L’actionnariat-salarié a le vent en poupe en Grande-Bretagne

181

Dans un discours prononcé mi-janvier, le Vice-Premier ministre libéral a souhaité que les salariés puissent bénéficier outre-Manche du droit de demander des actions dans les entreprises dans lesquelles ils travaillent, afin de « réconcilier la querelle de longue date opposant le capital et la main-d’œuvre. » Cette proposition pourrait être assortie d’un certain nombre de mesures visant à réduire l’imposition de ces sociétés et dépasserait le cadre des entreprises cotées pour s’inscrire aussi dans l’agenda des sociétés privées non listées sur le marché boursier londonien. À l’occasion de son discours, Nick Clegg a évoqué la nécessité de créer ce qu’il a décrit comme une « économie John Lewis », en référence au modèle économique du grand magasin britannique. De longue date, cette enseigne, l’une des plus rentables dans la distribution , a fait office de modèle de gestion. L’histoire de ce grand magasin remonte aux principes mis en place par son fondateur John Spedan Lewis, qui a légué le contrôle et la propriété de son entreprise à deux trusts au cours du siècle dernier.

 

Avec 76 500 salariés, The John Lewis Partnership ou JLP, fait partie de ces rares entreprises britanniques à disposer d’une constitution écrite, qui place le bonheur de ses associés au centre d’une entreprise à succès. Sa gouvernance repose aussi sur deux piliers distincts que sont le Partnership Council, au sein duquel la direction est tenue pour responsable et où un certain nombre de décisions sont prises, et le Partnership Board, semblable dans sa structure à un conseil d’administration d’une entreprise cotée, qui inclut aussi un certain nombre de directeurs salariés. À l’exception d’une proportion dédiée au réinvestissement dans l’entreprise, les salariés se partagent la totalité des profits: pour l’exercice 2010-2011, 194,5 millions de livres (232,77 millions d’euros) ont ainsi été redistribués.

 

À une période où les banques britanniques, mais aussi un certain nombre de grandes entreprises, sont vilipendées par l’opinion pour leur course effrénée aux profits, le modèle de l’actionnariat salarié apparaît ainsi comme une alternative séduisante à la maximisation des profits à outrance, en lui préférant une simple réalisation des profits. Dans une récente étude, l’Employee Ownership association, une association en charge de l’actionnariat salarié outre-manche, mettait en évidence le court ou moyen-termisme des stratégies d’entreprise actuelles: en 1960, les actions étaient gardées par les actionnaires pendant un minimum de cinq ans alors qu’en 2007 cette durée a été rapportée à huit mois. Malgré les bénéfices du modèle de l’actionnariat salarié, certains observateurs demeurent sceptiques sur l’étendue de son application. Flatté par les propos de Nick Clegg, Charlie Mayfield, président du John Lewis Partnership, a lui-même reconnu dans les colonnes du Financial Times que son modèle n’était pas nécessairement « bon pour tout le monde. »

Article précédentSan de Sénart: portrait d’une agglomération en mouvement
Article suivantBRIC: Croissances économiques à géométries variables