Le reclassement professionnel, tout un marché

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« Il est possible de restructurer en France », affirme de prime abord le directeur général de Sodie, Alain Petitjean. À condition de respecter la loi et de collaborer efficacement avec les représentations des salariés, les collectivités locales et la DDTE (Direction départementale du travail et de l’emploi). Rappelons que le Plan de reclassement est un dispositif obligatoire en France lorsqu’une société employant plus de 50 salariés envisage de procéder au licenciement économique de 10 salariés ou plus, sur une même période de 30 jours (article L321-4-1 du code du travail). Du fait des modifications législatives (voir notre article page précédente), les cellules de reclassement ont connu un réel essor dans les années 1990.

 

Parallèlement, des structures spécialisées dans l’aide aux opérations de restructuration se sont développées. Fondé en 1983 par le groupe sidérurgique Usinor – devenu Arcelor – en vue d’aider l’entreprise à conduire ses plans sociaux, Sodie est l’un de ces acteurs. Aujourd’hui, Arcelor possède 45 % du capital et demeure le premier client de Sodie (15 à 20 % du chiffre d’affaires). Le groupe Alpha, cabinet d’assistance et de conseil aux comités d’entreprise et aux collectivités territoriales, détient les 55 % restants. Au départ spécialisé dans la revitalisation de territoires, le cabinet prend en charge, depuis 1991, des opérations de reclassement dans le cadre de licenciements économiques. Cette activité, dont la mission est d’aider les entreprises à restructurer « de façon socialement responsable », constitue 57 % du chiffre d’affaires de Sodie, lequel s’élève à 30 millions d’euros.

 

Accompagner le salarié licencié
« Pour bien restructurer, il est préférable que l’entreprise passe par la phase de conception de mesures sociales. Nous proposons trois diagnostics à nos clients. Le premier porte sur l’employabilité de la main-d’œuvre concernée par le Plan de reclassement, le second concerne le potentiel du site lorsque l’entreprise est sur le point de fermer, le troisième étudie l’impact sur les finances locales », explique Alain Petitjean, qui cite un exemple pour illustrer ce dernier point. Une restructuration que gère actuellement son cabinet va faire chuter la taxe professionnelle de la communauté de communes de 45 %. « Dans des cas comme celui-là, la situation est presque plus dramatique pour le territoire que pour les employés licenciés », compare le dirigeant. Une fois ces diagnostics établis (les entreprises peuvent choisir de n’en demander qu’un ou deux sur les trois proposés), Sodie conçoit un plan de mobilité et de reclassement via des Antennes Emploi, où opèrent les consultants – 220 spécialistes au total.

 

Ce plan est « à lancer le plus tôt possible », précise M. Petitjean. La cellule accompagne les salariés à reclasser durant 8 à 12 mois en moyenne – le suivi peut toutefois s’étendre sur 18 mois pour les publics les plus en difficulté. L’établissement d’un bilan de compétences, l’élaboration d’un projet professionnel et la formation aux techniques de recherche d’emploi constituent les premières étapes. La prospection de postes, phase essentielle, n’intervient qu’après. Le consultant prend contact avec toutes les entreprises du bassin d’emploi concerné, afin de les questionner sur leurs intentions de recrutement. « Les offres de l’ANPE ne couvrent que 45 % du marché de l’emploi : il nous faut donc prospecter au sein du marché caché. Toutes les chances doivent être de notre côté pour que la personne licenciée retrouve rapidement un poste qui lui corresponde. En outre, si l’entreprise contactée souhaite embaucher, elle économise du temps : le candidat que nous lui proposons est prêt pour le poste ».

 

Répondre aux attentes de l’entreprise et des collectivités locales
Car si le besoin se présente, Sodie oriente les candidats vers des formations, qui peuvent aller de la simple adaptation à des enseignements plus lourds. Pour cela, le Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE, anciennement « plan social ») de l’entreprise doit avoir prévu un budget adéquat, ce que lui conseillent Alain Petitjean et ses équipes. « Pour garantir l’efficacité de la démarche, un volet formation inclus dans le budget global du PSE est nécessaire. Nous conseillons également à nos clients d’établir une durée courte pour le Plan de reclassement, avec éventuellement des rallonges temporelles et budgétaires dans les cas difficiles ». En 2004, 83 % des salariés passés par les Antennes Emploi de Sodie ont solutionné leur situation, au cours ou au terme du Plan de reclassement.

 

La Loi de cohésion sociale de janvier 2005 impose aux entreprises en restructuration de contribuer à la revitalisation du bassin d’emploi concerné (article 76). Après un diagnostic du territoire et une étude d’impact social et territorial, Sodie lance des actions de revitalisation pour le compte de l’entreprise commanditaire, en collaboration avec les acteurs locaux (voir notre article sur la CCI de Rouen page suivante). Ces actions se déclinent sous plusieurs formes : prospection pour attirer les entreprises sur le bassin, accompagnement de « projets créateurs d’emploi » (aide à la création, à l’extension d’activités, à la mise en réseaux d’entreprises notamment), réindustrialisation et ingénierie territoriale. « Pour nous, une restructuration bien conduite inclut une revitalisation et un reclassement réussis, qui rassurent à la fois le territoire et les salariés », indique Alain Petitjean. Pourtant, les clients de Sodie – majoritairement des entreprises de plus de 100 salariés – sont plus nombreux à commanditer une aide pour leurs opérations de reclassement ou de revitalisation de façon séparée, « malgré la forte convergence des deux métiers ».