La dynamique régionale de la formation en France

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En France, les chambres de commerce et d’industrie (CCI) forment chaque année quelque 600 000 personnes – 200 000 jeunes en formation initiale et 400 000 adultes en formation continue. Intervenant en matière d’apprentissage, d’enseignement supérieur (avec des grandes écoles d’ingénieurs et de management) et de formation continue, elles délivrent, sur tout le territoire, plus de 400 titres et diplômes reconnus. « Les chambres présentent des spécificités sur ces trois blocs de compétence, analyse Brigitte Le Boniec, directrice de la formation à l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI). D’abord, ces formations offrent un bon équilibre entre culture générale et attentes des entreprises. Ensuite, aucune formation n’est définitive, toutes doivent faire leurs preuves pour être reconduites chaque année ; autrement dit, notre système s’autorégule, ce qui garantit que nos formations sont utiles. Ensuite, les chambres forment à tous les niveaux, du CAP au master, à temps plein ou en apprentissage. Enfin, l’organisation se fait de plus en plus en réseau, avec des titres communs, des chartes de qualité identiques et des moyens mutualisés. »

 

La formation étant une compétence de la Région, les chambres travaillent déjà dans ce domaine à cet échelon. « En matière de formation, la réforme de régionalisation des CCI sera plutôt une confirmation des conditions dans lesquelles les chambres travaillent déjà, estime Bernard Legendre, directeur général adjoint en charge de la formation à l’ACFCI. La nouveauté réside dans le fait que les chambres vont devoir adopter une véritable réflexion collective à travers les schémas sectoriels de formation qui vont voir le jour avec la réforme. En outre, la chambre régionale disposant du budget, les villes vont devoir se concerter. Ainsi, des chambres réfléchissent déjà au développement de pôles d’expertise par ville, avec une complémentarité sur le territoire. Bref, avec la réforme, on devrait assister à une rationalisation des actions en matière de formation. » Tour d’horizon des compétences actuelles des chambres et des changements attendus.

 

— L’apprentissage
L’apprentissage est un métier historique des CCI. Impliquées dans cette fonction depuis le début du XXe siècle, elles ont, à la suite des évolutions législatives de 1987 et de 1990, élargi leur champ d’intervention sous cette forme des CAP et BEP aux baccalauréats, puis aux études post-bac. Aujourd’hui, les CCI constituent la première filière de formation en apprentissage en France, avec chaque année 100 000 apprentis , à tous les niveaux et dans tous les métiers – soit un quart des étudiants qui choisissent ce mode de formation ! L’échelon régional est déjà prépondérant dans la mesure où les centres de formation d’apprentis (CFA) sont créés et financés par les conseils régionaux. Les chambres interviennent également en enregistrant les contrats d’apprentissage pour les entreprises – 1 sur 2 au total –, en aidant celles-ci dans leur recherche d’un apprenti, puis en accompagnant quelque 120 000 jeunes chaque année. « Les chambres sont présentes sur l’ensemble du spectre de l’apprentissage », résume Brigitte Le Boniec. En outre, les chambres ont aussi un rôle de collecteur des fonds qui servent à la formation, au premier rang desquels se trouve la taxe d’apprentissage. Elles collectent ainsi environ 40 % de la somme totale de cette taxe. « Mais ce montant n’est pas forcément capté par les chambres, précise Bernard Legendre. Il est ensuite réparti auprès d’autres établissements de formation. » À l’avenir, la question du développement de l’apprentissage repose sur des enjeux politiques et financiers.

 

— L’enseignement supérieur
Les CCI gèrent plus de 120 écoles supérieures, dont les grandes écoles de management (28 au total), et forment 100 000 étudiants chaque année. « Ces écoles sont une originalité dans le paysage français, développe Bernard Legendre. Certaines sont des écoles stratégiques pour la France – HEC, l’Essec, des écoles qui forment à des métiers de niche dans les secteurs de la parfumerie, de la cuisine, du cinéma et de l’animation… Pourtant, l’enseignement consulaire ne reçoit aucun subside de la part de l’État. Il est financé sur le budget des chambres par la taxe d’apprentissage et à 60 % par les frais de scolarité. » Les procédures de recrutement y sont sélectives et la proximité de ces écoles avec les entreprises permet un taux d’insertion professionnelle de plus de 80 % dans les six mois suivant la sortie. Ces écoles délivrent des titres ou des diplômes reconnus qu’elles construisent elles-mêmes avant de les faire valider par l’État. L’offre a, par ailleurs, été mise en cohérence avec le dispositif LMD (pour licence-master-doctorat, ndlr) : les écoles supérieures de commerce (ESC) et de management (EM), les écoles d’ingénieurs diplôment à un niveau bac + 5 ; et les écoles de gestion et de commerce (EGC) à bac + 3.

 

Toutes sont déjà organisées en réseaux nationaux. « On assiste à une rationalisation de la pédagogie, à la construction de titres et de diplômes communs et à des actions communes en matière de concours… », indique Brigitte Le Boniec. Autrement dit, les moyens sont mis en commun afin d’obtenir une meilleure visibilité, comme ce fut le cas, par exemple, avec l’École de gestion et de commerce (EGC) de Bourgogne. Celle-ci regroupe aujourd’hui sous un même label trois établissements situés à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), à Nevers (Nièvre) et à Sens (Yonne) : l’enseignement y est identique et le diplôme commun, même si chaque ville a conservé son campus. Une réflexion qui pourrait à l’avenir être menée par des régions qui accueillent plusieurs ESC sur leur territoire… En dehors de la régionalisation des chambres, la réforme de l’enseignement supérieur en cours en France – avec l’autonomisation des universités et la constitution de pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) – pèse de manière importante sur le paysage de la formation initiale et ce mouvement pourrait s’accentuer. « Nos écoles sont pour l’instant restées en dehors de ce mouvement, explique Bernard Legendre. Seules HEC et l’Essec ont fait le choix de rentrer dans des PRES. »

 

— La formation continue
Les CCI accueillent chaque année plus de 400 000 stagiaires en formation continue, essentiellement dans les secteurs du commerce, de la vente, de la comptabilité, de la gestion, des technologies de l’information et des communications, et des langues. « Afin de ne pas concurrencer la formation au niveau des branches, nous nous positionnons plutôt sur les métiers transverses, les métiers de service, détaille Brigitte Le Boniec. En matière de formation continue, les chambres s’organisent déjà au niveau régional. C’est l’échelon le plus pertinent et le plus pratique dans la mesure où la formation professionnelle est une compétence de la Région. » Ces formations ont lieu dans les écoles supérieures et dans des centres de formation autonomes répartis sur tout le territoire. Ainsi, une centaine de centres d’études des langues (CEL) forment aux langues des affaires : 26 langues y sont enseignées aux salariés et aux demandeurs d’emploi (cours collectifs ou particuliers, à distance ou en salle), soit 20 % du marché français ! D’une façon générale, les CCI sont le premier réseau de formation continue des salariés (près de 315 000 stagiaires en entreprise par an). Toutes chambres confondues, le budget annuel atteint environ 1 milliard d’euros. « Les grandes entreprises rationalisent leurs demandes de formation qui sont regroupées au niveau national, souligne Bernard Legendre. Les chambres, avec leur réseau, sont en mesure de répondre à des demandes de formation à cet échelon. » 

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