Fatimata Dia Touré est juriste environnementaliste de formation, titulaire d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en finances et banques et d’un diplôme d’études approfondies en Sciences de l’Environnement. Elle a dirigé au Sénégal, de 1990 à 1995, le programme pilote de développement agro-sylvo-pastoral intégré du PNUD-FAO. De 1999 à 2007, elle a assuré les fonctions de directrice de l’environnement et des établissements classés au ministère de l’Environnement et de la Protection de la nature. Elle a été, durant cette période, au centre de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques et de son Protocole de Kyoto. Elle a aussi coordonné le projet d’élaboration de la stratégie nationale de développement durable. Elle a régulièrement participé comme négociatrice à l’élaboration, par les Nations unies, des Accords multilatéraux sur l’environnement (génération Rio) pour le compte du Sénégal. Depuis septembre 2007, Fatimata Dia Touré dirige l’Institut de l’énergie et de l’environnement des pays francophones de l’Organisation internationale de la francophonie, basé à Québec.
Commerce International : Dans quelles circonstances a été fondé l’IEPF ?
Fatimata Dia Touré : « C’est au cours du 2e Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Québec en 1987, que le Premier ministre libéral du Québec Robert Bourassa a proposé l’idée de fonder un institut dédié au renforcement des capacités nationales et au développement de partenariats dans le domaine de l’énergie. L’IEPF a été créé l’année suivante en tant qu’organe subsidiaire de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). En 1996, il a été décidé, après une participation remarquée de la francophonie à la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de RIO 1992, que les problématiques environnementales seraient également prises en compte par l’institut. »
Quelle est l’utilité du portail Médiaterre développé par l’IEPF ?
F. D. T. : « Le portail Médiaterre de l’IEPF et du Centre international de ressources et d’innovation pour le développement durable (CIRIDD) est une source intarissable d’informations et de nouvelles en langue française portant sur le développement durable, l’environnement et l’énergie. Depuis 2002, cet outil rassemble une vingtaine de portails qui produisent près de 3 500 dépêches par an. Depuis sa création, Médiaterre connaît une croissance exponentielle. L’an dernier, quelque 27 millions de pages ont été vues par des visiteurs de plus de 100 pays, et Médiaterre était référencé dans 28 000 sites. En juin 2008, un nouveau portail Canada-Québec s’est greffé à Médiaterre. Il a été animé par l’explorateur Bernard Voyer et son équipe en 2008 et 2009. On y retrouve notamment une section éditoriale sur la question environnementale et un portail sur la responsabilité sociétale des organisations. Les animateurs de Médiaterre s’efforcent de valoriser les acteurs du secteur privé qui se distinguent dans des bonnes pratiques environnementales ou de développement durable, et de développer des partenariats avec eux. »
Quelles sortes de projets concrets contribuez-vous à mettre en œuvre ?
F. D. T. : « L’IEPF a contribué à développer l’énergie éolienne en Tunisie avec l’aide du gouvernement du Québec et de l’Agence canadienne de développement international (ACDI). Le ministère des Ressources naturelles a donc assumé une partie du financement et la totalité de l’expertise, tandis que la tour de contrôle a été acquise en Gaspésie. L’IEPF est aussi derrière la microcentrale hydroélectrique établie à Madagascar qui a permis, avec l’aide de la communauté française de Belgique, d’alimenter en énergie une population riveraine et des installations agricoles. Nous avons aussi participé à l’électrification de cinq îles de l’archipel du Vanuatu, où un centre de santé et des écoles sont désormais alimentés par l’énergie solaire. Des techniques d’économie d’énergie transmises au Bénin ont permis, par ailleurs, d’épargner des sommes d’argent considérables, sans oublier les effets bénéfiques du programme d’approvisionnement en énergie mis en place. Cette initiative a permis de bâtir une politique énergétique intelligente nécessaire au développement durable du pays. Il faut aussi noter les activités entreprises dans le cadre du projet Villes-Énergie-Environnement qui ont contribué à l’élaboration de plan d’actions pour l’efficacité énergétique et/ou pour la gestion des déchets solides et liquides de villes comme Ho-Chi-Min-Ville, Bamako, Ouagadougou, Bujumbura, Douala, Yaoundé, Cotonou. Une initiative pilote sur la gestion intégrée de l’eau, développée en partenariat avec la Fondation Prince Albert II de Monaco, a contribué à renforcer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans des communes rurales du Burkina, du Mali, du Niger et du Sénégal. »
Comment l’IEPF fait-il partager ses connaissances scientifiques ?
