« Après cinq ans de crise économique et le retour de la récession en 2012, le revenu des ménages est en baisse et le risque de pauvreté et d’exclusion augmente, en particulier dans les Etats membres du Sud et de l’Est», écrit dans son rapport 2012 sur l’évolution de l’emploi et de la situation sociale en Europe, publié le 8 janvier, la commission européenne, qui souligne une réalité méconnue : les pays de l’Est européens sont eux aussi victimes de la crise.
« Chômage et détérioration de la situation sociale se sont combinés en 2012 pour imposer à l’Europe une nouvelle année difficile », a déclaré László Andor, commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et de l’inclusion. Il précise qu’ « il est peu probable que l’Europe voie sa situation socio-économique s’améliorer notablement en 2013, à moins qu’elle ne parvienne à trouver une solution pour résoudre la crise de l’Euro. »
Dérive continentale
Le chômage dans l’Union européenne, qui atteint avec une moyenne de 11% (26 millions de personnes) des sommets « qu’il n’avait plus connus depuis près de vingt ans », est le principal sujet de préoccupation de Bruxelles. « L’écart des taux de chômage entre le Nord et le Sud de la zone euro était de 3,5 points en 2000, et il s’est creusé pour s’établir à 7,5 points en 2011 », relève la commission européenne. Ainsi, le taux de chômage moyen dans les pays du « Nord » (Autriche, Belgique, Allemagne, Finlande, France, Luxembourg et Pays-bas) après une forte hausse en 2009 a recouvré fin 2011 le niveau d’avant la crise. Pendant la même période, il est monté en flèche dans les pays du « Sud » (Estonie, Espagne, Grèce, Irlande, Chypre, Malte, Portugal, Slovénie et Slovaquie) pour atteindre fin 2011 près de 15 %.
Comme l’analyse la commission, « une nouvelle fracture apparaît entre les pays qui résistent plus ou moins bien, grâce notamment à des marchés du travail plus efficaces et des systèmes de protection sociale plus solides, et les autres pays, piégés dans une spirale : chute de la production, hausse rapide du chômage et érosion du revenu disponible. »
Dans ce dernier domaine, l’absence de reprise économique a provoqué une baisse du revenu disponible brut des ménages dans deux tiers des pays de l’Union européenne. Si les risques de pauvreté et d’exclusion menacent plus de 24 % des Portugais et 27 % des Espagnols, ils frappent aussi dans les mêmes proportions Polonais et Estoniens. Quant à leurs voisins Hongrois et Lituaniens, ils connaissent un sort comparable à celui des Grecs, dont 31 % de la population sont concernés par ces dangers.
Facteur aggravant
Nulle part ailleurs, la situation n’est cependant plus inquiétante qu’en Roumanie, en Lettonie et en Bulgarie, où 40 à 49 % des habitants se trouvent exposés à la pauvreté et à l’exclusion.
Une situation d’autant plus précaire que le développement de ces pays a été financé par des crédits à taux avantageux avant que la bulle n’éclate. Aujourd’hui, les anciens pays satellites de l’URSS accusent mal le coup et voient leurs espoirs de rattraper le niveau occidental s’envoler. Leurs résultats économiques sont en berne, comme sur l’ensemble du continent. L’an passé, la Serbie a subi un recul de son PIB de deux points. Même chose pour la Croatie, qui s’apprête à rejoindre l’Union européenne au premier juillet. Bien que plus modérée à 1%, la baisse du PIB en République tchèque et en Hongrie confirme la tendance. Les pays de l’Est européen qui avaient connu avant la crise des hausses de croissance supérieures de trois à quatre points à celle de la vieille Europe, perdent du terrain. Aujourd’hui, la hausse de leur croissance ne devance plus les économies occidentales que de 1,5 %. Dans ces conditions, les observateurs s’interrogent à plus d’un titre sur la capacité de ces pays à raccrocher leur niveau de vie au train européen.
De manière plus prosaïque, les entreprises de l’Union européenne s’inquiètent également de ce ralentissement. Ces pays de l’Est européens sont en effet d’importants destinataires des exportations « occidentales ». Mais convoité comme marché, l’Est européen l’est également en tant que site de production. Les asiatiques sont de plus en plus nombreux à y investir. Parmi eux, Kia, Mittal ou encore Samsung, qui s’intéressent à la République tchèque, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie. De nouvelles perspectives d’activités et d’emplois émergent de ces projets d’implantation. Et si finalement, pour ces pays, le salut venait de l’Est ?