L’heure est à la méfiance, à l’application des enseignements tirés de la récente crise financière. Lors des Assises de l’expertise immobilière, en juin dernier, les autorités de marché ont longuement pris la parole. Au milieu des professionnels de l’immobilier trônaient des représentants de l’AMF (Autorité des marchés financiers) et de l’ACP (Autorité de contrôle prudentiel), l’organisation créée début 2010 pour une supervision renforcée et transversale du secteur financier. « Même si nous n’avons pas de relation directe avec les experts immobiliers d’un point de vue institutionnel, il nous paraît indispensable de mettre en place un dialogue constructif à long terme sur ces questions », estime Emmanuelle Blum-Biraud, secrétaire général adjoint en charge de la direction des émetteurs de l’AMF.
La mission conférée à l’expertise immobilière est devenue d’autant plus cruciale que le contexte actuel est marqué, depuis dix-huit mois, par le retour d’une forte volatilité des taux de ren-dement immobiliers et la baisse de la juste valeur du patrimoine immobilier. « C’est pourquoi nous pensons qu’il est nécessaire de se pencher sur les pratiques en matière de publication d’informations issues des expertises. L’objectif est de les harmoniser dans de nouvelles recommandations afin d’améliorer les données qui portent sur les évaluations immobilières », poursuit-elle.
L’AMF attire l’attention des émetteurs sur l’information à fournir quant à la description du patrimoine et à la présentation des facteurs de risque liés au marché immobilier. Les sociétés sont invitées à indiquer des données chiffrées en ce qui concerne les impacts des déséquilibres de l’économie immobilière sur la valorisation de leur patrimoine et sur leur situation financière.
Sur la mission d’expertise, l’AMF attend davantage de précisions sur les informations rendues. « Des renseignements détaillés sur la qualité de l’expert et le contexte de détermination des hypothèses de valorisation devraient être apportés », souligne Emmanuelle Blum-Biraud. En cas de multiplicité d’experts, elle invite également à « décrire la méthode utilisée pour harmoniser les différentes approches ». Concernant les facteurs de risque, il est recommandé de fournir une information sur l’impact d’une éventuelle évolution du marché locatif sur le niveau d’activité du groupe, ses résultats, la valeur de ses actifs et sa politique d’investissement et de développement.
Garantir les compétences
Pour la réalisation d’évaluations, l’Autorité demande également de préciser la fréquence à laquelle le portefeuille d’actifs est évalué et quelle est la méthode retenue pour l’estimation des actifs (méthode « à la juste valeur » ou méthode basée sur les coûts).
Emmanuelle Blum-Biraud ajoute que l’AMF « est à l’écoute des réflexions et suggestions des professionnels du domaine pour faire évoluer ces recommandations ».
L’accent est également mis sur la légitimité et les qualifications de l’expert immobilier, qui peuvent être très variées. Certains d’entre eux sont spécialisés dans les secteurs du résidentiel, du commerce, de l’immobilier d’entreprise, de l’agricole. Pour clarifier les statuts, la certification REV (Recognisation of European Valuers) a vu le jour, à l’initiative de TEGoVA, l’association européenne d’experts immobiliers. Cette reconnaissance de l’aptitude professionnelle a pour objet d’établir, de développer et d’harmoniser les normes d’évaluation et la profession d’expert immobilier en Europe pour fournir aux experts individuels de tous les pays un titre de compétence commun.
En France, quatre associations ont obtenu le droit de délivrer la certification européenne REV : l’Institut français de l’expertise immobilière (IFEI), la Chambre des experts immobiliers de France FNAIM, le Syndicat national des professionnels immobiliers et le Conseil supérieur du notariat. Ce statut fédère les experts français
autour de formations spécifiques. En juin dernier, la France comptait une centaine d’experts certifiés REV : 48 experts pour l’IFEI, 26 pour la CEIF FNAIM, 21 pour le SNPI et 4 pour le CSN. Cette avancée permet d’assu-rer aux clients d’autres pays européens un niveau de compétence supérieur en matière d’évaluation immobilière.
« Harmoniser les méthodes de travail »
Stéphane Imowicz, président de l’IFEI (Institut français de l’expertise immobilière), revient sur l’évolution des pratiques portant sur l’évaluation immobilière.
Quelle est la mission de l’IFEI ?
« Notre rôle est de mener des réflexions visant à adapter la profession d’expert immobilier aux contraintes et évolutions du marché. Nous animons de nombreuses manifestations et actions de formation, et veillons à la mise à jour régulière de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière, qui encadre la profession. »
La tendance est-elle à une harmonisation européenne du métier ?
« Tout à fait. En 2007, l’IFEI a été choisie comme association pilote en France pour
la mise en place du statut d’expert certifié REV (Recognisation of European Valuers), placé sous l’autorité de l’association européenne TEGoVA. Nous travaillons également avec l’IASC (International Accounting Standard Commitee) et l’IVSC (International Valuation Standard Commitee), dans un but commun d’harmonisation des normes comptables et des méthodes de travail. Les Guides EVS (European Valuation Standard), conçus pour œuvrer selon des critères communs sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, font l’objet de mises à jour régulières. »
Des normes communes apportent-elles davantage de sécurité ?
« Bien sûr. Tout le monde est attentif sur ce plan. L’AMF, qui participe aux Assises de l’expertise immobilière, se montre favorable à l’égard de ces démarches. Tous les organismes de contrôle ne se limitent plus à constater les valeurs. Ils veulent pouvoir mieux les comprendre, ce qui demande une information meilleure et clarifiée. »