « pacte énergétique pour le pays. » Ces industries allemandes paient aujourd’hui déjà l’électricité la plus chère d’Europe (10 centimes d’euros le kWh pour une consommation annuelle de 70 à 150 GWh), ce qui représente 21 % de leurs coûts. Craignant désormais pour leur compétitivité, elles exigent une réforme de la loi sur les énergies renouvelables. Un sujet qui devrait faire l’objet d’un dialogue au sein de la coalition gouvernementale d’ici mai 2013 et qui pourrait déboucher sur une différenciation régionale des tarifs.
Conséquences indirectes
D’ici là, particuliers et entreprises devront faire face à l’augmentation de leur facture d’électricité. Mais la nouvelle politique énergétique allemande a des effets moins visibles et moins immédiats. En imposant des quotas d’énergies de source renouvelables dans la production, la loi bouleverse en profondeur les structures économiques. Ainsi, comme le révèle une étude du centre pour la recherche économique européenne (ZEW), l’ensemble des secteurs d’activité va être concerné par le tournant énergétique. Avec pour résultat, que seules la branche énergétique et celle des services financiers profiteront du développement des énergies renouvelables.
Les autres activités seront pénalisées à plus d’un titre. Ainsi, dans le Bade-Wurtemberg, le secteur de la construction mécanique structuré en de nombreuses PME devrait faire les frais de cette politique énergétique. Comme le relève, Peter Heindl, expert de la ZEW et co-auteur de l’étude, « selon nos projections, la réorientation des investissements et des dépenses publiques vers les énergies renouvelables pénalisera la construction mécanique comme de nombreux autres secteurs. Ceci aura pour conséquences des chutes de production et des pertes d’emploi. » Selon lui, deux autres facteurs sont également à prendre en considération : « l’augmentation du prix de l’électricité, qui pèsera directement sur les entreprises dans les prochains mois, et la perte de revenu en résultant, qui obérera à terme les investissements de ces mêmes entreprises. »
* 25,3 centimes d’euros le KWh contre 18,2 centimes d’euros en moyenne en Europe
* *Six fédérations professionnelles sont membres de l’EID (matériaux de construction, verre, papier, métaux, acier et chimie)