Où va l’euro ? Pénalisée par le risque de contagion de la crise de la dette grecque aux autres pays de la zone euro, la monnaie unique a lourdement chuté ces dernières semaines. L’euro, qui cotait plus de 1,45 dollar en début d’année, est tombé lundi 17 mai sous le seuil de 1,23 dollar, au plus bas depuis le 18 avril 2006. Dans cette tourmente financière marquée par la chute des Bourses (-11,12 % pour le CAC 40 et -5,71 % pour le Dow Jones à l’issue de la semaine close le 7 mai), certains économistes se sont interrogés sur les chances de survie de la monnaie unique. « L’euro en soi est-il en danger ? En un mot, oui », a écrit sur son blog le prix Nobel d’économie Paul Krugman. Un jugement partagé par un autre prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, pourtant connu pour son europhilie : si l’Europe « ne règle pas ses problèmes institutionnels fondamentaux, l’avenir de l’euro sera peut-être très bref », s’inquiète-t-il.
Le défi des finances publiques
Décidée à mettre un terme aux inquiétudes, l’Union européenne a frappé un grand coup dans la nuit de dimanche à lundi 10 mai en mettant en place un plan de stabilisation de 750 milliards d’euros en liaison avec le Fonds monétaire international. Dans le même temps, la Banque centrale européenne a opéré une volte-face historique en acceptant de racheter de la dette publique et privée de la zone euro pour soutenir cet effort international. Ces annonces ont provoqué une remontée de l’euro au-dessus de 1,30 dollar, une détente spectaculaire sur le marché obligataire et le rebond record des indices actions (+ 10,3 % pour l’Euro Stoxx 50 en une séance). Mais s’il écarte tout risque de crise de liquidité des États, cet arsenal, dont les détails restent à peaufiner, ne règle aucun des problèmes de fond de la zone euro.
Depuis le début de l’année, les observateurs soulignaient déjà les lenteurs de la riposte européenne à la crise grecque. Le plan de sauvetage initial de la Grèce de 110 milliards d’euros n’a été signé qu’au prix de dures tractations, notamment avec une Allemagne très rétive. Et encore aujourd’hui, il subsiste des doutes sur la volonté de Berlin de poursuivre sa contribution sur la durée. La coalition de centre-droit d’Angela Merkel a perdu sa majorité au Bundesrat, la représentation des 16 Länder allemands, en partie en raison du mécontentement de l’opinion à l’idée de devoir aider la Grèce. Outre la réticence dont pourrait faire preuve l’Allemagne, certains s’interrogent aussi sur la volonté de la BCE. La Banque centrale des 16 pays de la zone euro, qui a accepté sous la pression des États et des banques d’acheter de la dette publique et privée, pourrait décider d’utiliser avec parcimonie cette option qualifiée de « nucléaire ». Enfin, utiliser le filet de sécurité ne résoudra pas les problèmes fondamentaux. Cela permettra aux États de gagner trois ans pour se lancer dans la restauration de leurs finances publiques et leurs économies. Certains estiment que la Grèce, et peut-être le Portugal, ne seront pas capables de répondre à ce défi. Signe de cette défiance, la parité euro-dollar semble se rapprocher inexorablement de son niveau lors du lancement de la monnaie unique : 1,18 dollar.