Il y a d’abord eu PNM Resources, le groupe énergétique d’Albuquerque. Puis, quelques jours plus tard, son concurrent Exelon. Depuis début octobre, les grands noms du business américain claquent un à un la porte de la Chambre de commerce. Excédé par « ses tentatives sournoises de déformation de la réalité concernant le changement climatique », Pacific Gas and Electric, autre leader du secteur de l’énergie, met également un terme à sa relation avec l’organisation, imité récemment par le géant Apple. Dans un courrier adressé au dirigeant Tom Donohue, le vice-président de la multinationale informatique regrette le point de vue de la Chambre et fait part de « la déception que provoque ce désaccord sur un sujet aussi crucial ». À l’origine des discordes : les critiques du siège de la Chambre de commerce portant sur la loi Waxman-Markey, déjà adoptée par la Chambre des représentants, mais aux prises avec de vives résistances au Sénat. « Ce dispositif législatif serait l’avancée la plus notable des États-Unis en termes de lutte pour la préservation de l’environnement. Par son caractère contraignant, il modifierait radicalement les comportements des entreprises », résume Sallie James, analyste au Cato Institute à Washington, un institut d’études et de recherche politiques. « Les opposants font actuellement tout ce qu’ils peuvent pour freiner des quatre fers la moindre avancée de cette loi, car ils savent qu’elle déterminera le futur contexte économique », poursuit-elle. Les réticences à prendre à bras-le-corps le combat contre le réchauffement climatique n’ont que peu d’écho au sein des pouvoirs publics américains.
Mais quand le point de vue émane de la plus puissante organisation nationale, fédérant 3 millions d’entreprises, les débats se prolongent. La Chambre de commerce demande une « législation compréhensive », qui tient compte de la préservation environnementale, « mais sans porter atteinte au dynamisme économique ». Elle estime que la question écologique est « d’abord une problématique internationale » et qu’il ne faut donc « pas faire peser de trop lourdes contraintes sur les entreprises ». Pour la Chambre, la loi Waxman-Markey engendrera des taxes écologiques « importantes et dangereuses », notamment sur les produits importés, ce qui fera réfléchir certains partenaires économiques quant à la poursuite de leurs collaborations. Pour bien asseoir sa position, l’organisation n’hésite pas à reprendre John Dingell, membre du Congrès, qui annonce un « foutoir mémorable » si Waxman-Markey venait à entrer en vigueur. La Chambre estime que « l’Amérique n’a pas besoin de cela, surtout en ce moment ». Elle exhorte les décideurs politiques à « garder leur raison, à ne pas agir dans la précipitation ». Une position peu populaire, qui a même suscité la réaction des « Yes Men », ce groupe d’activistes américains qui tourne en dérision multinationales et hommes politiques. Ils ont fustigé la Chambre au cours d’une fausse conférence de presse, mettant l’accent sur son irresponsabilité à l’égard du monde de demain. Tom Donohue rétorque que, « pour les générations futures, la préservation de l’économie vaut tout autant que celle de l’environnement. »
Des chambres locales se rebiffent
Si, du côté de Washington, la Chambre de commerce américaine fait part d’un rejet sans appel du projet de loi Waxman-Markey, certaines Chambres locales montrent un tout autre visage sur la question environnementale. Pour Aaron Nelson, président de la Chambre de Chapel Hill-Carrboro, « il est indispensable qu’une telle loi soit adoptée. Sa mise en application peut être à l’origine d’une dynamique mondiale supplémentaire grâce à laquelle les entreprises intégreront pleinement les critères écologiques dans leur manière de travailler. » Aaron Nelson est également cofondateur de l’Institute for Sustainable Development, une organisation qui encourage les PME à adopter des projets écologiques et délivre des certifications aux entreprises qui tiennent compte des critères favorisant de manière notable la préservation environnementale. La Chambre de commerce de Chapel Hill-Carrboro comme celle de Durham figurent parmi les premiers partenaires de cette initiative. Le président de cette Chambre de Caroline du Nord est loin d’être le seul à remettre en cause les idées de Washington. L’Institute for Sustainable Development est notamment soutenu par l’American Chamber of Commerce Executives (ACCE), une association indépendante de l’US Chamber.
Elle fédère quelque 1 250 dirigeants de Chambres. « La carte écologique doit être pleinement jouée, car l’état du monde réclame une attitude franche, créative et innovante pour donner aux activités économiques une nouvelle orientation respectueuse de l’environnement », estime Aaron Nelson. Le président reproche à la US Chamber de sous-estimer les enjeux écologiques. « Refuser les contraintes est une mauvaise posture. Il ne faut pas non plus attendre que les partenaires étrangers prennent seuls à leur compte la problématique du réchauffement climatique », assène-t-il. Il invite les plus sceptiques à voir la question environnementale non comme une contrainte, mais comme une opportunité, répétant que « le combat écologique est une source d’économie et d’innovation précieuse ». Créé dans le cadre de l’Institute for Sustainable Development, le programme Green Plus (1), fer de lance de l’organisation, illustre l’état d’esprit de Aaron Nelson. Green Plus forme les chefs d’entreprise en leur fournissant des informations concrètes pour faire de la préservation environnementale un atout, tant en termes d’image que sur le plan économique. Les conseils portent par exemple sur les dépenses courantes de l’entreprise, les relations avec les fournisseurs et collaborateurs. Green Plus incite aussi à l’adoption d’une charte de bonne conduite écologique à l’intérieur de chaque société et donne rendez-vous aux dirigeants des mêmes types d’entreprise, afin qu’ils confrontent leur expérience et leurs points de vue, sur des problématiques semblables.
(1) www.gogreenplus.org