Commerce International : Quel a été le poids politique des groupes religieux lors des dernières élections présidentielles aux États-Unis ?
Camille Froidevaux-Metterie : « Ce que nous savons désormais, c’est que l’électorat religieux n’est plus “captif”, c’est-à-dire qu’il ne vote plus massivement républicain. La campagne de Barack Obama a illustré ce phénomène de la reviviscence d’une “gauche religieuse”. Le 4 novembre 2008, le candidat démocrate a ainsi rassemblé sur son nom 53 % des électeurs chrétiens et 26 % des évangéliques, soit 5 points de plus que les candidats démocrates en 2000 et 2004. »
Quel rôle social compte donner le président américain à ces groupes dans la lutte contre la pauvreté ?
C. F-M. : « Obama est convaincu de l’importance de l’engagement de foi dans la vie sociale, tout en demeurant attaché au principe de séparation des églises et de l’État. C’est ce qui explique qu’il soutienne les programmes de lutte contre la pauvreté “fondés sur la foi” (‘faith-based’), initiés par l’administration Bush, mais en enjoignant les organisations confessionnelles concernées, au nom du respect du pluralisme religieux, de traduire leur engagement dans un vocabulaire universel. »
Sous cette nouvelle administration, la religion prendra-t-elle davantage un caractère privé ?
C. F-M. : « Aux États-Unis, la foi est surtout une affaire privée. La présence publique d’une rhétorique aux accents religieux traduit cette conviction héritée de l’histoire selon laquelle le pays serait divinement parrainé. Il s’agit bien plus d’une religiosité civile que de l’imprégnation chrétienne de la vie politique. On peut ainsi afficher sa foi, comme le fait Obama, tout en restant un fervent partisan de la laïcité. »
Politique et religions aux États-Unis, de Camille Froidevaux-Metterie, Éditions La Découverte, collection Repères, 9,50 euros.