Le gouvernement de la province canadienne de l’Ontario a dévoilé fin novembre un plan visant à moderniser son réseau d’électricité. Montant de l’investissement : 87 milliards de dollars canadiens, soit 65 milliards d’euros. Parmi les mesures annoncées, la fermeture des centrales au charbon, ainsi que leur conversion à la biomasse (production d’énergie à partir de matières organiques) ou en centrales au gaz, est prévue au plus tard en 2014. Un budget de 9 milliards (6,7 Md€) est envisagé pour l’installation de nouvelles lignes à haute tension. Et quelque 12 milliards (9 Md€) auront pour but d’encourager les économies d’énergie, notamment via des abattements pour les propriétaires qui effectueront des travaux de rénovation. Quant aux énergies renouvelables, elles bénéficieront d’un investissement total de 28 milliards (20,8 Md€), dont 5 (3,7 Md€) consacrés à des projets hydroélectriques, 9 (6,7 Md€) à l’énergie solaire, et 14 (10,5 Md€) à l’éolienne.
Avec 33 milliards (25,5 Md€) affectés à la remise à neuf de dix réacteurs, ainsi qu’à la construction de deux nouvelles centrales, c’est donc le nucléaire qui concentrera les investissements les plus importants. Ce projet censé créer 25 000 emplois, sans compter les 3 500 postes des nouvelles centrales, est le plus imposant dans le secteur du nucléaire en Amérique du Nord. Objectif du gouvernement Dalton McGuinty : faire face à l’augmentation prévisible des besoins et réduire les émissions de CO2.
Ces mesures ont été accueillies favorablement par la Chambre de commerce de l’Ontario (OCC). « Nous plaidons depuis longtemps pour une source d’électricité à la fois adéquate, stable et fiable pour les entreprises, a-t-elle indiqué dans un communiqué. Nous applaudissons donc aux annonces du gouvernement concernant le nucléaire. » Et d’ajouter : « Compte tenu de la fermeture des centrales au charbon, prévue pour 2014, nous sommes convaincus que ce nouvel investissement est essentiel pour l’économie de l’Ontario et la compétitivité des entreprises ».
Des doutes ont cependant été émis dans l’opposition politique et les associations écologistes, au premier rang desquelles Greenpeace, quant au montant de cet investissement, jugé inférieur au coût réel d’une remise à neuf de dix réacteurs associée à la construction de deux centrales. Première difficulté susceptible de faire grimper la facture : pour être le plus efficient possible, le renouvellement de dix réacteurs devra faire l’objet d’une étroite coordination entre Bruce Power et Ontario Power Generation, les deux entreprises qui les exploitent. Deuxième problème, plus épineux : l’incertitude sur le coût d’achat des deux nouvelles centrales. Alors que le gouvernement McGuinty était en pleines négociations avec EACL (Énergie atomique du Canada Limitée, Atomic Energy of Canada Limited), l’agence fédérale chargée de bâtir les réacteurs nucléaires CANDU (1), le gouvernement fédéral a dit son intention de la vendre. « Nous nous attendons à ce que le gouvernement restructure EACL pour nous permettre de conclure avec le nouveau propriétaire un accord qui soit dans l’intérêt des contribuables », affirme à cet égard le plan. Sans garantie.
Par-delà ces positions de principe, Philippe Crabbé, professeur à l’université d’Ottawa, souligne pour sa part que la nouveauté du plan présenté ne réside pas dans les investissements consentis dans le nucléaire. Ceux-ci ne font que maintenir dans le mix énergétique de la province la part importante de ce secteur, qui couvre la moitié des besoins de l’Ontario. La nouveauté, selon lui, tient dans la fermeture définitive des centrales au charbon et leur remplacement par des énergies vertes dont la production coûte cher. Notons qu’avant d’entrer en vigueur, ce plan doit être visé par l’Office de l’électricité de l’Ontario (Ontario Power Authority), chargé de veiller à l’approvisionnement en électricité, avant d’être transmis pour approbation finale à la Commission de l’énergie de l’Ontario (Ontario Energy Board), organisme qui régit les secteurs de l’électricité et du gaz naturel dans la province.
(1) Réacteur nucléaire à l’uranium naturel (non enrichi) à eau lourde pressurisée développé par AECL dans les années 1960.
occ.on.ca