La Chambre de commerce française au Japon créé un comité sur l’industrie verte

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La Chambre de commerce française du Japon (CCIFJ) a lancé cette année un « comité Green Business ». Initié par cinq grandes entreprises françaises présentes dans le pays, ce cercle vise à diffuser de l’information sectorielle aux PME et à valoriser les opportunités d’affaires auprès d’elles. « La question du Green Business doit être abordée dès aujourd’hui, car il s’agit d’un sujet crucial pour les dix à vingt prochaines années », estime Didier Hoffmann, directeur général de la CCIFJ. « Le Japon est un leader mondial dans le domaine de l’innovation technologique liée à l’environnement et au climat, et un précurseur pour certaines nouvelles écotechnologies », confirme une étude publiée en mai dernier par l’OCDE (lire l’encadré). Augmentation notable, bien qu’encore faible, des dépenses publiques de recherche et développement (R&D), doublement des emplois dans les entreprises du secteur environnemental depuis une dizaine d’années (ils représentent 95 % de l’emploi environnemental total, c’est-à-dire incluant les secteurs public et privé), développement en cours des éco-industries, fourniture de services financiers par quelques institutions financières japonaises…

 

Le descriptif du Green Business japonais effectué par l’organisation internationale conforte la démarche de la CCIFJ. « Le développement des éco-industries devrait en principe se poursuivre », prédisent les auteurs de l’étude. « Le comité informe les membres français et japonais de la Chambre sur toutes ces évolutions, à commencer par celles de la réglementation mise en place par le gouvernement nippon », explique François Jackow, PDG d’Air Liquide Japan Ltd et président du comité Green Business. « Le comité pourra d’ailleurs, le cas échéant, représenter ces acteurs auprès des pouvoirs publics. » Mais son cœur d’action ne se situera pas là, contrairement au comité Technologie environnementale de la Chambre de commerce européenne au Japon (EBC), beaucoup plus axé sur le lobbying. « Nous souhaitons surtout fournir un service de benchmark à nos membres », ajoute François Jackow. Parmi ceux-ci, des grandes entreprises, dont les initiatrices du projet (Air Liquide Japan Ltd, Michelin, Lafarge Aso Cement, Rhodia et Saint-Gobain), et de plus petites structures dont la connaissance de l’industrie verte au Japon est très limitée. « Nous comptons aussi mettre les informations à la disposition de PME non installées au Japon. Nous constituerons au préalable un groupe d’entreprises prêtes à transmettre ces renseignements. La CCIFJ est très attachée à l’idée de réseau industriel », précise le président du comité.

 

La CCIFJ organisera à la fin de l’année une action en France, à destination des PME, clusters et pôles de compétitivité, afin d’encourager les partenariats franco-français et franco-japonais. « Nous mettrons notamment en avant les dispositifs d’aide au financement, à commencer par Innovex (1) », indique Didier Hoffmann. Un programme de conférences au Japon est également en cours d’élaboration. Le comité Green Business en organisera trois ou quatre par an, privilégiant les expériences croisées entre industriels (Français comme Japonais), relatives aux mises sur le marché de produits innovants. Des intervenants extérieurs à la CCIFJ seront également conviés. « Nous montons actuellement une base de données de personnes et de ressources sur le segment environnemental et énergétique au Japon. » Trois thèmes intéressent en premier lieu le comité : l’efficacité énergétique sur les sites industriels et les bâtiments (réduction de la consommation, valorisation des déchets notamment) ; la réduction des émissions de gaz à effet de serre (nouveaux procédés de production, nouveaux produits, dépollution) ; les bioénergies et les énergies renouvelables.

 

(1) Lancé par le gouvernement français au mois d’avril, Innovex est un dispositif de financement dédié aux entreprises appartenant à un pôle de compétitivité labellisé et souhaitant développer à l’international leurs produits innovants. Le montant de l’aide varie selon les zones visées.

 

 

Trois questions à Ivana Capozza, administrateur principal à la division Information et Performance environnementale de l’OCDE

 

Ivana Capozza a coordonné l’Examen environnemental du Japon par l’OCDE, dont un résumé a été publié en mai dernier (1). Pour cette observatrice, le concept de « croissance verte » n’existe pas vraiment au Japon. C’est l’innovation verte, instrument de cette croissance, qui fait l’objet d’attentions particulières.

