Édouard-Malo Henry peut être fier lorsqu’il regarde les quatre années qu’il vient de passer à Montréal : « À mon arrivée, 70 % de notre chiffre d’affaires au Canada provenait du Québec. Maintenant cette proportion est de 30 %, mais pour un chiffre d’affaires triplé. » Depuis 23 ans au sein de cette banque de calibre mondial présente dans 70 pays, le président de la Société Générale Canada y a assez navigué, tant dans plusieurs fonctions stratégiques qu’à travers le monde (dont l’Australie de 1995 à 2000), pour être arrivé au Canada en 2004 avec la conviction qu’il fallait regarder vers l’Ouest. Originaire de Saint-Malo comme son prénom en témoigne, peut-être influencé par l’histoire de Français avant lui, Édouard-Malo Henry a démontré, à coup sûr, son sang d’explorateur, lui en direction des sables bitumineux du Canada. « Nous étions traditionnellement à Montréal et à Toronto depuis plus de 30 ans. Dès mon arrivée à Montréal, mon plan était clair. »
Il est maintenant plutôt fier des résultats : « Fiancés en 2005 à FirstEnergy Capital Corp., nous sommes maintenant le premier partenaire financier de cette banque de l’Alberta. » Un beau doublé avec l’acquisition récente d’une autre banque, la Canadian Wealth Management. « Dans ce cas, l’objectif est de se spécialiser en gestion de fortune. » Ce qui ne manque pas dans l’opulente Alberta d’aujourd’hui. De plus, la SG Canada compte sa propre succursale de 16 personnes en poste à Calgary. Et il n’y a pas que le prix du pétrole qui lui porte chance au Canada ! Déjà dans le trio de tête mondial des banques spécialisées en financement des infrastructures, la SG y prend aussi sa place en matière de partenariats public-privé (PPP). « Actuellement, il y a plus de 100 projets de partenariats publics privés de plus de 100 millions de dollars au Canada », confie-t-il. Les deux premiers se sont concrétisés avec eux : un projet de plus d’un milliard de dollars pour une liaison ferroviaire en Colombie-Britannique et une autoroute à péage de 800 millions de dollars en phase avec les Jeux olympiques de Vancouver de 2010. Plus récemment, l’arrangement financier pour l’autoroute 25 au Québec, un PPP de 300 millions de dollars qui vient d’être élu meilleur financement d’infrastructure pour l’Amérique en 2007, c’est encore eux.
« Notre positionnement au Canada repose sur deux axes : offrir des services pointus que les banques canadiennes ne proposent pas toujours ou peu (produits dérivés, financements structurés) en apportant le savoir global d’une grande banque internationale, et accompagner à l’international les entreprises canadiennes (Magna en Russie, Bombardier en Afrique du Sud, SNC-Lavalin en Algérie). Trois secteurs d’activité sont ciblés en priorité : les matières premières, l’infrastructure et la clientèle des institutions financières. Nous ne sommes pas en compétition avec les banques canadiennes ; elles sont plutôt nos clients. » La fusion Alcan-Rio Tinto fut financée avec eux pour 8 milliards de dollars. Ils sont le premier partenaire financier pour le financement à l’export de la société d’État Exportation et développement Canada. Et l’expertise en matière de produits dérivés financiers a du poids à Toronto et Calgary, mais aussi dans une ville comme Montréal : « Nous sommes parmi les bonnes fées qui aident à la naissance d’une Bourse du carbone », soulignant du coup le rôle d’Orbeo, une société commune avec le groupe industriel Rhodia qui aide les entreprises à tirer partie du marché des crédits carbones. Consulté, il vient encore de l’être, en personne, pour le projet du Premier ministre Jean Charest de lancer en 2008 une négociation de libre-échange Canada-Union européenne : « Une initiative intéressante, car c’est bon de vouloir diversifier les marchés étrangers pour le Canada. » C’est que l’initiative vienne du Québec qui le surprend. Qu’importe, après l’Ouest, il s’intéressera à la conquête de l’Est !