Les pays développés et la « japonisation »

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Une réduction drastique des déficits publics peut mettre en péril la reprise.

 

La Communauté européenne ne laissera tomber ni la Grèce ni l’euro. Pour la première fois, les décisions prises lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement du 21 juillet 2011 donnent à l’État hellène les chances de son redressement. Elles renforcent aussi les instruments de la coopération financière en zone euro.

Pour autant, l’économie européenne ne semble pas tirée d’affaires. Les indices de conjoncture du mois de juillet, notamment les enquêtes menées auprès des directeurs d’achats (PMI) n’ont pas été bons. Ils suggèrent que le ralentissement à l’œuvre dans la zone euro pourrait se révéler sensiblement plus marqué qu’escompté. Après avoir déjà enregistré des replis sensibles en mai et en juin, l’indice composite d’activité a accusé en juillet sa plus forte baisse depuis novembre 2008 (-2,5 points). À 50,8 points, il ne s’inscrit désormais plus que marginalement au-dessus du seuil (50) indicatif d’une stagnation de l’activité.

Ainsi, selon les économistes du Crédit Agricole, le freinage attendu au deuxième trimestre (+ 0,3 % après + 0,8 % au premier trimestre) devrait se poursuivre, voire s’amplifier au troisième trimestre. Confrontée au problème du surendettement public, la croissance des pays européens risque d’être durablement affaiblie par les pressions récessives issues de la poursuite de la réduction de l’endettement, comme le fut la croissance de l’économie japonaise après l’éclatement de sa crise du crédit au début des années 1990, estiment certains économistes.

Selon le gestionnaire français d’actifs Carmignac, les politiques d’austérité mises en œuvre ou seulement préconisés font ainsi de plus en plus peser le risque d’une « japonisation » des économies avancées. Face à un climat déflationniste durable, le retour à la vertu budgétaire est en effet problématique, estime le gérant. Les mesures de rigueur prématurées sont susceptibles d’entraîner des effets récessifs sur la croissance, rendant à leur tour très difficile la résorption des déficits publics.

Aux États-Unis, les perspectives n’apparaissent guère plus optimistes. Le consensus s’attend à une amélioration des données économiques dans les prochains mois avec la baisse des cours du pétrole et des effets positifs du rétablissement de la chaîne de production japonaise. Pour autant, certains experts estiment que ce rebond sera de courte durée, pour au moins trois raisons. La première est que les indicateurs avancés de la croissance américaine se sont trop affaiblis ces derniers mois pour ne signaler qu’une légère et passagère inflexion du cycle.

La seconde est que certaines variables contribuant à la croissance actuelle sont au maximum possible de leur contribution. Ainsi, les ventes au détail peuvent difficilement continuer de croître à un rythme de 7,5 % par an. Enfin, la troisième raison a trait à la persistance des effets déflationnistes de la réduction de la dette dans l’économie, qui conduisent les entreprises à une prise de risque minimale dont la traduction la plus visible est l’atonie du marché du travail, laquelle contribue à la réduction du potentiel de demande interne et au prolongement du marasme immobilier.