« L’Europe doit négocier un accord équilibré avec le Japon »

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Entre l’Union européenne et le Japon, la plupart des dialogues passés visant à améliorer la coopération se sont soldés par un échec. « Des barrières subsistent et suscitent une certaine frustration au sein des entreprises du Vieux continent. Les relations évoluent peu, si bien que les acteurs européens se tournent vers des marchés émergents plus favorables comme l’Inde, la Chine et les pays de l’ASEAN », constate Alessandro Barberis, président d’Eurochambres, l’Association des chambres de commerce européennes. Cependant, il se montre volontaire et enthousiaste à l’idée de saisir l’opportunité de changement qui se profile à l’heure actuelle : « le Japon se caractérise par des standards technologiques exigeants et de haute qualité et forme un excellent interlocuteur pour les sociétés européennes. Il serait dommage de ne pas développer davantage de collaborations. Nous soutenons les relations qui se développent actuellement, mais insistons sur le fait que les négociations devraient aboutir à un accord uniquement s’il existe une entente pour s’attaquer à toutes les barrières aux échanges et à l’investissement. »

 

Jusqu’en 2007, Eurochambres était en charge de la gestion du programme « Gateway to Japan », fondé par la Commission européenne. Les sociétés européennes, en particulier les PME, voyaient du meilleur œil le soutien apporté par ce projet pratique. L’aide consistait à intégrer des entreprises ayant un projet prometteur au sein des réseaux nécessaires et à leur faire bénéficier de services utiles pour faciliter leur démarche au sein de l’archipel nippon. Elles disposaient d’une semaine de visite au Japon afin de découvrir concrètement le contexte des échanges. Les entreprises pouvaient rencontrer des partenaires adaptés à leur profil et prendre part à des missions logistiques, financières ou marketing. Avant le voyage, une formation portant sur les spécificités de leur secteur d’activité et la culture d’affaires japonaise était fournie. Au cours de cette phase de prise de contact au Japon, 98 % des sociétés tissaient des liens avec des acteurs locaux. Pour 88 % de ces dernières, une relation client – fournisseur s’est établie. « Les chiffres montrent qu’il existe un potentiel fort entre les entreprises françaises et nipponnes. Il faut créer un terrain favorable pour faciliter le contexte des affaires à une plus grande échelle », assure Alessandro Barberis.

 

Les entreprises européennes perçoivent le Japon comme un marché difficile et fermé. Les tarifs en vigueur aux frontières forment bien sûr un important obstacle. Les standards de produits propres au marché nippon, le besoin de certifications, la longueur des procédures d’enregistrement et les spécificités en termes de prix et de marketing sont autant d’autres d’éléments qui rendent les collaborations complexes, surtout pour les PME, qui disposent de peu de ressources pour les recherches et tests nécessaires.

 

« Pour entamer les négociations dans les meilleures conditions, nous avons besoin de voir par quelles étapes successives le gouvernement compte avancer. Il est important d’envoyer à l’Europe des signaux clairs concernant par exemple l’harmonisation des standards des produits et des certifications. Bien sûr, il n’est pas possible de connaître d’emblée l’issue des négociations, mais la Commission européenne devrait recevoir au travers d’une feuille de route des réponses convaincantes au sujet des différentes barrières tarifaires et des autres contraintes », reprend Alessandro Barberis. L’Europe maintiendra une forte pression pour aboutir à un contexte véritablement gagnant-gagnant dans le projet d’accord de libre échange. « Nous pensons que les autorités japonaises sont conscientes que lorsque les négociations seront réellement lancées, les négociateurs européens ne concluront pas d’accord si celui-ci n’est pas suffisamment équilibré », poursuit-il.

 

L’ouverture des marchés publics est un point clé de ces négociations que les Japonais doivent impérativement prendre en compte. Il s’agit d’un immense potentiel qui peut se profiler pour les entreprises européennes dans des domaines très variés. Le président souhaite que « les négociations aboutissent à un système transparent et efficace qui autorise aussi bien les entreprises japonaises qu’européennes à être candidates aux différents chantiers publics d’Europe et du Japon. »

 

L’association Eurochambres insiste par ailleurs sur la nécessité d’une coopération en matière de recherches liées aux technologies vertes, ainsi qu’aux secteurs du transport et de l’énergie. « Nous avons beaucoup de savoir-faire à partager dans ces domaines. C’est pourquoi il faut également encourager les mouvements d’étudiants, de chercheurs et de main d’œuvre à haute valeur ajoutée. L’émulation qui en résultera sera bénéfique pour les deux parties », ajoute Alessandro Barberis.

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