Commerce International : Qu’est-ce qui explique le succès de votre enseigne ?
René Prévost : « Speedy est né il y a 28 ans en France, à une époque où il fallait plusieurs jours pour remplacer un pot d’échappement. Nous avons inventé une prestation mécanique courte et réactive pour les réparations mineures, qui s’étend aujourd’hui à près de 500 points de service en France, dont plus d’une centaine en franchise. Ils peuvent répondre à près de 80 % de la demande du parc roulant en moins de 24 heures.L’une des grandes forces du groupe réside dans sa stratégie marketing et son investissement conséquent dans la publicité. À cela s’ajoute un développement permanent. Nous sommes le leader européen de la réparation rapide avec 2 000 magasins, grâce au rachat de réseaux français, mais surtout à notre présence en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas sous l’enseigne Kwik-Fit, en Allemagne sous la marque Pit-Stop.Pour résumer la présence de Speedy à l’international, elle est couronnée de succès partout où les marchés sont déstructurés. C’est en Allemagne et en Suisse que le groupe a rencontré le plus de difficultés pour se différencier des constructeurs automobiles bien implantés sur le territoire ».
C.I.: Quel est le rapport du groupe à ses franchisés ?
R.P.: « Mon expérience de la franchise m’a appris que lorsqu’un franchisé gagne, c’est grâce à son travail. Lorsqu’il commence à perdre, la responsabilité revient au groupe. Car notre rôle consiste à devancer les besoins du réseau, les baisses de marché sur certains produits.Nous fonctionnons un peu à l’inverse d’une structure pyramidale : le management s’appuie sur de la persuasion, non sur la dissuasion. Il s’agit de communiquer sur les raisons pour lesquelles Speedy opte pour tel ou tel choix avant de les mettre en place. Sans ce dialogue, ce partage des décisions et des symboles avec le terrain, le succès en franchise est compromis. Ce sont des leçons que nous avons tirées des rachats de réseaux en difficulté, car ils nous ont obligés à nous interroger sur les raisons de leurs dysfonctionnements. Contrairement au management hiérarchique des équipes responsables des 340 succursales, les directeurs régionaux dédiés à la franchise privilégient l’écoute et le temps ».
C.I.: Comment les choisissez-vous ?
R.P.: « C’est la commission d’admission, composée d’un chargé de développement, de la franchise et d’un prospecteur, qui effectue ce choix. Les principaux critères de sélection sont le dynamisme, la volonté et la communication. Arrivent ensuite les capacités financières du candidat.Le profil dont notre équipe se méfie particulièrement est celui emprunt de doute. Par exemple, une personne licenciée d’une entreprise qui, par la suite, a passé 18 mois à chercher sa voie : ce type de candidat ne nous intéresse pas, car il s’achète un métier en quelque sorte.
Le futur franchisé doit avoir un vrai projet, suivre un cursus de réflexion. Des sacrifices dans sa vie personnelle sont à prévoir, à commencer par le peu de jours de congés, les horaires soutenus, l’absence d’investissements familiaux de grande ampleur… Au moins les trois premières années. Une fois que le candidat a pris conscience des contraintes, qu’il est en mesure d’investir une somme importante dans son projet (voir encadré), qu’il présente la vivacité indispensable à sa réussite, alors il fait partie de la famille .
D’après mon expérience, la clé de la réussite pour le franchisé repose sur le choix d’un cœur de métier qui l’attire réellement, non sur la rentabilité qu’il peut en tirer ».
C.I.: Quel regard portez-vous sur le secteur de la franchise en France ?
R.P.: « La franchise est un observatoire des marchés en temps réel. Les remontées d’information sont plus importantes et efficaces que dans une structure composée uniquement de succursales intégrées. Autre différence : un réseau franchisé est une locomotive à vapeur, une machine qui nécessite du temps pour atteindre une vitesse intéressante. Mais une fois en marche, si elle est maintenue dans un climat de cohésion, elle ne fait pas marche arrière.La franchise française est le premier moteur européen du secteur, un exemple. Certains observateurs estiment même qu’elle prend le pas sur la franchise américaine. Mais il existe des enseignes dominantes qui rendent difficile l’arrivée de nouvelles chaînes. Comment voulez-vous intégrer un marché tel que le nôtre – à moins d’avoir une idée de génie – face à de telles success stories, à leur notoriété, à leur budget de communication ?
Ces dernières années, aucune chaîne d’hôtel, de réparation automobile ou autre spécialité n’a vu le jour à l’échelle nationale. Les candidats à la franchise ont donc tout intérêt à s’orienter vers des structures solides ».