La Floride revoit sa politique d’immigration

80
En Floride, un projet de loi propose l’interdiction d’embaucher des immigrants illégaux. Une décision que dénonce la Chambre de commerce hispanique des États-Unis et qui peut être lourde de conséquences pour de nombreuses entreprises et l’économie locale.

 

Floride_juin11

Après l’Arizona, la Floride ? L’État du Sud-Est des États-Unis suscite actuellement de vives controverses en raison de son intention d’interdire aux employeurs l’embauche d’immigrants illégaux et d’autoriser la police à vérifier les statuts d’immigration des employés dans le cadre d’enquêtes. Objectif affiché : réduire la part croissante du travail clandestin dans l’économie locale et offrir un cadre assaini au développement de l’État. Bon nombre d’acteurs, parmi lesquels les représentants des intérêts des entreprises privées, font valoir leur désaccord, comme la Chambre de commerce hispanique des États-Unis. « Il s’agit d’un débat récurrent qui crée un climat malsain. Contrôler l’immigration d’une main de fer n’est pas souhaitable pour la stabilité économique de la Floride », estime Gissel Gazek Nicholas, directeur des relations avec les entreprises au sein de la chambre hispanique. Les dissonances autour de projets de loi de ce type ne sont pas nouvelles. L’Arizona a durci sa politique migratoire : depuis trois ans, l’État sanctionne sévèrement les chefs d’entreprise qui embauchent des immigrants illégaux (C.I., n° 35). Les effets négatifs sur l’économie locale se sont rapidement fait sentir. Dans certaines sociétés de la métallurgie, près du quart des ouvriers a été prié de quitter ses fonctions, provoquant un ralentissement des activités.

Les zones frontalières agricoles de l’État connaissent aussi des difficultés ; le manque de travailleurs saisonniers, en majorité des illégaux, met en péril certaines récoltes. La Chambre hispanique des USA confie que la perte de milliers d’emplois est avérée dans l’État, conséquence directe de ce durcissement politique. Des hotlines encourageant les délations et les raids réguliers de la police font partie des armes pour mener ce que beaucoup appellent la « chasse aux illégaux ». L’État de Floride connaît une impressionnante croissance démographique : 82 % entre 1980 et 2005. On dénombre actuellement 17 % d’immigrés. Plus de 20 % des habitants ont une langue maternelle différente de l’anglais (généralement l’espagnol). « Les chiffres exploitables pour légitimer un durcissement de la politique migratoire sont nombreux. Les partisans du projet de loi n’hésitent d’ailleurs pas à les mettre en avant. Pour autant, il ne faut pas oublier à quel point le bénéfice économique des populations concernées est important pour l’État », estime Gissel Gazek Nicholas. La Floride est le 4e État des États-Unis pour son produit national brut (PNB) : un peu plus de 5 % de la richesse nationale, avec une croissance de 87 % entre 1997 et 2007. Même si le taux de chômage reste supérieur à la moyenne nationale, la main-d’œuvre est nombreuse avec près de 10 millions de personnes.

L’agriculture floridienne est un acteur important avec les emplois directs ou indirects qu’elle engendre. La Floride dispose de sols fertiles, d’une saison végétative longue et d’exploitations très vastes dont la superficie peut dépasser les 2 000 hectares, spécialisées dans les fruits, les légumes, les plantes pour pépinières exportés massivement vers les marchés du nord en hiver et au printemps. Plusieurs domaines industriels travaillent en relation directe avec le secteur primaire, comme la transformation du bois, la production de jus de fruits, les conserveries, le raffinage du sucre. Le secteur du bâtiment et des travaux publics est par ailleurs fortement stimulé par la croissance démographique très soutenue et le développement du tourisme. « Tous ces secteurs d’activités représentent des pans de l’économie qui seraient lourdement affectés par une politique très restrictive en matière d’immigration. Il faut au contraire traiter de ces questions avec beaucoup de précaution, en gardant à l’esprit le contexte économique », souligne Gissel Gazek Nicholas. La Chambre américaine estime, pour sa part, que le débat doit être mené à l’échelle fédérale. Elle propose notamment la mise en place d’un système de régularisation des travailleurs clandestins présents sur le territoire américain, assorti de critères sévères comme le paiement d’une amende ou le remboursement des impôts non payés. Elle avance aussi la mise en place d’un programme d’accueil des travailleurs temporaires comme une solution pertinente et demande une reconnaissance officielle du rôle essentiel joué jusqu’ici par les immigrants dans l’économie américaine.

Article précédentUne dizaine d’entreprises brestoises aux Émirats arabes unis
Article suivantPérou-Chili: une relation commerciale au beau fixe