Q-Cells, Centrotherm, Solarwatt, Conergy, Solar Millennium, Sovello… les unes après les autres, les entreprises allemandes du solaire se trouvent en difficulté, sinon en faillite. Après une ascension vertigineuse dans les années 2000, celles qui furent les pionnières de l’industrie solaire mondiale perdent aujourd’hui de leur éclat. Ces entreprises sont victimes de leur manque de compétitivité face aux autres acteurs du marché, notamment chinois, et de leur manque de rentabilité sur les marchés des capitaux. La valeur boursière des huit premières entreprises allemandes du solaire a ainsi perdu 20 milliards en moins de six ans.
Dumping chinois
C’est aujourd’hui au tour de Siemens de s’avouer vaincu dans une activité qui lui aura coûté selon les estimations 800 millions d’euros, dont 250 millions pour sa liquidation. Peter Löscher, PDG du groupe, a annoncé fin octobre renoncer à cette activité dans laquelle il ne s’est engagé que très tard, en 2009. 680 emplois seront supprimés. Le groupe, qui avait misé sur la technologie thermique, a subi très vite la concurrence du photovoltaïque dont les prix ont considérablement baissé en l’espace d’une décennie. Mais Siemens doit également encaisser deux autres erreurs stratégiques. Ses investissements dans les sociétés Solel Solar Systems (Israël) et Archimede (Italie) n’ont pas rapporté la plus-value escomptée.
Alors même que Bosch songe lui aussi à suivre l’exemple de Siemens, -une décision devrait prise en décembre prochain sur l’avenir de sa production en solaire, toute l’Allemagne s’attend à l’extinction d’une branche qui employait encore 125 000 personnes en 2011 selon l’institut DLR (Institut für Solarforschung). Les entreprises allemandes feraient-elles aujourd’hui les frais de la politique industrielle allemande alors même que 65 % des 23 milliards de subventions alloués aux énergies renouvelables ont été affectées au photovoltaïque ? Elles prétendent en tout cas être victimes de la réduction du subventionnement du solaire de 20 à 40 % selon les installations décidée par le parlement au printemps dernier. Le législateur allemand s’est cependant bien gardé de conditionner l’octroi des subventions à l’origine des installations. Aussi, et c’est paradoxal sur un marché en plein boom, les fabricants allemands sont pénalisés par ce qu’ils dénoncent être un dumping sur les prix de leurs homologues chinois, Suntech et Yingli.
Un projet ensablé
Au-delà de la concurrence sur son propre sol, l’industrie allemande craint de perdre son aura à l’international. Avec l’abandon de Siemens, un projet d’envergure mené par les Allemands perd l’un de ses fers de lance. Desertec, initiative destinée à produire de l’électricité pour l’Afrique du Nord et l’Europe à partir de centrales solaires et thermiques situées en Algérie, en Tunisie et au Maroc, devra se passer de l’un de ses initiateurs. L’avancée du projet du consortium Dii (Desertec Industrie Initiative), qui réunit 56 industriels et groupes énergétiques allemands, français, italiens et le réassureur allemand Munich, ainsi que des partenaires d’Afrique du Nord, avait déjà subi des retards à la suite du printemps arabe.
Aujourd’hui, alors qu’une troisième conférence aurait dû donner la semaine dernière le coup d’envoi d’un projet pilote au Maroc, l’Espagne a rechigné à ratifier l’accord de coopérations qui lie les représentations de six pays européens et le Maroc. « Je reste confiant dans la poursuite de la négociation et dans le pouvoir des autres pays de convaincre l’Espagne », a déclaré le directeur général de la Dii, Paul van Son. Il n’empêche. Les ennuis ne font que commencer. Bosch a annoncé qu’à la suite de Siemens, il ne renouvellerait pas son contrat de partenariat en fin d’année. Et enfin de nouveaux venus, les chinois First Solar et SGCC, viennent de demander leur admission au sein de la Dii, créant de nouvelles dissensions dans le consortium.