Un centre pour faciliter les échanges entre entreprises européennes et japonaises

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Établir une passerelle entre deux mondes très différents. Tel est l’objectif permanent du Centre UE-Japon pour la coopération industrielle. Une mission encore plus ambitieuse à l’heure actuelle où l’archipel nippon tente de se remettre d’une terrible catastrophe humaine et économique. À ses débuts, dans les années 1980, le centre se concentrait presque exclusivement sur l’organisation de missions de programmes de formation au Japon. Celles-ci duraient de 2 à 16 semaines et s’adressaient à des managers européens désireux d’approcher le marché japonais. Au fur et à mesure du développement de l’organisation se sont ajoutées de nouvelles activités comme des formations pour étudiants, invités à passer une année d’étude au Japon. Rapidement, ces échanges ont été organisés dans les deux sens.

« Si la formation était le cœur de notre travail au cours des premières années d’existence du centre, elle n’est aujourd’hui qu’un élément de l’offre. De nombreuses autres opérations sont, par ailleurs, mises sur pied. Nous organisons désormais de multiples séminaires sur des sujets d’intérêt commun entre les deux pays. Il s’agit par exemple de thèmes relatifs à des domaines dans lesquels une coopération accrue entre des filières d’Europe et du Japon pourrait être mutuellement bénéfique », explique Diane Van Bockstal, directrice du bureau européen du centre. Les séances peuvent aussi mettre l’accent sur des confrontations ou des divergences sur lesquelles les organisateurs cherchent à ce que les japonais et européens s’expriment. L’objectif est de faire en sorte que les savoirs dispensés par ces opérations profitent aux professionnels dans leur évolution et leurs collaborations et, plus largement, aux relations entre les entreprises d’Europe occidentale et japonaises.

Ce centre est autonome sur le plan juridique, mais pas sur le plan économique. Il est cofinancé par le gouvernement japonais et la Commission européenne. Le comité de direction est composé de personnes issues des deux autorités. Le plan de travail du centre forme un parfait miroir des priorités du gouvernement nippon et de la Commission européenne. Celles-ci s’inscrivent dans le temps par rapport aux problématiques rencontrées dans les deux régions. Actuellement, les principaux sujets traités couvrent l’énergie, l’environnement, les changements climatiques, les tensions liées aux échanges commerciaux et à l’investissement, la politique industrielle et la promotion des PME et de l’innovation.

Depuis le 1er janvier 2011, le centre est devenu le point de contact pour le Japon du Enterprise Europe Network, un réseau tentaculaire rassemblant une cinquantaine de pays, 600 organisations et 4 000 experts, dont l’objectif est d’améliorer la coopération entre PME. « Nous tentons également d’aider les PME par l’intermédiaire de bourses et en offrant un accès gratuit à nos programmes. Par le passé, seuls les longs programmes de plusieurs mois étaient concernés par ces bourses. Désormais, même les petits programmes sont soutenus par ce type d’aide », poursuit Diane Van Bockstal.

Depuis 2008, le centre sert également d’interlocuteur de référence entre les clusters japonais et européens. « Notre rôle est d’abord de mettre en relation les deux parties, ce qui est difficile, car l’environnement est souvent très opaque. Un travail de cartographie des clusters japonais est en cours actuellement pour aider les clusters européens à mieux se retrouver sur le marché japonais », précise Jessica Michelson, marketing manager du bureau européen du centre. « Nous disposons, par ailleurs, depuis janvier 2010 d’une personne qui parcourt le Japon avec pour mission de promouvoir toutes les possibilités pour les entreprises, institutions et centres de recherche japonais de participer à des projets financés par le septième programme-cadre de recherche de l’Union européenne. Un dispositif malheureusement encore trop méconnu pour l’instant. »

À ces nouveautés s’ajoute un accord de coopération en sciences et technologies entré en vigueur en mars dernier et qui devrait faciliter les collaborations entre les deux pays dans ce domaine. Quelques mois après le séisme, les indicateurs redonnent le sourire aux Japonais. Les conclusions des think tanks, de la Commission européenne ou d’autorités japonaises s’entendent sur le fait qu’un retour très rapide à la croissance se produit, soutenu par l’effort de reconstruction. Plusieurs analyses prévoient même une croissance au quatrième trimestre 2011. « Même sans parler des opportunités liées aux conséquences du récent séisme, il est important de souligner les nombreux développements dont le Japon fait l’objet. Plusieurs missions économiques sont actuellement orientées vers les secteurs émergents du pays. Nous sommes approchés par des sociétés auteurs de nouvelles idées, comme des procédés favorisant la sécurité des bâtiments ou des techniques de traçabilité alimentaire. Les offres de ce type sont en croissance. Ces entreprises pourraient se tourner vers des pays plus accessibles, mais ils privilégient le Japon, ce qui témoigne du potentiel que recèle l’archipel », analyse Diane Van Bockstal.

Les activités du centre UE-Japon sont évaluées de manière régulière en amont et en aval. « Nous procédons à une analyse des besoins et des opérations au terme des différentes activités. En fonction des résultats constatés, nous adaptons ces dernières », décrit Jessica Michelson. Suite aux événements dramatiques de mars dernier, le centre a lancé une enquête pan-européenne dans le but de déterminer les besoins vers lesquels se dirige l’industrie japonaise actuelle. Il s’agit aussi de voir dans quelle mesure l’engouement préexistant pour le Japon est toujours une réalité et quelle orientation celui-ci peut prendre. « À la lecture des premiers résultats, il semble que certains secteurs comme l’énergie, le domaine environnemental, la sécurité alimentaire, les travaux publics vont s’affirmer dans les mois et années à venir, notamment en raison des importants projets de reconstruction qui doivent avoir lieu », confie Diane Van Bockstal.

Par ailleurs, le travail de scoping, destiné à édicter les nécessités à inclure dans le projet d’accord de libre-échange et réalisé avec les États membres de l’Union européenne en préambule des négociations sur ce nouveau projet, porte en grande partie sur l’accès aux marchés publics nippons. « Si celui-ci aboutit, le Japon se présentera comme un véritable eldorado pour bon nombre d’entreprises européennes. Des opportunités sans précédent verront le jour, d’autant que d’autres thèmes tels que le vieillissement de la population peuvent être sources de nombreuses affaires », poursuit-elle.

Pour le centre, dans tous les cas, les développements futurs ne manquent pas. Bien sûr, les deux régions amélioreront sensiblement leurs flux commerciaux si des négociations à la fois larges et en profondeur se concluent positivement. « Les intérêts des industries influenceront d’une manière ou d’une autre l’exercice actuel et, à terme, les négociations sur l’éventuel accord et sa nature. Reste à savoir à quel point cet impact sera fort », résume Diane Van Bockstal. Le centre n’intervient pas dans l’exercice de « scoping », mais espère que ses conclusions iront dans le sens d’une facilitation des échanges afin qu’il puisse toujours mieux jouer son rôle de pont entre l’Europe et l’Extrême-Orient.

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