Vers quel partenariat de développement entre Europe et Afrique ?

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Depuis 50 ans, l’aide publique au développement (APD) a mobilisé des montants financiers considérables. En 2006, elle a représenté près de 103, 9 milliards de dollars, dont 64 milliards fournis par la seule Europe (l’Union et ses États membres). Par l’histoire comme par la géographie – notamment par sa proximité avec l’Afrique – l’Europe est la première concernée.

Or, elle ne recueille ni l’influence à laquelle son effort financier lui permettrait de prétendre, ni des résultats probants en termes de développement de l’Afrique. Dans le grand débat mondial de la croissance et du développement, l’Europe est divisée et l’Afrique absente. Il est pourtant impératif de trouver un modèle économique qui permette d’aborder sereinement les chocs sociaux qui s’annoncent compte tenu du vieillissement sans précédent de la population européenne, d’une part, de la jeunesse croissante et de la fragilité de la population africaine, d’autre part. L’Afrique a plus que jamais besoin de l’Europe, et l’Europe plus que jamais besoin d’une Afrique qui se développe. Aussi est-il urgent de donner tout son sens au concept de partenariat euro-africain – celui qui n’impose pas à l’autre ses objectifs, mais en revanche est exigeant sur les moyens et les méthodes. Cette « nouvelle politique » attesterait de la volonté de construire un espace régional soutenable fondé sur un contrat d’intérêts et de valeurs partagées.

 

Comment y parvenir ? Il s’agit de définir une vision globale de la relation eurafricaine et de procéder à une clarification institutionnelle. Cette réforme ­doterait l’Europe d’une véritable capacité de management politique, seule à même de mettre en ­réseau tous les acteurs européens de la coopération. Elle permettrait ainsi de mutualiser et de capitaliser leurs multiples savoir-faire pour une action efficace au service du développement. Pour des raisons géographiques, il existe, dans les faits, un espace unique euro-africain dont l’extrême hétérogénéité dissimule l’existence. Cet espace doit être pensé comme un marché intérieur en construction et un bassin d’emplois potentiel appelés à tirer la croissance de part et d’autre de la Méditerranée. Il doit être pensé comme un espace de paix et de ­sécurité?: l’Afrique est trop proche de l’Europe, tant au sens géographique qu’en termes de population, pour que celle-ci puisse y voir se multiplier des « États fragiles ». Il faut enfin le penser comme un espace d’échanges entre sociétés civiles et d’approfondissement de la démocratie participative. Ces échanges ne pourront se concevoir sans la promotion d’un dialogue culturel et religieux. Dans l’histoire, l’espace euro-africain a servi de cadre aux plus fécondes coexistences comme aux folies les plus destructrices. Le dialogue des cultures et celui des religions sont une condition nécessaire au ­développement.

 

Il n’y a donc d’autre choix que de mettre sur pied une politique publique à part entière, de haute priorité, à la fois cohé-rente avec les autres politiques européennes et conçue en partenariat avec les pays en développement, de façon à intégrer en amont leurs objectifs. Cela passera par l’émergence d’un système européen de coopération au développement.Dans cette perspective, une vision unique, cohérente et hiérarchisée des interventions de l’Europe et de ses membres paraît indispensable. Elle ne peut être approuvée qu’au niveau du Conseil européen et du Conseil des ministres, la commission recevant le mandat politique d’en élaborer le projet. Il s’agirait de fixer à la fois la « doctrine de l’aide » et les grandes stratégies régionales qui seraient communes. Mais pour que ce projet ambitieux réussisse sur le terrain, nous devrons résister à la tentation du centralisme bureaucratique. La mise en œuvre de cette politique ­commune devrait ainsi être confiée à un système innovant de coopération, organisé autour d’un réseau d’agences et d’opérateurs de développement (agences d’aides, collectivités, établissements publics de recherche et d’aménagement, etc.).

 

Cette formule concilierait la nécessité de cohérence globale d’une part, et celle de tirer parti de la diversité des contributions de chaque État membre d’autre part, faisant du pluralisme un moteur d’innovation et non une entrave à l’efficacité. Ces propositions sont porteuses d’une reconfiguration de l’ensemble des dispositifs européens de coopération avec un ­objectif à 20 voire 30 ans. Trente ans?: c’est l’unité de temps du développement et des constructions poli-tiques régionales. L’histoire de la construction européenne montre que la méthode des cheminements lents par des compromis successifs peut être efficace dès lors que le cap politique à long terme est fixé. À l’inverse, la technique des compromis peut être destructrice si l’horizon n’est pas clairement déterminé. L’Europe a aujourd’hui besoin d’un projet qui la grandisse. Repenser sa relation à l’Afrique et au monde pour mieux se construire est une très belle opportunité.

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