L’île de La Réunion tourne son secteur des biotechnologies vers la Chine

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D.R.
Petit département français de l’océan Indien, l’île de La Réunion entend s’attaquer au géant asiatique. Figure de proue de l’assaut ? Un secteur de biotechnologies émergentes en pleine expansion.

Commune de Petite-Île. Sa côte déchiquetée au sud de La Réunion, le vert de ses champs de cannes, le tumulte de l’océan Indien… et des entrepreneurs chinois discutant affaires autour des technologies du vivant avec leurs homologues réunionnais. La scène se déroule au mois de décembre 2000, lors de la première conférence sino-réunionnaise sur les biotechnologies. Au total, 51 entreprises – dont 25 chinoises et 20 réunionnaises – se sont entretenues pendant trois jours. Dans ce face-à-face aux allures de David contre Goliath, le but pour les Réunionnais est clair : percer le marché du géant asiatique. Pour les Chinois, l’intérêt pour ce petit département français perdu entre l’Afrique et l’Asie est plus indirect : La Réunion peut constituer un tremplin vers les subventions françaises et européennes dans les biotechnologies. En tant que région ultra-périphérique européenne (RUP), l’île de La Réunion bénéficie à la fois des mesures d’encouragement du gouvernement français et de l’Union européenne, dans lesquels les Chinois peuvent s’intégrer via des partenariats. Largement dominé par les États-Unis, le marché mondial des biotechnologies affiche une croissance de 4 à 6 % en 2009.

 

En Europe, la France décroche la médaille de bronze après l’Allemagne et la Suisse. Son soutien public au secteur s’affirme, notamment grâce à la création d’entreprises publiques comme Oséo, qui finance des projets d’innovation ou de dispositifs fiscaux incitatifs. Côté subventions, le grand emprunt français octroie 35 milliards d’euros à des grands projets, dont 2,5 milliards pour les biotechnologies. Au niveau européen, la stratégie de Lisbonne, mise en place en 2000, prévoit une enveloppe de 50 milliards d’euros pour la recherche européenne entre 2007 et 2013. Des programmes importants qui ont déjà permis à l’île de créer des conditions de travail favorables au développement de la recherche et l’émergence de savoir-faire reconnus. Âgé d’à peine une dizaine d’années, le secteur réunionnais des biotechnologies compte, selon un recensement réalisé par l’Agence de développement de La Réunion, une trentaine d’entreprises exerçant principalement dans l’agroalimentaire et l’environnement. 16 % d’entre elles ont moins de trois ans d’existence. Soutenue, l’émergence du secteur de l’innovation vise à transformer le petit département français en véritable Silicon Valley de l’océan Indien.

 

Avec la création du pôle de compétitivité en agroalimentaire Qualitropic, un centre de recherche en santé (Cyroi) et celle de zones dédiées à l’accueil des nouvelles entreprises (Technor et Techsud), le secteur est donc en pleine expansion. Plusieurs jeunes pousses réunionnaises naissent dans des activités aussi variées que les microalgues alimentaires, l’éco-extraction ou bien encore les teintures naturelles. Mais l’étroitesse du marché réunionnais incite à l’exportation. « La Chine est au cœur de nos préoccupations », explique-t-on à la Chambre de commerce et d’industrie de La Réunion. Durant l’exposition universelle de Shanghai en 2010, une délégation réunionnaise a occupé pendant quinze jours le pavillon français. Emmenés par la CCI, Ubifrance et la Chambre de commerce française en Chine, onze chefs d’entreprise ont profité de l’occasion pour effectuer une mission de prospection. « L’activité export est faible à La Réunion. En même temps, nous assistons dans l’île à une explosion des services avec des parts de marché qui s’amoindrissent en raison de la concurrence », poursuit-on. Autrefois cantonnée aux voisins francophones de l’océan Indien, l’activité export de La Réunion cherche à voir plus loin.

 

Et toujours selon la Chambre de commerce, « nous avons senti des velléités chez nos homologues chinois de mieux connaître les entreprises de la Réunion ». L’expérience d’Adip’sculpt le prouve. Du voyage pour l’exposition universelle, cette entreprise est spécialisée dans la purification cellulaire pour la chirurgie esthétique. Fleuron de la recherche en biotechnologies à La Réunion, la société créée par deux chercheurs en biochimie a largement profité du soutien que peut offrir l’île : incubation, aides à la création d’entreprises innovantes, voyages de prospection… Lors de la mission chinoise, elle a démarché cliniques et hôpitaux. Bilan : un succès, avec la mise en route du processus de mise aux normes chinoises de ses produits et une commercialisation très prochaine à Hong Kong, qui reconnaît la norme européenne. Si cette réussite laisse présager le meilleur, les échanges sino-réunionnais en sont encore à leurs balbutiements. Car « il faut rester réaliste : La Réunion n’est pas un enjeu à part entière pour les entreprises chinoises », explique Dominique Oudin, consultant à l’Agence de développement de La Réunion.

 

Les 800 000 habitants de l’île ne pèsent pas lourd en termes de débouchés. Si les Chinois sont avant tout intéressés par les vastes programmes de recherches dont l’île bénéficie, la Chine dispose aussi de réserves monétaires convoitées. Et dans le secteur des biotechnologies, il est indispensable aux entreprises réunionnaises de nouer des partenariats internationaux. « Les entreprises chinoises peuvent permettre aux projets réunionnais de compléter les financements nécessaires pour se développer sur le marché mondial », poursuit Dominique Oudin. Des dépenses que les Chinois sont enclins à concéder même si les besoins en financement pour la recherche sont très importants pour un résultat incertain. Pour exemple, le moindre projet de développement d’une unité pilote industrielle de biocarburants nécessite plus de 50 millions d’euros… sans aucune garantie de réussite. Mais en cas de succès, les sociétés innovantes peuvent très vite devenir très rentables. Et ça, tous les acteurs économiques l’ont bien compris.

 

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