Mi-mars, le constructeur de pièces automobiles chinois Lingyun Industrial Group a racheté l’allemand Kiekert, premier fournisseur mondial de systèmes pour portes de véhicules. Cette prise de contrôle de l’inventeur du verrouillage centralisé n’est pas anodine. Elle intervient après le rachat l’été dernier de Medion (le fournisseur d’Aldi en matériel électro-informatique) par l’entreprise chinoise Lenovo, ou encore de Vensys, fabricant d’installations éoliennes par le groupe Goldwin. L’acquisition de Kiekert s’inscrit dans une série de rachats dans la sous-traitance automobile. Pas moins de quatre autres entreprises allemandes ont fait l’objet d’une OPA chinoise en moins d’un an. C’est ainsi que CQLT (Chongqing Light Industry & Textile) a fait main basse sur le fabricant des joints d’étanchéité Saargummi; Joyson sur Preh (systèmes de contrôle) ; les fabricants de pièces KSN Casting et Sellner sont, eux aussi, passés sous pavillon chinois.
En Allemagne, les équipementiers automobiles sont les premiers visés par les industriels de l’empire du Milieu, contrairement au cas de l’Hexagone, où les repreneurs chinois se concentrent sur Total (dont ils détiennent 2% depuis 2008) et le secteur du luxe (la mode avec Sonia Rykiel, le vin avec Château de Viaud, par exemple). Stratégie différente également en Grande-Bretagne, où ils ciblent le secteur des télécommunications. Si la fascination des opérateurs chinois pour la construction mécanique allemande ne date pas d’hier, leur stratégie a en revanche évolué. Alors qu’ils se contentaient jusqu’ici d’intervenir en sauveteurs d’entreprise en perdition, ils recherchent aujourd’hui de groupes performants. Kiekert, qui emploie 4000 personnes, réalise un chiffre d’affaires annuel de 500 millions d’euros. Nombre de PMI du Mittelstand (littéralement “classe moyenne” regroupant les PME, les PMI, les TPE, les entreprises familiales etc.), comme Dürkopp Adler, Waldrich, Schieß, Assyst ou encore Emag, toutes orientées à l’export, ont été elles aussi rachetées; sans pour autant défrayer la chronique et attirer l’attention des fédérations professionnelles.
Soucieux d’ériger un empire automobile, les industriels chinois allongent chaque jour leur liste d’achats. “Il ne s’agit pas de placements financiers, mais bien d’investissements motivés par le know-how des entreprises allemandes en développement et en production”, confirme Jochen Gleisberg, partenaire du consultant Roland&Berger et directeur du bureau Chine. Selon lui, ces investissements stratégiques interviennent alors qu’ “après avoir été les chaînes de montage de l’Occident, les entreprises chinoises ont pris confiance en elles.” En effet, “suite à cette évolution, les Chinois veulent accéder aux premiers rangs mondiaux dans leur propre secteur. Dans cette logique, les entreprises technologiques de pointe entrent dans la ligne de mire des activités fusions-acquisitions chinoises”, note Jochen Gleisberg. Il ajoute que si les entreprises chinoises convoitent des groupes industriels allemands en développement et en production, c’est aussi “pour mieux comprendre l’Allemagne en tant que marché potentiel et s’assurer ainsi des débouchés (sur place, ndlr).”