Empêtrés depuis presque un mois dans une guerre qui inquiète tout l’occident, russes et ukrainiens jouent chacun leur partition pour défendre leurs intérêts économiques et stratégiques. La Chambre de Commerce Franco-Russe déclarait en ce début de semaine que des grands groupes français tels que Total, Renault, LVMH ou encore Leroy Merlin maintenaient leurs activités sur le sol russe. Mais c’était avant les déclarations du Président ukrainien Volodymyr Zelensky qui a fait pression à l’occasion d’une audition devant les députés français pour que ces fameux groupes stoppent leurs activités en Russie.

Toutes les entreprises françaises travaillant en Russie sont restées sur le marché russe, déclarait il y a encore quelques jours la Chambre de Commerce et d’Industrie franco-russe. «Pas une seule entreprise française n’a quitté la Russie», expliquait un représentant de la Chambre, critiquant les sanctions imposées à la Russie qui «font mal à la classe moyenne». Dans le même temps, le représentant a souligné qu’«il n’y a aucun danger pour les citoyens français qui continuent à vivre et à travailler en Russie».

Alors qu’un grand nombre de multinationales de divers secteurs ont annoncé la suspension de leurs activités en Russie pour faire pression sur son économie en raison de sa guerre contre l’Ukraine, un grand nombre d’entreprises françaises se comportent timidement en arrêtant ses opérations.

Quelques 1 200 entreprises françaises sont actives en Russie, selon la Chambre de Commerce et d’Industrie franco-russe, et emploient 160 000 personnes. Bien qu’elles ressentent l’impact de la guerre lancée le 24 février par l’affaiblissement du rouble et la hausse des taux d’intérêt, de nombreuses entreprises françaises hésitent encore à plier bagages.

Pas moins de 35 entreprises du CAC 40 actives dans le pays

Les entreprises françaises qui avaient suspendu leurs activités en Russie à la suite de sa guerre contre l’Ukraine ne sont pas nombreuses. Parmi elles, on trouve l’armateur français CMA-CGM, qui a décidé de ne plus desservir les ports russes, mais «par souci de sécurité» et non dans le but d’exercer une quelconque pression sur Moscou.

Air France avait également annoncé le 27 février une suspension temporaire des services et des survols de la Russie en précisant qu’elle n’assurera plus ses liaisons vers Moscou et Saint-Pétersbourg jusqu’à nouvel ordre en raison de la situation dans la région.

Pernod Ricard, le producteur et vendeur de spiritueux, a également annoncé cette semaine qu’il avait suspendu ses activités en Russie, un pays qui représente 2 à 3% de ses activités globales. «Nous avons suspendu nos ventes à nos grossistes en Russie», a annoncé cette semaine, la société française expliquant que la poursuite de l’activité dans le contexte actuel constituerait un « non-sens ».

Dans le secteur du luxe, LVMH, qui est présent sur le territoire russe avec 124 magasins et 3 500 employés, le groupe Hermès avec trois magasins et Chanel avec 17 magasins ont annoncé vendredi dernier la fermeture temporaire de leurs magasins. De son côté, le Guide Michelin, qui avait annoncé le lancement de ses activités en Russie en octobre dernier, a décidé cette semaine de suspendre ses activités dans le pays : 69 restaurants recommandés par le célèbre guide ne pourront plus bénéficier de cette promotion.

Les entreprises subissent elles-même les sanctions contre la Russie

Un certain nombre d’entreprises actives en Russie ressentent l’impact des sanctions économiques imposées au pays. Ces sanctions comprennent des interdictions d’importation de biens et de technologies en provenance de l’UE dans les secteurs de la défense, de l’énergie, de l’aéronautique et des finances, ainsi que des restrictions en provenance des États-Unis dans les domaines de l’électronique et des télécommunications.

Outre l’UE et les États-Unis, plusieurs autres pays appliquent également des sanctions, notamment le Japon, le Royaume-Uni et la Confédération Suisse. Alors que le rouble a perdu un tiers de sa valeur, divers secteurs ont été touchés par les restrictions imposées aux exportations vers la Russie, en particulier les hautes technologies et les semi-conducteurs.

La réduction de l’accès de la Russie aux marchés des capitaux augmente également ses coûts d’emprunt et de financement pour le développement de nouveaux projets.
Le retrait du marché russe d’un grand nombre d’entreprises internationales a également des répercussions sur le commerce et l’approvisionnement.

AvtoVAZ, filiale du constructeur français Renault produisant des Lada, est le premier constructeur automobile en Russie. Le groupe a annoncé cette semaine la fermeture de ses usines pendant quatre jours «en raison de problèmes d’approvisionnement en semi-conducteurs», une conséquence de ces sanctions. AvtoVAZ a annoncé une fermeture temporaire de ses usines en Russie le samedi 5 mars, ainsi que des fermetures du 9 au 11 mars. La Russie représente 18% de la production mondiale de Renault avec la marque Lada d’AvtoVAZ.

De nombreuses entreprises françaises poursuivent leurs activités en Russie

Cependant, un grand nombre d’entreprises françaises poursuivent leurs activités en Russie, notamment dans le secteur agro-alimentaire. Ces entreprises françaises jouent un rôle relativement important dans l’approvisionnement alimentaire des citoyens russes. Il s’agit notamment de Danone, pour qui la Russie représente 5% de son marché mondial, et de Bonduelle, qui dispose de trois sites de production en Russie. Si de son côté, Danone a suspendu ses investissements en Russie et fermé l’une de ses deux usines, la gestion de la reprise des activités se poursuit.

Les magasins Auchan, Décathlon et Leroy Merlin de la famille Mulliez poursuivent également leurs activités en Russie. Leroy Merlin est présent dans le pays, avec 36 000 salariés répartis dans 107 hypermarchés dans 62 villes, ce qui représente environ un cinquième du chiffre d’affaires de la société mère du groupe Leroy Merlin, Adeo. C’est son deuxième marché après la France.

Avec 231 magasins en Russie et un chiffre d’affaires de 3,2 milliards d’euros (3,5 milliards de dollars), soit plus de 10% de son chiffre d’affaires total, Auchan est également actif en Russie. Pas moins de 35 entreprises du CAC 40 sont actives en Russie à une échelle variable.

En ce qui concerne le secteur financier, les cinq plus grandes banques françaises y sont actives, notamment BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole. Cependant, seule la Société Générale a une filiale locale, qui représente environ 2% de ses activités mondiales – Rosbank avec ses 235 agences et ses deux millions de clients.

Dans un communiqué de presse publié cette semaine, la Société Générale a indiqué qu’elle est «pleinement capable d’absorber les conséquences d’un éventuel scénario extrême qui affecterait les droits de propriété sur ses actifs bancaires en Russie.»

L’entreprise de livraison La Poste par le biais de sa filiale GeoPost, le deuxième équipementier aéronautique mondial Safran, la compagnie ferroviaire française Alstom, les équipementiers Valeo, Faurecia et Michelin sont également actifs en Russie. Dans le secteur de l’énergie, TotalEnergies a choisi de ne plus apporter de capitaux à de nouveaux projets en Russie. Le groupe énergétique industriel français Engie, qui détient une participation dans Nord Stream2, a transformé cette participation au projet suspendu en prêt après avoir financé 10% de sa construction.

160 entreprises françaises sont également présentes en Ukraine avec environ 30 000 salariés, premier employeur étranger, comme en Russie. Il est à noter que le CAC 40, principal indice de la Bourse de Paris, a chuté de 10,23 % la semaine dernière, sa pire performance depuis mars 2020.