En regardant les premières minutes du film de Gary Glasman et Christine Le Goff sur le Sphinx, on prend peur. Le narrateur commence par évoquer les théories fantasques qui entourent la plus célèbre des statues antiques, selon lesquelles les grosses pattes du lion à tête d’homme renfermeraient une civilisation disparue ou des extraterrestres de la galaxie Orion. Mais la suite du documentaire apaise nos craintes : ouf, il s’agit bien de faire le point, en 59 mn, sur les origines de ce vestige de la IVe dynastie pharaonique, ses mystères, mais aussi les dangers qui le guettent. Les guides de ce récit, accessible à tous, sont Mark Lehner, archéologue américain, et Zahi Hawass, secrétaire général du Conseil suprême des antiquités égyptiennes, qui se connaissent depuis une trentaine d’années à travers leurs recherches sur le site de Gizeh. En bon passionné, Mark Lehner a notamment passé trois semaines sous le Sphinx afin d’explorer des excavations découvertes, puis rebouchées par l’ingénieur français Émile Baraize en 1926. S’il en est ressorti bredouille – le colosse en argile ne dissimule aucun secret enfoui depuis 45 siècles –, le scientifique a eu plus de succès en observant pierre par pierre la plus grande statue jamais créée par l’homme (73 mètres de longueur, 20 mètres de hauteur, 14 mètres de largeur).
Cinq années de travail ont permis la réalisation d’une série de dessins complets et à l’échelle. Sur cette base, Zahi Hawass a pu démontrer que les pierres datent de différentes époques, donc que les passionnés du XIXe siècle n’ont pas été les premiers à tenter de sauver le Sphinx. Si « le corps et la tête remontent à 2 600 avant J.-C., sous le règne de Khéphren » (cette thèse officielle ne fait pas l’unanimité), les petites pierres qui constituent une partie des pattes auraient été posées par les Romains. Le film s’attarde sur les différentes opérations de sauvetage de l’animal mythique, plus ou moins réussies, et les risques qu’il court toujours. « Le Sphinx tombe littéralement en poussière », déplore Mark Lehner. Vents violents, tempêtes de sable, mais aussi attaque de la pierre calcaire par la roche composée de sédiments marins située au-dessous du monument. « Le calcaire se répartit comme dans un millefeuille, avec des couches dures et tendres, lesquelles s’effritent » de façon inquiétante. Autre angle de recherche intéressant présenté par le documentaire : la quête des ouvriers bâtisseurs de Gizeh. Zahi Hawass et Mark Lehner ont découvert des tombeaux en forme de pyramides, dans lesquels reposent des hommes issus de 21 corps de métiers, témoignant de la vie de « l’une des premières cités de l’histoire de l’humanité ».
Les énigmes du Sphinx
Gary Glassman et Christine Le Goff
DVD Arte Éditions (janvier 2011)
106 minutes, 20 euros