La Chambre de commerce américaine se positionne sur la question de l’immigration clandestine

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L’échec de la réforme des lois sur l’immigration aux États-Unis place les entreprises dans une situation incertaine. La Chambre de commerce américaine déplore ce flou juridique et soutient, dans la perspective d’un nouveau débat au Congrès, un plan en quatre points.

Aux Etats-Unis, la lutte contre l’immigration clandestine est en train de devenir un vrai casse-tête pour les entreprises. « À l’heure actuelle, un patron doit vérifier qu’un salarié a le droit de travailler avant de le recruter, rappelle Randel K. Johnson, vice-président en charge du travail, de l’immigration et des avantages sociaux à la Chambre de commerce américaine. Mais il peut pour cela s’appuyer sur une douzaine de documents, dont une bonne partie, reconnaissons-le, est facile à contrefaire. » Ainsi, présenter un numéro de Sécurité sociale suffit souvent pour être embauché.

 

Or, un clandestin peut parfaitement s’en procurer un auprès d’un parent ou d’un ami ayant un permis de résidence. Début août, le département de la Sécurité intérieure a donc annoncé que les employeurs devraient désormais vérifier la validité du numéro de Sécurité sociale de tous leurs employés. Cette annonce a causé des sueurs froides aux patrons effrayés par l’ampleur de la tâche. Un mois plus tard, l’envoi d’une lettre à 140 000 employeurs, dont au moins 10 employés auraient un numéro de Sécurité sociale suspect, a néanmoins été suspendu par une juge fédérale de San Francisco, sur des soupçons de discrimination et d’erreurs dans la base de données de la Sécurité sociale. L’initiative de l’administration Bush visait pourtant à pallier l’incapacité du Congrès à adopter une vaste réforme de l’immigration. La Chambre des Représentants s’est attaquée au sujet en décembre 2005.

 

Puis le Sénat a apporté sa pierre à l’édifice en mai 2006. En juin dernier, une réforme complète visant à faire la synthèse des deux textes précédemment discutés devait être examinée au Congrès. Mais faute de compromis entre partisans et opposants de la réforme, le projet n’a pu aboutir. « Les citoyens et les entreprises de ce pays ont besoin de savoir qu’il existe un système clair pour répondre à la nécessité de réviser nos lois sur l’immigration, devenues inapplicables, a regretté Bruce Josten, vice-président exécutif en charge des affaires gouvernementales à la Chambre de commerce. Ils ont aussi besoin d’être sûrs que ce système s’inscrira dans une politique juste et cohérente à l’échelon national. »

 

Des »réformes indispensables« 
Faute de réforme, certains États sont en effet tentés de légiférer sur la question, soumettant les employeurs à des responsabilités variables. Ainsi, en Arizona, une nouvelle loi, qui doit prendre effet en janvier 2008, menace les patrons ayant recours à des travailleurs clandestins de se voir retirer leur droit d’exercer. « La Chambre de commerce américaine a décidé de contester sa constitutionnalité en se basant sur un arrêté municipal comparable, pris par la ville de Hazleton en Pennsylvanie et déclaré inconstitutionnel par un juge fédéral le 27 juillet dernier, indique Randel K. Johnson. Comme le rappelle cette décision, la loi fédérale prévaut sur les lois des États. » Cette agitation ne fait qu’augmenter la pression pour que le Congrès revienne sur le sujet sans attendre l’élection présidentielle de novembre 2008. « Cette réforme est essentielle pour faire face au vieillissement de la population et à une pénurie de travailleurs américains sur certains emplois », souligne Randel K. Johnson.

 

Pour faire avancer le débat, la Chambre de commerce a d’ores et déjà rendu public un document résumant sa position en quatre points. Premier point : mise en place d’un système de régularisation des travailleurs clandestins présents sur le territoire américain, assorti de critères sévères comme le paiement d’une amende raisonnable et le remboursement des impôts non payés. « Les propositions alternatives, comme des déportations massives, suivies d’une fermeture des frontières, sont indéfendables et impossibles à mettre en œuvre », soutenait Thomas J. Donohue, PDG de la Chambre, avant l’ouverture des débats au Congrès en juin. Selon les estimations, il y aurait de fait dix à douze millions de travailleurs clandestins sur le territoire américain, dont une moitié de Mexicains. Deuxième point : mise en place d’un programme d’accueil des travailleurs temporaires. « Dans les dix ans qui viennent, ce sont les emplois qui n’exigent pas ou peu de formation qui vont connaître la plus forte croissance, note Thomas J. Donohue. Qui occupera ces emplois vitaux pour notre économie alors que le taux de chômage est au plus bas et que 77 millions de baby-boomers approchent de l’âge de la retraite ? » Une partie de l’opinion craint cependant l’attribution de certains emplois à des immigrants au détriment des Américains, et une pression à la baisse sur les salaires. Le grand public est plus favorable à la mise en place d’une politique d’immigration choisie basée sur un « système au mérite ».

 

Mais les milieux d’affaires y sont hostiles. « Nous estimons que l’État n’a pas à décider qui est digne d’occuper un emploi ou non, explique Randel K. Johnson. S’il existe un besoin sur le marché du travail qui ne peut être satisfait à l’intérieur de nos frontières et qu’un travailleur immigrant peut le satisfaire, il n’est pas nécessaire que l’État s’en mêle. » Troisième point : sécurisation des frontières. « Permettre à des étrangers d’entrer légalement aux États-Unis dans le cadre d’un programme temporaire contribuerait à réduire l’intérêt qu’ils pourraient avoir à passer la frontière clandestinement et permettrait aux forces de l’ordre de concentrer leurs ressources sur la poursuite des vrais criminels », argumente Randel K. Johnson. Enfin, quatrième et dernier point : reconnaissance du rôle essentiel joué dans le passé par les immigrants dans l’économie et la société américaines. Pour Thomas J. Donohue, « nous avons besoin qu’ils continuent à nous apporter leur énergie si nous voulons rester compétitifs dans le monde globalisé dans lequel nous vivons ».