La grande distribution dopée par les marchés émergents

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Sur fond de crise, la distribution se porte plutôt bien, relève l’étude annuelle du cabinet Deloitte. Les ventes ont défié en 2011 la morosité générale en augmentant de 5,1 %. Pourtant, à y regarder de plus près, cette croissance est essentiellement portée par les pays émergents et par les groupes de ces pays, qui composent la moitié des cinquante distributeurs en progression.

 

Gourmande, la planète consomme de plus en plus et les champions mondiaux de la distribution voient leur part de gâteau grossir d’année en année. Selon la seizième édition du palmarès annuel des champions mondiaux de la distribution publiée chaque année par le cabinet Deloitte, le chiffre d’affaires des 250 principaux groupes de distribution mondiaux a augmenté de 5,1 % en 2011 à quatre trillions d’euros (quatre milliards de milliards). Le ralentissement de l’économie mondiale et particulièrement la crise de la dette dans la zone euro auront eu finalement peu d’impact sur la consommation au niveau planétaire. Car, comme le souligne l’étude Deloitte,  la tendance à l’internationalisation des groupes de distribution contribue in fine à gommer les reculs observés dans certaines régions du globe et à alimenter la croissance de ce mode de distribution.

 

 

 

 

Nouvelles dynamiques

Les groupes assoient leur expansion sur la croissance des classes moyennes, des populations jeunes et urbaines et des investissements directs en hausse… autant de facteurs qui contribuent à l’essor de la grande distribution dans des pays où elle était jusqu’alors minoritaire. « Sur les grands marchés émergents tels que la Chine, on estime qu’au moins 70 millions de nouveaux consommateurs viendront s’ajouter chaque année à la classe moyenne mondiale, soit 500 millions nouveaux consommateurs d’ici 2020 » précise Stéphane Rimbeuf, associé responsable de l’industrie du Consumer Business pour Deloitte en France. En première ligne, ce sont cependant les groupes issus des marchés d’Afrique, du Moyen-orient, d’ Amérique latine, mais aussi de la région Asie-Pacifique, – à l’exception du Japon – qui profitent de cette explosion. C’est ainsi que sur les treize nouveaux inscrits au classement de cette année, neuf proviennent des pays émergents, plus précisément de la région Asie-Pacifique. Du reste, parmi les cinquante groupes mondiaux à la plus forte progression -20 % ou plus -, vingt-quatre sont originaires des pays émergents et tous font preuve d’un dynamisme quatre fois plus élevé que celui des autres groupes du classement.

 

 

Diversification et concentration

Conscients des opportunités qu’offrent ces nouveaux marchés, les groupes de GMS poursuivent leur internationalisation. Alors qu’en 2000, ils n’étaient présents que dans cinq pays en moyenne, les grands distributeurs couvrent aujourd’hui en moyenne neuf pays. Près de 24 % de leur chiffre d’affaires sont d’ailleurs réalisés hors de leur pays d’origine, contre 13 % au début du siècle. « Pour bon nombre des principaux distributeurs du monde, l’expansion mondiale reste le moteur des opportunités de croissance qui permettrait de compenser la faible croissance ou la stagnation des marchés domestiques.», confirme Stéphane Rimbeuf. Signe de cette „compensation“, la quête de nouveaux marchés par les grands groupes occidentaux s’intensifie : 32 des quarante groupes ayant investi à l’étranger en 2011 avaient leur siège dans un pays développé. Cette expansion s’opère du reste à l’aide de rachats qui ne sont pas sans entrainer une concentration de l’activité sur les principales enseignes. L’exemple le plus marquant est sans doute le rachat du Sud-africain Massmart par l’Américain Wal-Mart, ce dernier caracolant plus que jamais en tête du classement, dont il concentre 10 % du chiffre d’affaires total. Fusions et acquisitions sont le moteur de cette activité à l’international. Pour autant, dans certaines régions du monde comme en Afrique et au Moyen-Orient, les franchises et les concessions de licence constituent également des vecteurs d’expansion.

 

 

Frilosité américaine

Autre enseignement tiré de cette étude : si les distributeurs américains continuent de s’internationaliser,  ils ne s’éloignent pas de leur marché initial : le Canada, le Mexique ou Porto-Rico sont les nouvelles terres de ces groupes. Avec pour résultat que leur chiffre d’affaires réalisé à l’étranger reste proportionnellement minime – 15 % – au regard des performances de groupes européens qui réalisent 38 % de leur ventes en valeur hors de leurs frontières. Observant que la stratégie des groupes se concentre aujourd’hui davantage sur les centres urbains que sur des pays donnés, l’étude Deloitte s’attache à identifier ces « villes méconnues » opportunités de croissance. L’Asie tient le haut du pavé avec Chongqing, la ville la plus peuplée de Chine, Hô-Chi-Minh-Ville, Jakarta, Kolkata  en Inde et Manille. Elle est suivie ex-aequo par l’Afrique avec Lagos (Nigeria) et Nairobi (Kenya) et par l’Amérique latine avec Lima au Pérou et Bogota en Colombie. Enfin  Ekaterinburg pour la Russie. Un catalogue qui pourrait bientôt devenir la feuille de route des grandes enseignes mondiales.