Le Japon hors des sentiers battus

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Si des villes comme Tokyo, Osaka, Kobe, Nagoya ou Kyoto sont bien connues des voyageurs étrangers, ils sont en revanche relativement peu nombreux à s’être rendus à Hiroshima. Parmi les 47 préfectures que compte le Japon, la préfecture d’Hiroshima n’en vaut pourtant pas moins le détour. Située en bordure de la mer intérieure Seto Naikai et de la chaîne de montagnes du Chugoku, cette circonscription administrative se distingue par un environnement d’une remarquable beauté. Chaque saison apporte à Hiroshima et à sa région un charme différent et les attractions historiques et culturelles sont légion. Dans la ville, il faut évidemment visiter le dôme de la bombe atomique ou dôme de Genbaku, monument classé au Patrimoine mondial de l’Unesco en 1996. Les ruines de cet ancien hall de promotion industrielle de la préfecture constituent un témoignage saisissant du drame vécu par la population d’Hiroshima le 6 août 1945 lorsque la première bombe atomique de l’Histoire a ravagé la ville et tué plus de 140 000 personnes.

 

Détente dans le jardin de Shukkei-en

 

La découverte de ce site va de pair avec celle du Musée du Mémorial de la Paix. Visité chaque année par 1,2 million de touristes en moyenne, il permet de comprendre les causes et les conséquences du bombardement et est aussi chaque année, à la même date, le centre de cérémonies émouvantes organisées à la mémoire des victimes. Hiroshima ne se limite toutefois pas au tourisme de catastrophe. Les visiteurs peuvent aussi se balader le long des quais et sur les nombreux ponts de la ville (qui est traversée par six fleuves), assister au Festival des Fleurs du 3 au 5 mai et découvrir trois musées d’art, la Cathédrale mémorielle pour la Paix dans le monde ainsi que le Château d’Hiroshima qui contient un musée historique sur la culture des samouraïs. Par beau temps, on peut flâner au jardin Shukkei-en ; aménagé en 1620 sur ordre du daimyo Asano Nagaakira, cet agréable espace vert comporte notamment un pavillon traditionnel, un grand bassin de poissons et de tortues ainsi qu’un pont en arc-en-ciel.

 

Se régaler les papilles

 

Côté gastronomie, un séjour à Hiroshima ne serait pas réussi sans déguster les délicieuses okonomiyaki, galettes fourrées avec divers ingrédients au choix (chou, soja, nouilles de Soba ou de Udon, œufs, lamelles de porc…). Une fois restauré, il est agréable de flâner à Hondori Shotengai, quartier idéal pour effectuer quelques courses ou passer une nuit blanche. À proximité d’Hiroshima se trouve l’île de Miyajima qui fait partie des « trois plus belles vues du Japon » selon le philosophe du XVIIe siècle Razan Hayashi. L’île est célèbre notamment pour abriter le sanctuaire d’Itsukushima, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco en 1996. Connu pour être un exemple parfait du style architectural des résidences de l’aristocratie, appelé shinden-zukuri, le sanctuaire se compose de plusieurs bâtiments reliés par des corridors vermillon et qui semblent flotter sur la mer. Ils font face au grand portique Ôtorii, une porte shinto de 23 mètres de haut, pesant 60 tonnes et symbolisant la frontière entre notre monde et la zone sacrée.

 

Miyajima, belle et mystique

 

Le sommet du Mont Misen (600 mètres) est accessible en téléphérique ou à pied (40 minutes de marche). Ce mont, couvert par la forêt vierge, symbolise pour sa part la pureté de la nature car celle-ci est préservée avec soin dans cette île qui ne compte ni maternité ni cimetière. En se baladant dans l’avenue Machiya-dori, on peut découvrir des boutiques, des galeries et des habitations multiséculaires ; l’occasion est trop belle pour ne pas déguster la spécialité locale, les huîtres grillées, frites ou plongées dans une soupe de riz. La grande pagode de cinq étages, construite au XVe siècle, vaut aussi le coup d’œil. Miyajima se visite idéalement en février pour le Festival des Huîtres ou fin juillet – début août afin de ne pas rater le Festival Kangensai où l’on écoute de la musique de cour (kangen) et où l’on peut admirer des bateaux décorés de fleurs, des lanternes de papier flottant sur l’eau et les lumières traditionnelles éclairant les bâtiments du sanctuaire.

 

Hôtel ou ryokan ?

