La technologie 3D redéfinit les pratiques de l’industrie dentaire en introduisant une approche à la fois globale et personnalisée qui standardise les processus. En modélisant des prothèses parfaitement adaptées aux patients, à leur sourire et à leurs dysfonctions, cette technologie s’affirme comme la future norme à suivre.
Source : Challenges, publié le 19.02.2024

Dans cet entretien, Vivien Sixdenier (ndlr : photo), pionnier de la prothèse dentaire 3D et fondateur de Lio, nous guide à travers les avancées de cette technologie qui transforment la manière dont nous envisageons la restauration dentaire.

Pourquoi avez-vous fait le choix de vous spécialiser dans les prothèses dentaires 3D ?

Vivien Sixdenier : Ce choix a été le fruit du hasard, car à l’origine, j’étais passionné d’histoire. Les circonstances ont changé, et c’est en explorant sur internet que j’ai découvert le métier de prothésiste dentaire, un métier qui ne m’attirait franchement pas !

Qu’est-ce qui vous a finalement conduit à malgré tout choisir ce métier?

V. S. : Mon parcours a été plutôt atypique. J’ai été atteint d’une maladie orpheline dès l’âge de 2 ans, ce qui m’a conduit à être mis à l’écart et à rencontrer des difficultés de socialisation en raison d’une scolarisation limitée. En seconde, j’ai été exclu de mon établissement, et c’est là qu’on m’a poussé à trouver une vocation. C’est ainsi que j’ai découvert ce métier. Le métier ne me plaisait initialement pas, mais je pense qu’il y avait quelque chose dans son nom qui m’attirait. J’ai donc suivi mon instinct et ai intégré une école de prothésistes dentaires en 2012. Les débuts ont été difficiles car cela demandait une dextérité que je ne possédais pas à l’époque. J’ai poursuivi mes études sans passion ni conviction. Cependant, j’ai une bonne étoile : au moment où j’ai guéri de ma maladie orpheline, dont je suis le seul survivant français, un nouveau programme de Baccalauréat s’est ouvert dans mon école, celui de prothèse 3D. J’ai décidé de m’y inscrire, comprenant que le numérique pouvait avoir un intérêt, notamment celui de pouvoir modeler mon travail à ma manière. Le numérique est devenu ma porte de sortie vers l’épanouissement professionnel.

Et qu’en est-il aujourd’hui ?

V. S. : Aujourd’hui, j’exerce mon métier avec une passion véritable. J’ai lancé ma société deux ans seulement après avoir obtenu mon diplôme, et tout s’est très vite enchaîné. Trois mois après la signature des papiers de création de ma société, le confinement a débuté. Étant issu d’un milieu ouvrier, je n’avais pas de moyens financiers, mais j’ai réussi à convaincre la banque de m’accorder un prêt. À partir de là, les choses ont évolué rapidement. Des praticiens et des leaders d’opinion m’ont suivi, car ils y ont vu une solution pour traiter certains cas. Nous sommes devenus un vecteur d’innovation. On m’a également invité à participer à la rédaction d’articles scientifiques qui m’ont fait connaître dans le milieu dentaire français. Avec désormais 20 collaborateurs répartis entre Amiens, Nice et Lyon, nous continuons notre expansion. Je me sens profondément épanoui. Le rôle de chef d’entreprise me convient parfaitement, je m’y sens à l’aise. Je n’ai jamais perçu cela comme une difficulté, mais plutôt comme un besoin fondamental d’apporter des changements et de diriger une équipe. En adaptant le métier à ma vision des choses, je prends plaisir à travailler et je ne changerais cela pour rien au monde.

Qu’apportent les prothèses 3D par rapport aux prothèses classiques ?

V. S. : Les prothèses 3D offrent une prise en charge bien plus globale que les prothèses classiques. Avec les prothèses classiques, nous recevons une prescription qui propose un plan de traitement, et sur cette base, le prothésiste travaille sur un élément en plâtre. Cependant, il est difficile de réaliser un rendu adapté sans avoir le visage du patient, son sourire. Ici, nous pouvons digitaliser le patient, créer son jumeau numérique, son avatar, comme nous l’appelons, et établir un plan de traitement en fonction de son profil. Nous analysons sa posture, sa façon de mastiquer, et lui proposons une simulation idéale. Nous devenons ainsi plus acteurs des réhabilitations, car nous sommes intégrés dans cette vision globale. Le numérique présente donc un intérêt réel. Il en va de même pour tout ce qui concerne les procédures chirurgicales, comme les implants et les remplacements de dent manquante. Le numérique guide également de manière plus précise les gestes des praticiens, anticipant mieux les restaurations en amont et limitant ainsi les écueils post-chirurgicaux et les problèmes de non-conformité. Nous échangeons constamment et directement avec le praticien, gagnant en efficacité et en précision. De plus, tous nos échanges sont centralisés sur une plateforme, rendant l’information claire et disponible. C’est une adaptation via le numérique. Notre métier, initialement très artisanal, voit de nombreux processus standardisés grâce au numérique, ce qui permet d’assurer une plus grande conformité. Nous maîtrisons les délais et, in fine, les coûts. Ainsi, nous pouvons proposer du « made in France » tout en restant compétitifs.

