Le cycle de Doha apparaît très fragilisé

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Alors que les USA créent un partenariat trans-Pacifique, l’OMC pourrait signer la fin de Doha.

En novembre 2001, les 142 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) réunis à Doha, au Qatar, signaient un accord promettant de donner un nouveau souffle au commerce mondial. Au terme de six jours de négociations, l’OMC lançait le cycle de Doha visant à libéraliser les échanges commerciaux. Dix ans plus tard, les résultats sont loin d’être à la hauteur. « Le cycle est dans l’impasse », reconnaît le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, à la tête de l’institution depuis 2005.

 

Au chapitre des avancées, les spécialistes citent : des règles de propriétés intellectuelles pour l’accès aux médicaments des pays pauvres, la résolution du conflit sur la banane, les exportations libres de droits de douane et de quotas pour les pays les plus pauvres. Mais les sujets cruciaux tels que l’agriculture, l’industrie et les services, n’ont guère progressé. À la mi-décembre, les États devraient entériner cet échec lors de la traditionnelle conférence ministérielle de l’OMC. Certains plaident d’ores et déjà pour un abandon pur et simple du cycle de Doha. En dix ans, le monde a changé, soulignent-ils. Les émergents de 2001 ne sont plus ceux de 2011. Leurs intérêts ont considérablement évolué à mesure que leurs économies se développaient à vitesse grand V. Surtout, les accords de libre-échange ont pris le pas sur un multilatéralisme paralysé.

 

Et les États-Unis, autrefois moteurs à Doha, semblent désormais davantage motivés par des intérêts économiques régionaux. Dernière preuve en date, en marge du forum économique Asie-Pacifique (Apec) d’Hawaï, le président américain Barack Obama a annoncé « les contours généraux d’un accord » sur son projet de Partenariat trans-Pacifique (TPP) qu’il négocie avec huit pays de l’Apec : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Malaisie, le Vietnam, Brunei, le Chili et le Pérou. Face au marasme de la zone euro, le gouvernement américain se tourne vers la zone Asie-Pacifique et sa croissance élevée jugée fondamentale pour dynamiser les exportations et créer des emplois. L’objectif principal du TPP sera de supprimer progressivement les tarifs douaniers sur une période de dix ans.

 

Dans cette perspective, le Japon, troisième économie mondiale, a confirmé son intérêt pour ce partenariat tandis que le Canada, le Mexique, les Philippines, la Papouasie-Nouvelle Guinée et la Corée du Sud sont cités comme de possibles participants à ce projet. En revanche, la Chine n’a pas manifesté son intérêt. En effet, Pékin tente de son côté de mettre sur pied un accord de libre-échange avec des nombreux pays asiatiques, dont le Japon et la Corée du Sud. On est donc bien loin des objectifs proclamés du multilatéralisme.

 

Dans ces conditions, la réunion annuelle de l’OMC pourrait marquer la fin officielle du cycle de Doha et le début de négociations sur des bases nouvelles encore à définir. L’enjeu est de taille. La paralysie dans le cycle des négociations « met en danger le fonctionnement et les réalisations de l’OMC », s’inquiétait fin juillet Pascal Lamy. Or, la mort de l’OMC et, par conséquent, le retour de la loi du plus fort, ne serait pas une bonne nouvelle pour l’Europe.

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