 

Concernant les hébergements au Japon, deux principaux choix s’offrent au voyageur : l’hôtel classique ou le ryokan, auberge nippone traditionnelle composée d’éléments typiques (tables basses, portes coulissantes, futons, tatamis, bains chauds et parfois même sources thermales appelées onsen). À Hiroshima, le Rihga Royal Hotel constitue un hébergement de luxe fort apprécié des touristes ; ses 488 chambres sont confortables, modernes et spacieuses. L’établissement se trouve au cœur d’un quartier animé et à proximité d’un grand centre commercial. Pour ceux qui recherchent plus d’authenticité, le ryokan Teien no Yado d’Hatsukaichi-shi est un véritable havre de paix. Ouverte en 1964, cette auberge se distingue par sa source thermale et son jardin charmant doté d’un petit bassin et offrant une vue splendide sur la mer. Le ryokan comporte 14 chambres, un salon et un lounge avec une bibliothèque. Pour ceux qui préfèrent dormir à Miyajima, le choix est large avec le ryokan Iwaso, superbe établissement ouvert en 1920 au pied du Mont Misen, le ryokan Iroha, chaleureux et proche du port, ou encore le ryokan Benten no Yado Itsukushima, célèbre pour sa délicieuse cuisine.

 

Splendeur des gorges de Sandankyo

 

À environ trois quarts d’heure en voiture d’Hiroshima, il ne faut pas manquer de visiter les gorges de Sandankyo. Ce site naturel de 13 km de long sur 13 km de large est un des plus beaux du Japon et accueille environ 60 000 visiteurs chaque année. La balade est agréable même en été car la forêt protège bien du soleil. Le long de la rivière Shibaki-gawa, le visiteur peut admirer des chutes d’eau impressionnantes et découvrir une faune et une flore très diversifiées. Après un tel effort, le voyageur apprécie en général les plats de nouilles typiques de la région (nagashi somen) et les poissons grillés servis dans un restaurant traditionnel. En hiver, les touristes sont tout aussi nombreux car une station de ski bénéficiant d’un enneigement exceptionnel se trouve à proximité. D’autres paysages magnifiques peuvent être observés en traversant les rizières en terrasse d’Ini non loin de Sandankyo. Pour se loger dans ce coin de verdure, nous conseillons le très agréable ryokan Kagura Monzen Toujimura dans le village d’Aki-Takada : les chambres sont confortables et la cuisine excellente.

 

Assister à une pièce de kagura

 

De plus, ce ryokan a l’avantage de se trouver à proximité immédiate d’une salle de théâtre où les spectateurs assistent à des pièces de kagura (« agrément des dieux »). Inventé il y a six siècles, ce rite artistique shintoïste mélangeant danse et théâtre regorge de héros intrépides, de démons effrayants et de jeunes filles apeurées. Les costumes peuvent peser plus de vingt kilos et sont confectionnés par des artisans qui perpétuent une tradition admirable. Les musiciens sont eux aussi en habits traditionnels et rythment un spectacle qui séduit petits et grands. Avant de quitter la préfecture d’Hiroshima, il faut enfin visiter Tomo No Ura, petit port proche de la ville de Fukuyama. Ce lieu où le temps semble s’être figé a notamment inspiré le célèbre réalisateur Hayao Miyazaki pour son film d’animation Ponyo sur la falaise. Une balade dans les ruelles du port et sur les docks mène au temple bouddhiste de Tomo-Taichoroh, visité sous le troisième shogunat par une mission coréenne avant que dix autres ne lui succèdent, fascinées par les récits dithyrambiques de la première.

 

Découvrir l’artisanat de Bizen

 

Ushimado est un bon point de départ pour visiter la préfecture d’Okayama. Ce port est réputé pour la qualité de ses teppanyaki (fruits de mer) qu’il est possible de déguster notamment à l’hôtel Limani, un magnifique établissement au bord de la mer de Setouchi. Celle-ci étant souvent surnommée par les habitants de la région « la mer Egée du Japon », l’hôtel est truffé de références à l’architecture, à la géographie et à la culture hellénique (« limani » est un mot grec signifiant « port »). Des bateaux sont à disposition juste à côté pour aller faire un tour en mer et découvrir des îles verdoyantes, inhabitées ou presque. À une demi-heure en voiture d’Ushimado, la ville de Bizen réserve aussi bien des surprises. La visite de la poterie de So Isezaki perpétue une tradition remontant à plus de 1 000 ans. Dans le four typique de la région, restauré il y a une décennie, sont produites chaque année plus de 3 000 objets de toute sorte : pots, vases, plats, assiettes, cendriers, fioles, urnes funéraires, sculptures… Chaque pièce est unique et les matières premières utilisées (pin rouge, charbon, paille de riz…) ont des vertus précises : l’eau reste plus longtemps pure et permet aux vases de mieux garder les fleurs, le goût du saké s’arrondit un peu et la mousse de la bière disparaît plus lentement.

