Une vigilance nécessaire, surtout dans les secteurs où les spécialistes ont des avis divergents quant aux conséquences sanitaires et environnementales. Mais pour Gérald Bronner et Étienne Géhin, la méfiance doit également porter sur ce même principe de précaution, à l’origine d’une pensée dominante qui transforme ce nouvel impératif en expression du bon sens.
Dans leur dernier ouvrage, les deux auteurs relativisent la pertinence de la démarche univoque consistant à privilégier la protection avant tout. Tout en rappelant sa nécessité, ils expliquent notamment comment la connaissance scientifique est devenue un mauvais produit médiatique et vont jusqu’à dire que l’application maximaliste de ce principe inspire des décisions et actions déraisonnables. Le livre souligne que le principe de précaution, avec la façon dont les décideurs contemporains entendent s’en servir, est l’un des faits idéologiques majeurs de ce début de siècle. « C’est une politique qui est sur toutes les lèvres et que l’on prétend appliquer sans cesse », précisent les auteurs.
Ce principe qui fait tant débat a été constitutionnalisé en 2005 avec pour objectif d’obliger les pouvoirs publics à sortir de l’attitude attentiste qu’ils avaient adoptée par le passé face à certains risques touchant à l’environnement et à la santé (amiante, sang contaminé, hormones de croissance) tout en protégeant la recherche et l’activité économique des interprétations abusives de ce principe.
Le livre base son argumentation sur de nombreux cas pratiques comme celui des OGM, récurrent dans les médias, et pointe du doigt les mécanismes intellectuels et faits historiques qui ont conduit à « faire imprudemment entrer dans le droit le principe de précautionı ». Pour Gérald Bronner et Étienne Géhin, la situation en vigueur freinant les avancées notables est préjudiciable à l’intérêt général. L’utilisation abusive du principe de précaution dans les discours est responsable des rapports désormais conflictuels que l’opinion publique entretient avec la connaissance et ses médiateurs. C’est ainsi que l’ouvrage définit la notion de « précautionnisme », sorte de principe de précaution poussé à l’extrême, qui s’apparente à une idéologie proche d’une nouvelle forme de populisme.
L’inquiétant principe de précaution
de Gérald Bronner et Étienne Géhin
Éditions PUF (février 2010)
192 pages, 15 euros