Ce n’est pas une surprise. Dès son adoption en 2009, il était prévu que le nouveau système de règles en matière de droit social, le Fair Work Act, fasse l’objet d’une analyse après deux ans d’application. L’annonce par le gouvernement travailliste, dirigé par Julia Gillard, a eu lieu fin décembre 2011. Trois experts indépendants ont été choisis pour superviser les discussions: John Edwards, membre du conseil d’administration de la Réserve fédérale d’Australie, Michael Moore, ancien juge à la Cour des relations sociales1 et à la Cour fédérale d’Australie et, enfin, Ron McCallum, universitaire spécialiste des questions de droit social et de droit du travail. Les conclusions de leurs travaux sont attendues en mai, après consultation des organisations patronales, syndicales et d’autres experts du monde du travail.
Le Fair Work Act constitue une réforme importante instaurant un nouveau système de relations sociales et pouvant s’appliquer à tout le pays. À l’exception de l’Australie occidentale (Western Australia), tous les États ont d’ailleurs choisi de déléguer leurs pouvoirs en la matière à l’échelon fédéral et tous les salariés de ces États sont couverts par le Fair Work Act. Concrètement, celui-ci introduit plusieurs évolutions majeures. Contrairement à la législation précédente, qui privilégiait les négociations individuelles, il met l’accent sur les négociations collectives au sein des entreprises, qu’elles soient menées par des représentants syndicaux ou non. Figure, en outre, le principe de « négociation de bonne foi » (Good Faith Bargaining), qui décrit les comportements censés être adoptés par les partenaires sociaux lorsqu’ils négocient.
Autre point essentiel, la définition d’un éventail de conditions de travail minimales. Dix règles nationales sont édictées: elles portent sur le temps de travail hebdomadaire maximal, les congés, le préavis pour fin de contrat ou encore les indemnités en cas de licenciement économique. À ces règles s’ajoutent une centaine de préconisations (Awards) par industrie ou secteur d’activité, contre plus de 4 000 dans le passé. Un gros effort de simplification censé promouvoir la flexibilité et la productivité. Enfin, le Fair Work Act crée un nouveau lieu de régulation du système, tribunal d’arbitrage des conflits: le Fair Work Australia. Mais mis à l’épreuve de la réalité, le Fair Work Act a montré ses forces et ses faiblesses. « Le gouvernement Gillard est convaincu qu’il importe non seulement de créer des emplois, mais aussi de s’assurer que les emplois créés soient de qualité, correctement rémunérés et sûrs, et qu’ils préservent un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée », a affirmé le ministre australien des Relations sociales, Bill Shorten.
Alors que les syndicats semblent plutôt favorables au texte, estimant qu’il a réinstauré le droit et l’équité sur le lieu de travail, la position de l’Australian Chamber of Commerce and Industry (ACCI) est, sans surprise, plus critique. Satisfait que le débat porte sur son application dans les grandes entreprises comme dans les petites, Peter Anderson, directeur général de l’ACCI, a rappelé à quel point il importe que les experts s’attachent aux impacts du Fair Work Act sur le terrain « si l’on veut que les relations sociales contribuent à améliorer la situation économique ». Et de détailler les points qui, selon l’ACCI, posent problème aux entreprises : « Contrairement à ce que le gouvernement avait promis au moment de son adoption, le Fair Work Act n’améliore ni la productivité ni la compétitivité, mais augmente le coût du travail. »
Le Fair Work Act créerait, en outre, un manque de flexibilité dans la fixation des salaires et des conditions de travail, s’adaptant mal à une économie à plusieurs vitesses. L’ACCI déplore également l’approche collective privilégiée par le Fair Work Act, compte tenu que neuf entreprises sur dix, notamment parmi les plus petites, n’ont aucun représentant syndical. Elle regrette, par ailleurs, que le droit syndical et le droit de grève aient été étendus. D’après l’ACCI, les syndicats en profiteraient pour limiter la relation directe entre employeur et employé. Enfin, les règles qui s’appliquent en cas de renvoi seraient iniques: elles permettent à des salariés renvoyés pour de bonnes raisons de s’attaquer à leur employeur. Voilà qui devrait nourrir le débat.
1 Industrial Relations Court, équivalent du conseil de Prud’hommes en France.