 

Naoshima, île d’art

 

Non loin de Bizen, les voyageurs peuvent trouver un hébergement de luxe à l’hôtel Setouchi Kojima dans la ville de Kurashiki. Cet établissement immense, dont les chambres ont été conçues comme les cabines d’un bateau, offre une vue imprenable sur la mer de Setouchi et le grand pont d’Ohashi. Il se situe à proximité immédiate du parc d’attractions Washuzan Highland. Le restaurant propose aussi bien des plats traditionnels japonais que de la haute cuisine française. Le Setouchi Kojima est par ailleurs proche (un demi-heure en voiture) du port d’Uno. De là, il suffit de prendre un ferry pour rallier en vingt minutes Naoshima, joyau naturel de la préfecture de Kagawa. Peuplée de seulement 3 300 habitants, cette petite île est un véritable paradis artistique. On peut y visiter, entre autres, le projet « Art House » : sept superbes demeures traditionnelles ont été restaurées par des artistes qui y ont incorporé parfois des œuvres d’art moderne (Tatsuo Miyajima, James Turrell, Hiroshi Sugimoto, Hiroshi Senju, Yoshihiro Suda, Shinro Ohtake…).

 

Des musées à foison

 

Naoshima vaut aussi pour la visite du Musée d’art de Chichu. Construit pour l’essentiel sous la terre mais offrant toutefois une belle luminosité naturelle par endroits, le bâtiment construit par Tadao Ando présente des œuvres de Claude Monet, James Turrell et Walter De Maria. Construit aussi par Tadao Ando, le Musée de Benesse, inauguré en 1992, vaut tout autant le détour ; on peut y admirer des œuvres d’Alberto Giacometti, César, Richard Long, Jasper Johns, Cy Twombly, Robert Rauschenberg, Sam Francis, David Hockney, Andy Warhol, George Segal, Yannis Kounellis ainsi que de nombreux artistes japonais contemporains. L’île comptant bien d’autres lieux artistiques (les Bains de Naoshima, le Musée Lee Ufan…), le mieux est d’y passer au moins une nuit. L’hôtel Benesse House se trouve entre le musée éponyme, le parc et la plage. Les chambres sont spacieuses et offrent une vue magnifique sur la mer ; plusieurs sortes de restauration sont proposées. Des œuvres d’art en plein air se trouvent à proximité de l’établissement.

 

Parfum de nostalgie à Korashiki

 

Pour ceux qui préfèrent ne passer qu’une journée à Naoshima, il ne faut pas rater le ferry de retour à Uno et se rendre à Kurashiki. Dans cette charmante ville de la préfecture d’Okayama, on peut là encore choisir entre un hébergement classique en allant à l’hôtel Nikko Kurashiki, moderne et confortable, ou un hébergement traditionnel au ryokan Kurashiki qui contient cinq chambres spacieuses et petit jardin typique. Kurashiki vaut surtout pour son quartier traditionnel de Bikan, idéal pour les balades entre les quais du fleuve Takahashi et les vieilles demeures, et la visite du Musée Ohara. Fondé en 1930 par l’industriel Ohara Magosaburo, ce lieu est le plus ancien musée privé du Japon. Il comporte plusieurs galeries dont une dédiée à l’art étranger où l’on peut admirer des œuvres de Claude Monet, Amedeo Modigliani, Le Greco, Paul Gauguin, Pierre-Auguste Renoir, Georges Rouault, Andy Warhol, Henri Matisse… D’autres galeries sont consacrées à l’artisanat national et à l’art asiatique et le musée contient aussi une annexe avec des sculptures d’Auguste Rodin notamment et un mémorial dédié à l’artiste Kojima Torajiro, ami du fondateur du musée.

 

Déguster un saké traditionnel

 

Avant de rejoindre Okayama, une dernière visite s’impose à Kurashiki : celle de la cave de saké de Kikuchi Shuzo. Ce producteur perpétue une tradition familiale remontant à 1879 et a remporté la médaille d’or au International Wine Challenge 2012. À la tête d’une entreprise de 12 personnes qui produit 90 000 litres de saké par an (environ 200 000 bouteilles), Kikuchi Shuzo fait visiter ses entrepôts et explique patiemment comment il produit un saké avec des ingrédients issus de l’agriculture biologique. Une fois la dégustation faite, il est temps de rejoindre Okayama, point final du voyage. Célèbre pour ses fruits (pêches blanches et raisins sans pépins), la ville recèle de nombreuses attractions dont le jardin de Koraku-en n’est pas la moindre. On peut y prendre le temps de boire un thé vert et de manger quelques gâteaux à base de pâte de riz avant d’aller visiter le château Okayamajo, le Musée de l’Orient ou les musées d’art Yumeji et Hayashibara. On pourra alors repartir avec l’impression de se sentir plus familier avec une région souvent méconnue du Japon et l’envie d’y revenir tant le temps manque pour tout voir…

 

De plus amples informations sont disponibles sur les sites Internet suivants : www.jnto.go.jp, www.jtb-uni.com, www.jal.com, www.okayama-japan.jp et http://visithiroshima.net

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