Le désespoir du BTP réunionnais

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La colère a laissé place au désarroi dans la filière bâtiment et travaux publics réunionnaise. Depuis deux ans, les mauvaises nouvelles se succèdent et les manifestations ouvrières de 2010 n’y ont rien fait : entre 10 000 et 15 000 emplois ont été perdus. Avec la prise en compte des emplois indirects, ce serait plus du double. « Le BTP est planté comme il ne l’a jamais été », estime Bernard Tillon, secrétaire général de la FRBTP (Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics). L’activité construction a perdu 35 % en deux ans, la plupart des grands chantiers ont été abandonnés.

La Lodom (loi de développement de l’Outre-Mer), adoptée en 2009, a remis en cause la loi Girardin qui développait la construction de logements dans les DOM (départements d’Outre-Mer) grâce à des incitations fiscales très avantageuses. Cette nouvelle disposition annonce la fin de la politique de défiscalisation pour les investissements sur le logement neuf. Selon Bernard Tillon, elle a fait perdre 800 millions d’euros d’investissements extérieurs dans la construction de logement. En 2010, 7 000 logements ont été construits. Durant les années fastes, 14 000 logements étaient sortis de terre. Et selon Bernard Tillon, les perspectives de relance sont « proches du néant ».

2,2 milliards envolés

Les syndicats et la chambre de commerce pointent aussi l’abandon des grands chantiers prévus avant les élections municipales et présidentielles. Le projet pharaonique du tram-train, porté par le communiste Paul Vergès, a été abandonné suite à l’élection de l’UMP Didier Robert à la tête du Conseil régional. Il représentait 1,7 milliard d’euros d’investissements publics. Les élections municipales, qui ont vu changer de bord certaines communes, ont abouti à l’abandon de projets à hauteur de 500 millions d’euros.

En tout, la commande publique a perdu 2,2 milliards, sur lesquels les professionnels du bâtiment réunionnais comptaient. Et depuis, rien. Un haut conseil à la commande publique a été mis en place en septembre 2010 pour lever les blocages administratifs qui pourraient freiner la parution d’un appel d’offres de marché public. La commission BTP de la Chambre de commerce de La Réunion en fait partie. Une activité de lobbying qui ne porte pas encore ses fruits, car aucun grand chantier public n’a été annoncé à ce jour. Le conseil se réunissait à nouveau le 14 avril, mais rien ne s’annonçait quelques jours avant sa tenue.

Aider à répondre aux appels d’offres

En attendant, la CCI a mis en place plusieurs mesures pour préparer les entrepreneurs locaux à la reprise. Un conseiller en marchés publics accompagne les entreprises dans leur démarche de réponse aux appels d’offres. Il dispense également des conseils techniques personnalisés, notamment du point de vue administratif. Il explique comment contacter les différents organismes, comment remplir les documents administratifs… En effet, la proximité est le nouveau cheval de bataille de la direction de la chambre. Dans ce cadre, la commission BTP de la CCI a lancé un plan d’action qui prône le regroupement d’entreprises pour répondre aux appels d’offres. La commission d’aide à l’export favorise aussi la prospection dans la zone océan Indien.

Des missions doivent prochainement partir en reconnaissance en Afrique du Sud et à Madagascar. Depuis 2009, un autre dispositif a été mis en place pour favoriser la formule juridique du regroupement d’employeurs. L’idée est de partager un employé entre plusieurs entreprises pour alléger les coûts et les tracasseries administratives. « On constate que la situation ne se dégrade plus, indique-t-on malgré tout à la CCI de La Réunion. La crise a connu un pic en 2009. Depuis, nous ne voyons pas de signe de reprise mais nous restons au même niveau. » De son côté, Bernard Tillon estime que « 25 000 personnes sont en attente de logement social à La Réunion. Le besoin s’élève à 11 500 logements par an, or nous en sommes à moins de 7 000. Il va y avoir un problème. » Un problème qui pourrait devenir le salut du secteur…