 

Commerce International : Comment ont évolué les choix politiques du Japon dans le domaine de l’économie verte ?

Ivana Capozza : « L’année 2008 a marqué un tournant important sous l’effet de la récession mondiale. Le vaste plan de relance budgétaire, établi en quatre étapes sur la période août 2008-avril 2009, inclut d’importantes mesures environnementales. Sur le budget global de 28 milliards de dollars (23 milliards d’euros), 16 % leur sont consacrés : plan d’efficacité énergétique des bâtiments commerciaux et résidentiels, recherche et développement sur les énergies renouvelables, investissement dans les chemins de fer… Le Japon a également fait le choix d’incitations fiscales (2) à la consommation de produits plus verts, comme les voitures présentant une importante efficacité énergétique ou de l’électroménager présentant des avantages durables du même ordre. Ces décisions sont positives en pleine crise, puisqu’elles créent ou développent un marché. En revanche, le bilan environnemental se révèle moins bon, car la consommation est encouragée, y compris celle qui peut s’avérer inutile ou anticipée. L’OCDE préconise plutôt une taxation des comportements polluants, qui crée un marché, réduit les dépenses de l’État et sert mieux l’environnement. »

 

Votre étude met en avant l’importance de l’« innovation verte », utilisée comme vecteur de croissance au Japon. Comment se traduit-elle ?

I. C. : « Le secteur privé assure 80 % de la recherche et développement (R&D) au Japon. Cette part privée s’avère encore plus importante dans le domaine des technologies environnementales et climatiques (dont les technologies énergétiques, auxquelles le pays accorde une importance majeure) : la recherche publique dans ces domaines représente moins de 1 % du budget total en R&D. Cela pose problème, car les entreprises assument seules les risques d’échec commercial lors de la mise sur le marché de leurs produits innovants. Cela peut contribuer à expliquer la troisième place qu’occuperait le Japon sur le marché mondial des biens et des services environnementaux, selon une étude britannique (3). Le pays se situe à 6,3 %, derrière les États-Unis et la Chine et ex aequo avec l’Inde. En 2008, les exportations japonaises de produits écologiques ont toutefois augmenté, contrairement à ceux d’autres secteurs. Et le Japon reste tout de même le leader mondial de l’innovation technologique dans le secteur, en particulier dans la R&D climatique. »

 

Dans quelles filières les entreprises japonaises sont-elles en pointe ?

I. C. : « L’innovation verte est considérée comme l’un des points fondamentaux de la Nouvelle stratégie de croissance à l’horizon 2020, en cours d’élaboration – le cadre de référence a été approuvé en 2009. Pour l’heure, selon le Bureau japonais des statistiques, 10 % des grandes entreprises ont investi dans la recherche environnementale, lui consacrant en moyenne 6 % de leur budget R&D. Le secteur privé joue un rôle grandissant dans la fourniture d’infrastructures et de services environnementaux, en particulier dans la filière des déchets – la gestion des déchets municipaux est par exemple entièrement assumée par des entreprises privées. L’innovation technologique est importante dans les domaines de l’eau et de l’air (30 % des innovations mondiales relatives à la technologie de gestion de l’air, de l’eau et des déchets, selon des calculs basés sur les dépôts de brevets). Le Japon est le troisième leader mondial du photovoltaïque (les entreprises font face à une forte concurrence chinoise), mais occupe la première place sur le marché des piles à combustibles ou des technologies LEDs (Light Emitting Diode), dont les entreprises nippones détiennent 60 % des brevets, et des technologies LFC (Lampe fluorescente compacte). Ces évolutions bénéficient avant tout aux sociétés japonaises (la puissante fédération d’entreprises Keidanren y veille), mais tous ces nouveaux marchés créent malgré tout des opportunités pour les opérateurs étrangers. »

 

 

(1) L’intégralité de l’étude sera présentée en octobre lors de la Conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique à Nagoya (Japon).
(2) Une réforme fiscale est planifiée pour 2011 au Japon, qui englobera les mesures liées à l’environnement.
(3) Selon une étude commandée par le gouvernement britannique en 2009 et intitulée Low Carbon and Environmental Goods and Services (en libre accès sur Internet). Les États-Unis arrivent en tête du marché mondial, avec 20,6 %, suivis par la Chine, à 13,5 %.