Il y a deux ans, le 17 juin 2004, une ordonnance publiée au Journal officiel offrait à tout investisseur public (État, collectivités locales) un nouvel outil de gestion de leurs équipements : le partenariat public-privé. Cette formule permet de confier, par contrat, à une entreprise privée le financement, la construction ou la rénovation puis l’exploitation, pendant une durée minimum de 5 ans (le plus souvent de 20 à 30 ans, parfois de 50 ans) d’un équipement public. Il peut s’agir d’un hôpital, d’une prison, d’une école ou d’un service. Le partenaire privé se fera rembourser sous la forme de paiements réguliers préalablement négociés. Cette rémunération peut être liée à des objectifs de performance assignés au co-contractant. Dans un contrat de PPP, l’administration passe d’une position d’acheteur d’infrastructure ou d’ouvrages à une position d’acheteur de service.
En fin de contrat, l’État redevient propriétaire des infrastructures. Ces contrats de partenariat offrent un avantage non négligeable : ils ne sont pas comptabilisés comme endettement. Ce n’est pas l’État ou la collectivité qui s’endettent, mais bien les entreprises privées. Pour autant, les PPP ne font pas l’unanimité. À l’automne 2004, les sénateurs socialistes ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel contre ces contrats. Suite à la décision du Conseil, le projet de PPP doit présenter un caractère d’ « urgence » (réalisation) et de « complexité » (financière ou juridique) qui justifie le recours à un partenaire privé. L’accès équitable des architectes et PME aux contrats de PPP est néanmoins considéré comme suffisamment pris en compte par l’ordonnance du 17 juin 2004.
L’encadrement juridique
Le recours au contrat de PPP doit faire l’objet d’une évaluation préalable. Il s’agit de s’assurer du strict respect des conditions d’urgence ou de complexité requises pour procéder à un tel contrat. De même, la passation est soumise à une procédure de mise en concurrence permettant le respect des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence. Enfin, le contrat doit également déterminer précisément la répartition des risques entre la personne publique et les partenaires privés. L’évaluation doit aussi permettre de s’assurer, par une analyse approfondie, de l’intérêt économique et financière du recours au contrat de PPP. Il s’agit là d’une obligation de moyens, la démonstration formelle de sa supériorité sur les autres modes de commande (marché public, délégation de services ou concession). Cette analyse est une phase délicate, qui requiert de réelles compétences juridiques, techniques, financières et comptables. Même s’il n’existe pas de cahier de charges types, le contrat de PPP répond à un ensemble de clauses obligatoires.
C’est pourquoi il est recommandé au partenaire public de faire appel à des conseils extérieurs pour la mener à bien. Et c’est là que des cabinets d’avocats d’affaires s’avèrent très utiles. Laurent Vandomme, associé et avocat chez Herbert Smith, insiste sur le fait que « la partie privée va maintenant pouvoir pré-financer une infrastructure publique, et en expliquant « qu’en France, il n’était pas possible de faire ce que l’on connaît dans d’autres pays européens sous l’appellation “shadow toll”, c’est-à-dire la possibilité du partenaire privé de se faire rémunérer, non pas par l’usager, mais par la collectivité publique ». Dans l’esprit de la loi organique relative aux lois de finance (Lolf), le PPP répond à l’objectif de rapprochement entre dépenses d’investissement et de fonctionnement, lissant le paiement sur la durée du contrat. Une Mission d’appui rattachée au ministère des Finances créée en octobre 2004, apportera assistance aux agents des collectivités locales qui interviendront dans la préparation, la négociation et le suivi des contrats de PPP en cours de construction (www.ppp.minefi.gouv.fr). À ce jour, il n’y a pas de modèle de contrat, mais la Mission d’appui a élaboré un guide pratique s’intitulant « Les contrats de partenariat, principes et méthodes ».
Une explosion des PPP dans les prochaines années
Les perspectives de développement des PPP dans l’achat public sont très importantes et d’ailleurs, l’exemple des pays voisins montre que le potentiel est significatif. La version britannique des PPP – la Private Finance Initiative (PFI) – représente 10 à 15 % de l’investissement public au Royaume-Uni sur les 10 dernières années. « Tout le monde espère qu’il y aura une explosion du marché, les cabinets d’avocats et conseillers financiers les premiers. Ces nouvelles opportunités sur le marché français vont nous permettre de conseiller les partenaires privés, les partenaires publics, les banques. Il y a énormément d’attente, de convoitise presque, de la part des intervenants », explique Laurent Vandomme. « Nous sommes encore dans une période d’apprentissage, mais une fois quelques plâtres essuyés, nous pouvons assister – si la volonté politique est toujours là – à un foisonnement de contrats de PPP dans tous les secteurs ».
Les consortiums qui lorgnent sur ces marchés se composent presque toujours d’un major du BTP (Bouygues, Vinci ou Eiffage), d’une entreprise spécialisée dans l’exploitation du service et d’une institution financière voire deux. La société privée qui monte le projet de PPP doit se financer, notamment par emprunt. Et s’il y a des actionnaires, il y a des fonds propres à rémunérer. Toutes les banques s’intéressent déjà comme prêteurs et comme investisseurs au marché du PPP. D’ici cinq ans, les PPP pourraient représenter 10 % de l’investissement public, soit 2 à 3 milliards d’euros. Afin de répondre aux besoins des collectivités locales et des administrations, les banques lancent des fonds d’investissements français dédiés au financement d’infrastructures en partenariat public-privé.
De nouveaux fonds PPP
Crédit Agricole Private Equity, une société de gestion agréée AMF (Autorité des Marchés Financiers) dédiée aux prises de participations directes dans des entreprises non cotées, vient de lancer Meridiam Infrastructure, une activité de financement en fonds propres et quasi-fonds propres des infrastructures en PPP, visant 400 millions d’euros. Les secteurs ciblés pour l’investissement sont les transports (autoroutes, rails, aéroports), les installations de service public (hôpitaux, écoles, prisons, gendarmeries) et l’environnement. Quant à la Caisse d’Épargne, elle s’est dotée d’un fonds de 170 millions d’euros, alors que Bouygues a lancé un autre de 150 millions d’euros, et que Dexia a annoncé la création du sien, également de 150 millions d’euros. Dexia vient d’ailleurs d’arranger une émission obligataire de 212 millions d’euros pour le refinancement d’un projet de PPP routier en Hongrie. Les obligations émises au pair et à taux variable d’une maturité de 19 ans, offrent aux investisseurs une marge de 27 points de base sur Euribor (l’un des deux principaux taux de référence du marché monétaire de la zone euro), et bénéficient d’une notation Triple A de la part des agences Standard and Poor’s et Moody’s.
De même, le groupe Caisse d’Épargne lance Fideppp, un fonds d’investissements dédié aux PPP s’inscrivant dans la volonté du groupe d’en faire un axe fort de son développement. Le groupe qui a d’ores et déjà remporté son premier PPP (Hôpital des Quinze-Vingt à Paris), est candidat sur une quinzaine d’autres projets d’envergure. Au niveau communautaire, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a l’ambition de participer à la construction d’un modèle européen de PPP. Afin de faciliter l’émergence des projets, elle apporte son concours à l’ingénierie financière des dossiers. De même, par son action d’investisseur public, la CDC souhaite apporter un effet de levier sur les financements privés via l’emploi de techniques de FCPR (fonds commun de placement à risques), mixant capitaux publics et privés. De son côté, la Banque Européenne d’Investissement (BEI) prépare la création d’un Centre européen d’expertise pour le montage des PPP.