Les États membres souhaitant une nouvelle taxe sur le numérique sont majoritaires au sein de l’Union Européenne, mais encore une dizaine d’États s’y opposent et bloquent les avancées sur le sujet. Les taxes ne faisaient pas partie officiellement du programme lors du sommet européen du 29 septembre dernier à Tallinn mais ont pourtant été mises sur la table des discussions dans un contexte où l’Estonie souhaite discuter plus en profondeur du numérique.
À l’instar d’autres dirigeants européens, Emmanuel Macron se dit «très satisfait» de la rencontre, déclarant que «19 États membres de l’UE soutiennent désormais ce projet de taxation».

Taxer les géants du numérique pour empêcher toute défiscalisation

La France veut être à la pointe de l’action sur ce projet de loi. D’ores et déjà soutenu par l’Allemagne, l’Italie ou encore l’Espagne, il a pour but de mettre en place une taxe contre l’évasion fiscale des géants du numérique, soit les «GAFA» (Google, Apple, Facebook, Amazon), en se basant sur leurs revenus et non plus leurs profits. Emmanuel Macron n’a pas n’a pas précisé l’identité des autres États soutenant la mesure en dehors des rédacteurs de la proposition. Toutefois, la Bulgarie, l’Autriche, la Grèce, le Portugal ou encore la Slovénie avaient déjà montré leur soutien courant septembre lors d’une rencontre entre ministres des finances des pays concernés.

Les partisans de la mesure estiment que les GAFA profitent d’une fiscalité plus avantageuse prospérant dans certains pays comme l’Irlande ou le Luxembourg, ce pour payer le moins de taxes possibles : un manque à gagner de plusieurs milliards d’euros pour l’Union Européenne. «Il n’y aura pas de bataille entre les états» a affirmé Jean-Claude Juncker face aux journalistes. Le président de la Commission Européenne esquive néanmoins la question du fonctionnement de cette taxe dans un mécanisme de coopération renforcée, dispositif permettant à des groupes d’au moins 9 pays de mettre en place des lois ne s’appliquant qu’à une partie de l’UE, sans l’unanimité de tous les États membres.

L’Irlande et le Luxembourg fermement opposés à cette taxe

La Commission Européenne déclare qu’elle envisage trois options pour la nouvelle législation et publierait ses propositions d’ici le printemps. Selon un représentant européen, l’exécutif a créé une unité dédiée au sujet afin de rédiger et axer sa communication en un temps record. Pointés du doigt, Dublin et Luxembourg s’opposent largement à l’emballement européen concernant cette taxe européenne sur le numérique. «Si nous voulons que l’Europe devienne numérique, la solution ne passe pas par plus de taxes et de règles. En fait, c’est tout le contraire» a notamment réagi le Premier Ministre irlandais, Leo Varadkar.

Dès 2016, la Commission Européenne avait créé la surprise en exigeant qu’Apple rembourse 13 milliards d’euros à l’Irlande, jugeant illégal un accord financier entre les partis. Quand au Luxembourg, une enquête est en cours sur un accord similaire dont aurait bénéficié Amazon dans le Grand-Duché. «La Commission décide-t-elle à présent pour nous tout le temps ? Ce n’est pas un État », s’était plaint Xavier Bettel, le Premier Ministre luxembourgeois, expliquant ne pas vouloir « d’une Europe où c’est tous contre tous». Ce dernier déclare que si les pays le souhaitent, ils peuvent adopter une réforme fiscale avec le mécanisme de coopération renforcée, mais signale que Londres pourrait aussi jouer la carte de l’abaissement de ses taxes dans le contexte du Brexit pour attirer les entreprises et confronter les membres de l’UE à une sérieuse concurrence.

De leur côté, les partisans de la taxe avaient dans un premier temps déclaré ne pas chercher à faire bande à part, espérant l’unanimité des pays membres pour cette nouvelle législation. Néanmoins, le Premier Ministre italien Paolo Gentiloni a nuancé cette position expliquant au sommet de Tallinn l’importance d’avancer sur cette proposition : « Les pays peuvent, et devraient, coopérer sur ce sujet, y compris en passant par la coopération renforcée».

Les lois européennes nécessitent – sauf mécanisme de coopération renforcée – l’unanimité des membres pour tout changements des règles fiscales. Dans son discours sur l’état de l’Union Européenne, Jean-Claude Juncker a suggéré une modification de cette règle afin que les dirigeants puissent prendre des décisions plus rapides pour éviter tout blocage.
Le hic : le seul moyen d’abandonner cette règle reste un vote à l’unanimité de tous les états membres.

Éviter de recourir au mécanisme de coopération renforcée

Partisan de la taxe, le président français n’a pas suggéré de recourir à une législation limitée, via le mécanisme de coopération renforcée. Certains États se montrent tout de même impatients de trouver un terrain d’entente entre les «pros» et «anti-taxe» à l’image du Premier Ministre autrichien, Christian Kern : «Les pays qui veulent coopérer, qui veulent une taxe numérique commune, ne peuvent être retardés par ceux qui veulent avancer plus lentement».

Les États membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord le 29 septembre, l’Estonie préférant ne pas parler de ces divisions dans son rapport de l’évènement : «Nous nous engageons pour une modification mondiale des règles fiscales et pour l’adaptation de nos systèmes fiscaux, afin d’assurer que les profits générés de manière numérique au sein de l’Union européenne soient taxés là où la valeur est créée».

Xavier Bettel, lui, souhaite une réforme au niveau de l’OCDE et non de l’UE. Le Premier Ministre luxembourgeois estime que la question fiscale n’est qu’une diversion par rapport à des réformes plus urgentes sur les règles technologiques européennes. «Il est plus important de mettre en place un programme numérique que des taxes», explique-t-il.

Le Luxembourg souhaite une nouvelle réunion sur le numérique

En outre, Jean-Claude Juncker a tenté de convaincre les partenaires d’approuver une proposition de législation sur le marché unique numérique coincée dans des négociations depuis de longs mois.

Xavier Bettel a demandé à l’Estonie, présidente du Conseil de l’Union Européenne jusqu’au 31 décembre, d’organiser une réunion extraordinaire des ministres des télécommunications fin octobre, dans le but de continuer les discussions sur d’autres sujets du numérique mais «pas les taxes», explique un représentant de l’UE.

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