Pérou: les projets miniers affectés par les conflits sociaux?

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La Grande marche pour l’eau, en février dernier au Pérou (©Chrystelle Barbier)
Suite de notre feuilleton sur les conflits miniers. Les prochains mois pourraient s’avérer décisifs pour l’avenir de nombreux projets du secteur.

 

Le slogan est toujours le même. “L’eau oui, l’or non”, crient avec véhémence les manifestants à chacune des marches de protestation organisées contre l’une des nombreuses mines opérant au Pérou. Qu’ils habitent dans la région andine de Puno, à la frontière avec la Bolivie, ou au cœur de la jungle amazonienne, de plus en plus de Péruviens protestent contre l’activité minière, souvent au nom de la défense des ressources hydriques qu’ils estiment mises en danger par les mines. L’opposition entre paysans et grandes entreprises n’est pas nouvelle, mais elle a pris une autre dimension depuis novembre et le conflit généré autour de Conga, un immense projet minier d’or et de cuivre situé sur les hauteurs de la région de Cajamarca (nord).

“Conga est un moment-clé dans l’histoire du pays”, estime Cesar Peñaranda, le directeur de l’Institut d’économie et développement entrepreneurial (IEDEP) de la Chambre de commerce de Lima, qui affirme que les investisseurs sont actuellement dans l’attente de voir comment sera résolu un conflit devenu emblématique de la problématique existant aujourd’hui autour du secteur minier. Depuis quatre mois, des milliers de manifestants, vivant en grande partie de l’agriculture, s’opposent à la poursuite du projet Conga qui, selon eux, mettra en péril l’eau de leur région, en asséchant d’immenses lagunes qui alimentent aujourd’hui trois bassins hydriques et plusieurs dizaines de villages. Représentant un investissement de 4,8 milliards de dollars (3,57 milliards d’euros) sur 19 ans, le projet, opéré par la transnationale Yanacocha (qui appartient à l’Américaine Newmont et à la Péruvienne Buenaventura), devait être “l’investissement minier le plus important de l’histoire du Pérou”. Suspendu depuis le mois de décembre face à l’intensité de l’opposition des habitants de Cajamarca, son sort est désormais incertain. En avril, trois experts choisis par le gouvernement donneront leur rapport sur l’étude d’impact environnemental de l’entreprise, critiqué par les manifestants.

“De leurs conclusions et de la réaction du peuple de Cajamarca dépendra le sort de Conga et celui de nombreux projets miniers au niveau national”, juge Cesar Peñaranda. “Si Conga prospère, cela pourrait générer un effet très positif sur de nombreux projets qui sont aujourd’hui en portefeuille (ndlr. 20 à 30 milliards de dollars, soit 14,9 à 22,3 milliards d’euros, d’ici 2016) ; mais si le résultat de ce processus est négatif (ndlr: l’annulation de Conga), cela pourrait affecter d’autres projets et multiplier les conflits”, explique l’expert. Le président de la Confédération nationale des entreprises privées (Confiep) qui représente les patrons au Pérou, craint lui aussi la recrudescence des conflits, si le Pérou devait “continuer son chemin sans Conga”. “Dans ce cas, je ne crois pas que le pays entrerait dans une phase calamiteuse, loin de là, mais donner raison aux manifestants créerait un précédent en faveur de la position anti-minière et renforcerait les autres conflits”, avertit Alfonso Garcia, qui assure que dans une telle situation “sur 100 nouveaux projets miniers qui auraient pu se développer dans le pays, seuls 50 seront menés à bien”.

Au vu de l’atmosphère conflictuelle touchant le secteur minier, mais aussi de la crise internationale qui affecte le moral des investisseurs, l’Iedep prévoit une baisse du taux de croissance des investissements privés au Pérou et estime que celui-ci atteindra 7,6% en 2012, contre 12% en 2011 et 22,1% en 2010. “Heureusement, les investissements au Pérou ne se réduisent pas à la mine”, note Cesar Peñaranda, qui rappelle que l’énorme déficit en infrastructure, estimé pour les dix prochaines années à 55 milliards de dollars (40,9 milliards d’euros), représente une grande opportunité d’investissements pour les entrepreneurs nationaux et étrangers. Quant à la mine, les experts se rejoignent. “Le Pérou est un pays minier par excellence et des solutions seront trouvées aux conflits”, positive le directeur de l’Iedep. Il reconnaît toutefois que “cela prendra du temps”.

Vendredi prochain:
Le secteur minier en proie à des conflits sociaux dans toute l’Amérique latine.

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