Les entreprises belges ne peuvent pas devenir des îles

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Pour les entreprises belges, le marché intérieur européen est loin d’être une réalité. Considérant que trop de barrières surgissent encore sur leur chemin vers leurs voisins européens, elles ont confié à leur fédération la mission de saisir les eurodéputés pour une stratégie européenne cohérente. Il en va de leur croissance, mais aussi de la compétitivité de l’Union européenne sur les marchés mondiaux.

« Le marché intérieur européen est notre marché domestique ». C’est par ce constat qu’Olivier Joris justifie l’urgence de la situation. Comme le rappelle le directeur du département européen de la FEB (Fédération des entreprises de Belgique, équivalent du Medef), 85 % du PIB belge proviennent des exportations, et 72 % de ces exportations sont destinées au marché européen. C’est dire si les entreprises belges ont à coeur de lever les derniers obstacles qui leur barrent l’accès aux marchés voisins.

 

Il ne s’agit donc pas seulement de stabiliser le contexte économique en renforçant la zone euro mais aussi d’accélérer l’exécution des recommandations de la Commission européenne et l’application des différentes directives.  Car, pour ces entreprises agissant pour la plupart dans le secteur des produits semi-finis, le marché intérieur reste, au quotidien, semé d’embûches. Une récente enquête effectuée par la FEB auprès de ses membres met particulièrement le doigt sur les disparités dans les normes et standards qui subsistent entre les pays membres. Olivier Joris cite ainsi l’exemple d’un fabricant belge de textiles intelligents qui se heurte aux différentes normes incendie entre la Belgique, l’Allemagne et la France.

 

 

Fragmentation

Sans aller jusqu’à soupçonner les pays de protectionnisme, force est de constater que les législations et réglementations nationales complexifient les process de fabrication, voire obèrent le développement des activités industrielles. « L’Union européenne peut avoir les meilleurs textes possibles mais tant que leur application est freinée par des clauses optionnelles de plus en plus nombreuses, une fragmentation subsistera au sein du marché européen », note Olivier Joris.

Au-delà de ce manque d’harmonisation des normes, les entreprises belges déplorent « la fragmentation qui, par le biais de réglementations nationales, touche le packaging, l’étiquettage et l’emballage des produits ». Comme le souligne Olivier Joris, les conséquences de ces „détails“ ne sont pas anodins sur la production : « Cela complique la vie des entreprises et les oblige à produire des séries spéciales pour certains marchés. Cela touche autant une PME opérant dans un domaine de niche que les grands groupes agissant dans une dimension paneuropéenne. » Il regrette « cette réintroduction d’obstacles qui vont à l’encontre de la logique européenne » alors même que l’Union européenne a fixé la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes.

 

 

Cohérence et compétitivité

Les procédures de TVA sont également épinglées par les entreprises belges. Si elle ne remet pas en cause l’existence de différents taux propres aux pays et de différents taux planchers, la FEB met l’accent sur les difficultés rencontrées par ses membres. « Pour nos entreprises qui agissent dans le secteur des produits semi-finis, la Belgique représente le plus souvent un pays de transit  apportant une valeur ajoutée au produit. Ce qui complique inexorablement  les procédures », remarque Olivier Joris.

C’est dans le but de rompre ces entraves à la croissance des entreprises que la FEB demande aux eurodéputés « de lever les derniers obstacles à la libre circulation, de compléter le cadre réglementaire et enfin d’ harmoniser les législations ou normes nationales. » 

Du reste, les entreprises belges refusent de jouer cavalier seul. Elles affirment leur volonté de voir se renforcer une cohérence en faveur de la compétitivité de l’Union européenne. Une cohérence qui fait encore défaut, selon elles, dans le domaine climatique. Selon la FEB, « Les entreprises belges ont déjà consenti d’importants efforts dans la cadre de la politique climatique européenne. Or, l’Europe choisit de se positionner comme leader en matière de climat sans que le reste du monde suive. Avec toutes les conséquences négatives que cela implique pour l’industrie européenne et sa compétitivité. »

 

 

Non à l’isolation

Championne dans la maitrise énergétique, l’Europe a en revanche pris du retard dans l’économie digitale. C’est l’une des conclusions de  l’enquête de la FEB : un tiers des membres de la fédération constatent qu’il n’y a pas de marché unique pour l’e-commerce en Europe. « Il subsiste un réel décalage entre l’Economie réelle et l’émergence d’une e-économie parce que l’union européenne ne permet pas encore aux entreprises les instruments adéquats », confirme Olivier Joris.

 

Enfin, dernier volet soulevé par les entreprises belges, les freins qui subsistent à la mobilité des personnes et à l’emploi. « Il ne s’agit pas seulement de la reconnaissance des qualifications et des diplômes, mais aussi de la portabilité des pensions, par exemple, au sein même des états membres », souligne le directeur du département européen de la FEB. Il affirme qu’en cette période de crise, plus de 100 000 emplois demeurent néanmoins vacants et que des métiers connaissent une réelle pénurie de main d’oeuvre.

Et Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB, de conclure « L’impact de l’Europe sur la vie quotidienne des entreprises est croissant, et celles-ci nourrissent en retour des attentes fortes envers l’Union européenne. La FEB sera vigilante à ce que les dix-huit mois qui nous séparent des élections européennes apportent les signaux et solutions concrètes que les entreprises sont en droit d’espérer. Les entreprises européennes ont déjà fait de grand progrès, mais elles ne peuvent pas devenir une île. »