Opérations de restructuration au sein des groupes multinationaux : débat entre fisc et décideurs ?

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Les administrations fiscales peuvent-elles remettre en cause les opérations de restructuration au sein des groupes multinationaux ?

 

Pour la première fois, prenant acte de la constante augmentation des transferts transfrontaliers de fonctions, d’actifs et/ou de risques entre entreprises affiliées, l’OCDE est amenée à s’interroger sur les difficultés d’application des principes en matière de prix de transfert et des conventions fiscales à ces types de restructurations. Celles-ci consistent par exemple en la conversion de distributeurs de plein exercice en simples commissionnaires, ou encore de fabricants de biens en simples façonniers, suspectes pour les administrations fiscales. L’absence de lignes directrices claires au niveau international crée une insécurité juridique importante tant pour les administrations fiscales qui peuvent être tentées d’avoir une interprétation unilatérale des principes généraux de l’OCDE existants, mais aussi pour les entreprises qui ne sont jamais à l’abri d’une remise en cause a posteriori des schémas de restructuration adoptés. Bien que l’OCDE, à ce stade, ne réponde pas complètement aux difficultés ainsi soulevées, les premiers travaux sur le sujet publiés le 19 septembre 2008 (1) ont le mérite de mettre en exergue les aspects fiscaux internationaux les plus saillants de ce type de restructurations.

 

Ainsi, la première note de ce rapport aborde de façon générale les délicates problématiques liées à la réallocation des risques au sein d’un groupe et, corrélativement, à l’allocation des revenus associés. Si, fort heureusement, le principe de primauté du contrat y est rappelé, il est néanmoins encadré par l’exigence que l’allocation de ces risques soit assortie d’une réelle substance économique. Cet élément, fondamental, renforce la nécessité pour un groupe d’être à même de produire aux administrations fiscales une documentation appropriée. La seconde note traite de l’application du principe de pleine concurrence aux opérations de restructuration et, plus particulièrement, de la problématique de savoir si l’entité qui a transféré tout ou partie de ses fonctions, actifs et/ou risques, doit être dédommagée. Il ne s’agit en rien d’une question théorique et l’on voit de plus en plus d’administrations fiscales exiger le paiement d’ »exit tax » dans le cadre de tels transferts. L’OCDE précise qu’il n’y a pas systématiquement matière à indemnisation et qu’il faut raisonner au cas par cas.

 

La troisième note examine l’application des principes en matière de prix de transfert aux transactions post-restructuration. L’OCDE met notamment en exergue l’importance pour un groupe d’être en mesure de fournir une analyse fonctionnelle pré-restructuration et post-restructuration. Enfin, dans sa dernière note, l’OCDE tente d’apporter un premier éclaircissement, peu rassurant, sur les circonstances dites exceptionnelles qui permettraient aux administrations d’écarter ou de requalifier une opération en privilégiant la substance sur la forme. On peut toutefois s’interroger sur l’existence de dispositifs de droit interne propres aux États qui permettraient de donner une base légale à ces considérations. L’OCDE vient de s’attaquer à un chantier difficile, qui crée à ce stade plus d’interrogations que de solutions. Cette perspective devrait inciter plus que jamais les entreprises à bien évaluer l’ensemble des risques fiscaux pouvant entourer toute opération de réorganisation intragroupe.

 

(1)www.oecd.org/dataoecd/59/40/41346644.pdf

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