F. D. T. : « Depuis huit ans, l’IEPF fait profiter les dirigeants politiques et industriels de la Francophonie de l’expertise québécoise en matière d’hydroélectricité. Chaque année, un groupe d’invités reçoit une formation sur la réglementation électrique au campus de l’Université de Sherbrooke situé à Longueuil. Des entreprises implantées dans des pays en développement n’hésitent pas à défrayer la totalité des coûts pour y assister. Parallèlement à cela, à l’été 2007, l’IEPF a mis en place à l’Université Laval, à Québec, une première formation préparatoire sur les techniques de négociations à la Conférence de Bali sur les changements climatiques destinée aux négociateurs des pays francophones en développement. L’IEPF table actuellement sur une série d’ateliers et d’études sectorielles traitant de l’application du protocole de Kyoto post-2012. Des guides et autres notes de décryptage des enjeux des négociations sont produits. De pareilles actions sont menées pour les négociations sur la biodiversité et sur la sécheresse-désertification. Cette série pourrait être offerte aux pays francophones et anglophones d’Afrique. Rappelons que pour la seule année 2006, l’IEPF a livré 14 séminaires et rejoint ainsi 450 cadres dans la Francophonie. Des ateliers de formation et de renforcement de capacités sont régulièrement tenus chaque année sur l’économie de l’environnement, l’évaluation environnementale, la valorisation des énergies renouvelables l’efficacité énergétique dans les bâtiments et les industries. Le développement de programmes de formation, d’information et de sensibilisation des acteurs du développement sur la responsabilité sociétale, les modes de production et de consommation durables (norme ISO 26 000 : “Lignes directrices pour le développement durable”), c’est aussi une des missions réalisée par l’institut. Ces actions participent à l’accroissement des capacités institutionnelles pour l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies nationales de développement durable. »
En quoi consiste l’Initiative-Eau de la Francophonie à laquelle participe l’IEPF ?
F. D. T. : « Il s’agit d’un projet mené conjointement par l’OIF et la Fondation Prince Albert II de Monaco. Le principal objectif de cette initiative pilote, commencée en 2008, est de financer des projets dédiés à la gestion durable et intégrée des ressources en eau et de lutte contre la désertification dans quatre pays pilotes d’Afrique subsaharienne (Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal), et de renforcer les compétences des acteurs locaux en matière de gestion des ressources en eau. La durée de la phase pilote du projet (juillet 2009 à novembre 2010) dans chacun des quatre pays bénéficiaires a permis de réaliser deux projets concrets dans les domaines suivants : assainissement, accès à l’eau potable et conservation de la ressource. Nous avons aussi doté les usagers des capacités de gestion, d’entretien et de pérennisation des installations mises en place. »
Quels sont les autres projets à venir de l’IEPF ?
F. D. T. : « L’IEPF travaille actuellement sur une programmation quadriennale 2010-2013 issue du cadre décennal adopté lors du 10e Sommet de la Francophonie tenu à Ouagadougou en 2004. C’est la 2e phase. Nous avons prévu cinq programmes d’action pour aider et accompagner les pays à mettre en place des politiques appropriées en matière d’énergie, d’environnement et de développement durable. Le premier consiste à mettre en œuvre des stratégies nationales de développement durable dans les pays francophones qui sont les moins avantagés dans ce domaine. Le deuxième concerne l’information pour le développement durable en français (Médiaterre), car elle est le plus souvent disponible en anglais. Le troisième a trait à la maîtrise des outils de gestion pour l’environnement et le développement durable à travers des programmes de formation et de renforcement de capacités réalisés en rapport avec les réseaux d’experts francophones et les centres d’excellence de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), tels que l’Université Senghor d’Alexandrie, le Centre régional d’enseignement spécialisé en agriculture (CRESA) de Yaoundé, l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (Fondation 2iE) de Ouagadougou, l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique (ADEREE) de Marrakech, l’Université de Sherbrooke… Enfin, les quatrième et cinquième programmes sont respectivement dédiés à l’efficacité énergétique, l’élaboration des politiques énergétiques appropriées, à la promotion et valorisation des énergies renouvelables et aux négociations sur les conventions issues de la conférence de 1992 de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement (climat, biodiversité et désertification-sécheresse). »
De plus amples informations sont disponibles sur les sites Internet : www.iepf.org et www.mediaterre.org.