L’Espagne championne des travailleurs surqualifiés

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Décidément, l’Espagne collectionne les statistiques records. Avec plus de 20% de taux de chômage et près de 48% de jeunes de moins de 25 ans sans emploi, l’Espagne est aussi le pays qui compte le plus de personnes surqualifiées en Europe. Ainsi, 31% des travailleurs âgés entre 25 et 54 ans possèdent un niveau de formation supérieur à celui nécessaire pour exercer leur emploi actuel, alors que la moyenne européenne se situe aux alentours de 19% selon des données correspondant à 2008 fournies par Eurostat, le bureau européen des statistiques. Cette nouvelle donnée vient confirmer les problèmes structurels de l’Espagne. Si la formation universitaire a grimpé de manière vertigineuse ces dernières années, les postes offerts et la structure du tissu industriel ne se sont pas développés à la même vitesse. Quelque 39% des jeunes espagnols possèdent ainsi un diplôme universitaire, contre une moyenne européenne de 34%.

 

« J’ai une formation de sociologue, des diplômes post-universitaires et, malgré ça, j’ai souvent eu des emplois à peine rémunérés, indique Javier, 28 ans, au chômage, qui faisait partie du mouvement des Indignés en mai en Espagne. Les offres exigent de plus en plus de qualification. » À l’inverse de ces super-diplômés, l’Espagne doit aussi faire face à l’abandon scolaire (après 16 ans) qui atteint presque 30%. Ce phénomène dramatique a augmenté avec la croissance des années passées et le boom immobilier : un grand nombre de jeunes ont ainsi préféré travailler dans la construction avant d’avoir des diplômes. En revanche, les diplômés de niveau moyen viennent à manquer. « Nous avons besoin d’un nombre important de techniciens aux diplômes intermédiaires », explique Luis Castillejo, responsable de l’enseignement public et de la formation professionnelle au syndicat Commissions Ouvrières. Malgré la croissance de ces dernières années, l’Espagne n’est donc pas parvenue à réduire le fossé entre les universitaires surqualifiés et le modèle productif.

 

« Près de 47% des universitaires ont un poste inférieur à leur niveau, contre une moyenne de 34% en Europe et nous ne réduisons pas cette brèche depuis la moitié des années 90. Une partie du désespoir de ces universitaires mieux formés que leurs chefs (et que leurs parents) s’est d’ailleurs exprimée dans le mouvement des Indignés », rappelle Florentino Felgueroso, directeur de la chaire de capital humain à la Fondation des études d’économie appliquée (Fedea). L’Espagne traîne avec elle une dualité permanente entre les jeunes très formés, avec des petits salaires et enchaînant des emplois temporaires, et les plus anciens, qui disposent de contrats très protégés. « Cette réalité n’est pas facile à modifier, car les plus protégés sur le marché du travail sont aussi ceux qui ont le pouvoir dans les syndicats », assure ce chercheur. Du coup, de nombreux jeunes qualifiés optent pour l’émigration. Le phénomène n’est pas encore massif en Espagne, mais, petit à petit, ils sont plusieurs milliers à prendre le large devant le manque de perspectives.

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