Pouvez-vous nous parler de Lio et du rôle que vous jouez dans le domaine des prothèses 3D ?

V. S. : Lio modélise des prothèses dentaires et s’engage dans la formation à ces nouvelles pratiques dans le dentaire et dans l’accompagnement des praticiens dans leur transition vers le numérique. J’ai personnellement formé mes équipes pour en faire des spécialistes du numérique. Bien que nous ayons tous été formés aux métiers de prothésistes, le passage au 3D implique un changement dans la dynamique relationnelle. C’est une approche de travail différente. Je prends le temps de leur montrer comment aborder les cas des patients, en mettant particulièrement l’accent sur ce qui n’est pas enseigné à l’école, comme le déroulement au cabinet, les précautions à prendre pour la gencive, etc. Mon objectif est de les tenir informés de tous les aspects, afin qu’ils ne soient pas pris au dépourvu. Ce qui distingue notre méthode, c’est notre prise en charge globale. En collaboration avec le praticien, nous numérisons le patient. Une fois dans le logiciel, nous pouvons identifier les pathologies liées à la mastication, les dysfonctions, et proposer des plans de traitement qui corrigent ces problèmes, plutôt que de simplement implanter une dent. Nous avons accès à toutes les données du visage pour ajuster la forme et la couleur en fonction du patient. Nous réalisons une simulation virtuelle et, avant toute intervention sur le patient, nous avons une vision du rendu final. Cela permet naturellement d’éviter les mauvaises surprises.

Quels sont les retours des prothésistes que vous formez ?

V. S. : Beaucoup de prothésistes se démarquent aujourd’hui grâce au numérique. Pour ces praticiens formés, l’expertise que nous apportons, souvent mal maîtrisée par nos pairs en raison de sa complexité de mise en place, leur permet de se faire connaître et de devenir des références dans leur région pour ce type de restauration.

Vers quoi se dirige-t-on ? Au vu de la description des prothèses 3D, il semblerait que nous nous dirigeons naturellement vers ce type de technique, que cela devienne la nouvelle norme ?

V. S. : On tend effectivement vers cela, et les laboratoires s’en rendent compte. Beaucoup intègrent cette technologie et y adhèrent. Il y a un changement de logique. Le côté artisanal disparaît au profit d’une facette plus standardisée des processus de production. Le numérique a pris le pas. Une autre chose arrive, c’est l’IA, qui bousculera d’autant plus la profession exécutée de manière classique. Des intelligences artificielles permettent de traiter toutes les reconstructions. Elles peuvent modéliser en un temps record de petites reconstructions d’une à deux dents, par exemple. Elles reçoivent les empreintes, les modélisent, et on peut récupérer ces fichiers en payant simplement un abonnement.

De manière plus chiffrée ou concrète, qu’en est-il du développement du 3D dans le secteur des prothèses dentaires ?

V. S. : Le nombre de praticiens équipés en numérique augmente chaque année, tandis que le nombre de laboratoires diminue dans le même temps, car la logique ne correspond plus aux attentes des praticiens et ne fait plus face aux coûts et à l’inflation. Cela laisse place à des regroupements de prothésistes ou à des laboratoires rattachés à des groupements financiers. Pour donner une idée, notre société est celle du secteur de la santé avec le plus fort indice de croissance, et cette année, nous poursuivons une belle croissance en constatant que de plus en plus de praticiens se rallient à notre cause. Nous sommes une entreprise à taille humaine, mais avec une plus-value indéniable. Le milieu change beaucoup. Cependant nous voyons des structures importantes, des fabricants d’implants, des fournisseurs médicaux qui proposent désormais la production de prothèses dentaires. Ils proposent déjà tous les services, il leur manque juste les prothèses. Et avec le numérique, ils peuvent facilement offrir ce dernier service manquant, à nous de continuer de nous démarquer !

 

Pour en savoir plus, rendez-vous sur : LIO LFT