« Depuis quelques années, nous avons beaucoup plus de demandes de créateurs d’entreprise, notamment chez les 25-40 ans », constate Pascal Trideau, directeur général de la Confédération générale des Scop (CG Scop). Le statut « Sociétés coopératives et participatives » (Scop) constitue une formule en adéquation qui semble en phase avec les attentes sociétales d’aujourd’hui, c’est-à-dire loin du modèle du capitalisme financier où les actionnaires ont les pleins pouvoirs. « Concentrer la richesse créée sur les seuls actionnaires, en considérant que les salariés ne sont qu’une variable d’ajustement est un modèle d’une autre époque, même s’il est toujours largement en vigueur actuellement », poursuit-il. Fin 2010, 1959 sociétés coopératives et participatives, réunissant 39 107 salariés hors filiales non coopératives et plus de 50 000 en comptant ces filiales, adhéraient à la confédération. Soit une progression de 3,5% par rapport à 2009; et les Scop se développent à un rythme constant depuis quinze ans.
« Il y a un engouement fort autour de ce type d’entreprise, du côté des médias comme des chercheurs en économie. Globalement, le modèle coopératif lisse davantage les inégalités et représente donc une alternative plus juste, à laquelle de nombreux dirigeants et salariés aspirent », considère Pascal Trideau. La CG Scop est chargée du lobbying auprès des pouvoirs publics et le mouvement compte 13 unions régionales couvrant l’ensemble du territoire. Il regroupe trois fédérations de métiers: les Scop du BTP, de l’industrie et de la communication. Une Scop est une SA ou Sarl avec deux spécificités majeures. D’abord, elle implique une forme de gouvernance démocratique passant par la détention majoritaire du capital par les salariés. Cela ne signifie pas que tous les salariés sont associés, même si l’on constate un taux de sociétariat avoisinant les 80%. L’implication est autant financière que gestionnaire. Le fonctionnement respecte le principe « une personne, une voix » lors de l’assemblée générale et de l’élection des dirigeants.
Deuxième pilier de la Scop: la répartition de la richesse. Contrairement aux autres modèles, où cette question dépend de la seule volonté des actionnaires, la loi impose un cadre légal: 16% au moins de la richesse générée doit être destinée à l’entreprise et 25% au moins doit revenir aux salariés sous forme de participation. En moyenne, les Scop laissent 40% dans l’entreprise, ce qui signifie que la gestion préserve largement la santé économique des organisations. « Cette culture permet de mieux traverser les périodes difficiles, car ces entreprises sont fortement dotées en fonds propres », précise Pascal Trideau. Résultat: le taux de survie après trois ans d’existence atteint 74% chez les Scop. Pour les décisions stratégiques, tous les associés sont sollicités, ce qui implique formation et pédagogie. « Il est indispensable que les salariés comprennent bien l’analyse de la situation de l’entreprise et de ses projections. Par ailleurs, les dirigeants de Scop doivent être animés par le souci de partager aussi bien des décisions que des options stratégiques. Ce travail ne se fait pas uniquement le jour de l’assemblée. Si l’entreprise envisage une opération de croissance externe, les salariés doivent bien sûr être consultés très en amont », illustre encore le directeur.
La confédération attend des pouvoirs publics un soutien au développement des Scop, ainsi que des réformes importantes (lire ci-dessous). « Les salariés devraient avoir un droit de premier regard au moment de la vente de l’entreprise et avoir la possibilité de faire une offre, comme le locataire d’un appartement lorsque son propriétaire décide de vendre », estime Pascal Trideau. D’autres aménagements permettraient à des fonds d’investissement de s’impliquer. « Dans une entreprise de 50 salariés dont la valeur est de 10 millions d’euros, les employés n’ont bien sûr pas les ressources pour assumer seuls l’opération. Il est alors intéressant de permettre des montages, dans lesquels les salariés sont majoritaires et où un fonds minoritaire apporte du cash afin d’aider la partie majoritaire représentée par les salariés. Ces derniers pourraient ensuite rembourser la somme apportée sur une longue durée », suggère le directeur. Dans certaines filières, le statut de Scop permettrait de garder la main sur un certain nombre d’entreprises stratégiques. À ce titre, il s’agit aussi d’un outil de « patriotisme économique ».
Campagne présidentielle française: la Confédération générale des Scop interpelle les candidats
« Chaque jour, des salariés (français, NDLR) prennent leur destin en main en créant ou en reprenant leur entreprise et en la faisant prospérer ensemble. Les 2 000 Scop sont la preuve que la démocratie économique leur réussit », écrit Patrick Lenancker, président de la CG Scop, dans une lettre adressée aux candidats aux élections présidentielles françaises et rendue publique le 12 mars. Celle-ci comprend des propositions pour développer ce modèle d’entreprise dans l’Hexagone. Parmi les mesures demandées: mise en place d’un prêt à taux zéro accessible à « tout citoyen créateur-repreneur d’entreprise », facilitation des « conditions d’attribution de l’ARCE (aide à la reprise ou à la création d’entreprise) », création d’un « fonds d’investissement spécialisé dans la reprise d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) », ou encore adoption d' »un nouveau statut de coopératives de salariés actionnaires leur permettant de devenir propriétaires de leur entreprise en cinq à dix ans. » La CG Scop présente ici, très brièvement, la position des candidats sur les Scop, chacune recueillie lors du Forum organisé par le Ceges (Conseil des employeurs de l’économie sociale), le 2 mars à Paris.