Dans un précédent chapitre, il était question de prévisions. Nous l’avions vu, la prévision réalisée au niveau le plus fin n’est pas un but en soi. Le but est d’alimenter un moteur d’optimisation afin d’activer tous les leviers de gestion à disposition du Revenue Manager pour maximiser le chiffre d’affaires.
En fonction des industries, les leviers peuvent être différents mais répondent toujours à la même logique : trouver le bon équilibre entre taux d’occupation et prix moyen.
Il y a donc des familles de leviers destinées à augmenter le volume et d’autres qui ont pour objectif d’augmenter le prix moyen. Tous n’ont pas la même portée, si bien qu’une hiérarchie doit être établie pour les prioriser lorsque plusieurs d’entre eux se trouvent éligibles pour une configuration donnée, et pourraient potentiellement être activés en même temps.
Tour d’horizon des leviers d’optimisation
LES LEVIERS DE VOLUME
Pour stimuler la demande, la gestion des prix bas est naturellement le premier levier auquel on pense. Les billets Prem’s à la SNCF en sont le meilleur exemple.
Historiquement, la SNCF n’avait que des prix saisonnalisés. Dans un papier fort bien documenté*, Jean Finez explique :
«En septembre 1979, (…) la SNCF met en place (…) un calendrier tricolore. Les créneaux horaires de l’année sont classés en trois couleurs : bleu pour les périodes « creuses », blanc pour les périodes « normales » et rouge pour les heures de « pointe »». Les prémices du Yield…
Dans les années 90, l’émergence du Yield Management et son application à la SNCF a permis d’étendre les bornes de ce calendrier en proposant les Prem’s : des billets pas cher, non échangeables ou remboursables, en quantité limitée, réservables jusqu’à quelques jours du départ
Le succès est au rendez-vous, le nouveau billet a séduit de nombreux clients et a permis à la SNCF d’augmenter significativement son taux d’occupation. Cela a été rendu possible grâce au caractère limité du nombre de billets et à sa segmentation avec des conditions tarifaires strictes.
Un 2ème levier, plus contesté car les bénéfices client sont moins perceptibles, est le recours au surbooking. Il s’agit d’offrir plus de places à la vente que la capacité physique du stock. Dès lors que certains tarifs offrent la possibilité de modifier ou d’annuler sa réservation avec peu de frais, le risque pour un opérateur d’avoir des sièges vides ou des chambres vides est important. D’où la nécessité de surbooker ses inventaires.
Cette flexibilité est une demande forte du segment affaires, dont les déplacements sont soumis à des agendas capricieux. C’est d‘autant plus impactant que les annulations peuvent être très tardives sans qu’il n’y ait suffisamment de temps ensuite pour revendre les places annulées. Parfois, les clients ne prennent même pas la peine d’annuler et ne se présentent pas : ils font «no-show» (dans le jargon du Yield).
L’enjeu est alors d’anticiper toutes ces annulations et ces no-show en remettant à la vente ces places avant même qu’elles ne s’annulent ou que le no-show ne soit constaté. Les gains sont variables selon les industries, mais peuvent atteindre des montants très élevés et peser pour quelques points supplémentaires d’occupation. Ce levier est décrié car il fait peser au client le risque d’être délogé ou débarqué quand le niveau de surbooking est mal calibré.
Pour autant, les bénéfices pour les clients existent bel et bien : beaucoup d’entre eux parviennent à réserver leur place grâce au surbooking, même s’ils l’ignorent.
Sur un vol de 100 sièges, tel client a peut-être été le 103ème à se réserver, sur un quota surbooké, avec 4 ou 5 annulations derrière. Ce client a pu prendre l’avion grâce au surbooking mais il ne le saura jamais.
Et les ratios restent à l’avantage du client : en moyenne, pour 5 passagers débarqués, plus de 100 ont pu embarquer grâce au surbooking.
Une déclinaison de ce levier, plus directement favorable au client cette fois, est le surbooking pratiqué entre catégories : si la demande sur les chambres standards excède la capacité et que les chambres de catégories supérieures ne se vendent pas, il est d’usage de «surbooker» les chambres standards pour surclasser certains clients et permettre un meilleur remplissage global. Cette pratique est peu répandue dans les théâtres, mais très courante chez les loueurs de voitures, dans l’aérien ou dans les métiers de l’hébergement, sous toutes ses formes.
Dans la même logique d’optimisation globale, le remplissage «multi-inventaires» est un levier puissant d’augmentation du chiffre d’affaires lorsqu’il est bien maîtrisé, mais difficile à mettre en œuvre.
L’enjeu, dans tous les cas, est de limiter les contraintes locales pour permettre des réservations plus longues et optimiser un ensemble de stocks plus important. Par exemple favoriser les séjours en 3 nuits, plutôt que d’être plein trop rapidement sur une date seule, ce qui empêcherait des séjours plus longs de réserver et conduirait à une perte de volume.
Même logique dans le ferroviaire ou l’aérien :
➢ Sur l’axe Paris-Avignon-Marseille, saturer rapidement le tronçon Avignon-Marseille avec le risque de refuser une demande plus contributive sur Paris-Marseille, serait un non-sens économique.
➢ De la même manière, quand la demande est forte sur un Rome-Paris-Boston, saturer le Rome-Paris avec des clients sans correspondance, même avec de bons tarifs, fait potentiellement perdre un client plus rémunérateur en connexion Long Courrier qui a prévu un Rome-Boston en passant par Paris.
L’allocation optimale des sièges sur les différents tronçons (on parle d’O&D en Yield, pour Origine & Destination) est donc un levier d’optimisation intéressant qui favorise une meilleure exploitation globale du stock.
L’activation d’autres leviers de volume sur des formules de ventes (Groupes, Linéaires, Garanties, …), en concertation avec les équipes commerciales, constitue également un ensemble de leviers complémentaires de nature à favoriser le bon remplissage des stocks difficiles à vendre.
Dernier levier que l’on peut évoquer, et qui fera l’objet d’un prochain chapitre : le recours aux Offres Spéciales. On ne parle pas ici d’ajustement tarifaire lié à une tarification dynamique, mais d’opérations ponctuelles (et parfois récurrentes) bien markétées et limitées dans le temps.
Pour en savoir plus, découvrez la totalité de notre Guide du RM en cliquant sur :
https://www.n-and-c.eu/guide-pratique-du-rm-chapitre-4-les-leviers-optimisation/
* La construction des prix à la SNCF, une socio-histoire de la tarification – De la péréquation au Yield management (1938-2012), Jean Finez, Revue française de sociologie 2014/1 Éditions Presses de Sciences Po).
Retrouvez également notre précédente publication vidéo, N&C : Maximisez votre Chiffre d’Affaires grâce aux experts du Revenue Management
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