À Londres, près de 11 milliards d’euros ont été investis à l’occasion des JO. L’événement sportif permet la rénovation de Newham, l’un des quartiers les plus pauvres de la ville, qui pourrait devenir un nouveau centre de gravité de l’activité londonienne. La construction du centre commercial géant Westfield, à deux pas du parc olympique où sont regroupées la plupart des infrastructures sportives, forme un symbole de ce nouveau visage. Si l’organisation des jeux coûte cher à une ville, elle donne aussi l’opportunité de la transformer en profondeur, de la moderniser. Autant d’éléments qui accroissent son attractivité.
Lors de l’olympiade chinoise en 2008, les dirigeants n’ont pas hésité à lancer de gigantesques travaux pour une facture globale d’environ 27 milliards d’euros, essentiellement en faveur des infrastructures. Un budget presque trois fois plus élevé que celui des JO d’Athènes. Le métro de Pékin, qui ne comptait que 3 lignes, en comprend désormais 8 qui courent sur 198 kilomètres. L’aéroport, qui souffrait d’engorgement, s’est offert un nouveau terminal pour plus de 2,5 milliards d’euros. En 2004, un nouvel aéroport avait également été construit à Athènes à l’occasion des JO, pour un coût identique. Des lignes de métro ont été étendues pour 1,6 milliard d’euros, et une autoroute contournant la capitale grecque par le nord est sortie de terre pour 475 millions d’euros. Comme Athènes souffrait beaucoup de la pollution, des milliers d’arbres ont été plantés, certaines rues sont devenues piétonnes et une route pavée est venue relier les différents sites archéologiques. Montant des opérations : 13 milliards d’euros.
En dépit des investissements lourds, le succès économique n’est pas garanti pour les villes organisatrices. Loin s’en faut. Les règles de répartition des profits olympiques font perdre au pays organisateur une bonne partie des recettes : 49 % des bénéfices tirés de la vente des droits de retransmission des épreuves vont au comité d’organisation. Le reste est réparti entre le CIO lui-même, les comités nationaux des pays membres du mouvement olympique et les fédérations internationales des sports olympiques. Le pays reçoit la moitié des subventions versées par les sponsors qui représentent une manne équivalente à 34 % de la structure globale des bénéfices. Les recettes issues de la vente des billets sont empochées à 95 % par le comité d’organisation. Leur part dans le total des recettes n’est toutefois que de 11 %.
La réception des jeux olympiques implique bien sûr des effets positifs à court terme dans de nombreux domaine. Selon une étude réalisée par le Daily Telegraph portant sur les entreprises cotées sur les marchés financiers, ces dernières sont une forte majorité à annoncer un impact positif de l’événement sur leurs activités. Seuls 10 % d’entre elles font part de conséquences négatives. Le secteur des technologies, des médias et des télécommunications semble être le premier à bénéficier d’un « effet JO ». Le géant de la publicité WPP a fait savoir aux marchés que les jeux, le championnat d’Europe de football et l’élection présidentielle américaine devraient permettre de faire croître l’industrie de la publicité de 1 % en 2012. Le secteur de l’immobilier et les fabricants de produits de consommation sont eux aussi concernés par un effet positif.
Mais même s’il est attendu par les pouvoirs publics et le secteur privé, l’événement n’est pas toujours perçu avec optimisme par les entreprises britanniques. Les centres névralgiques de la capitale, comme les quartiers des affaires de la City et de Canary Wharf, où sont concentrés de nombreux établissements financiers, risquent de connaître de sérieuses interruptions d’activité pendant toute la durée des jeux. Canary Wharf est situé à seulement quelques kilomètres du parc olympique, et sa ligne de métro, empruntée par une grande majorité des salariés, fait partie de celles qui desserviront le site olympique de Stratford. Devant les difficultés attendues, un certain nombre d’entreprises ont d’ores et déjà donné comme consigne de favoriser l’organisation flexible : le travail à domicile est conseillé quand la nature de l’emploi le permet. Pour éviter trop d’engorgement, Transport for London a organisé des formations pour les entreprises afin d’encourager le travail à distance, sachant qu’une baisse de 30 % des voyageurs réguliers serait bienvenue. De manière générale, les entreprises britanniques en sont réduites aux pronostics les plus humbles sur les conséquences économiques des événements sportifs. IAG, la maison mère de la compagnie aérienne British Airways, a prévenu que ces événements pourraient peser sur la demande durant l’été. Quelques inquiétudes proviennent par ailleurs du secteur de la construction. Si les entreprises ont gagné de nombreux contrats en amont des JO, elles risquent de se retrouver désœuvrées dès que leur mission sera accomplie.
Un pari sur le long terme
Certains chiffres évoquent la création de 300 000 emplois, mais la très grande majorité sont des contrats temporaires, insuffisants pour infléchir une courbe du chômage au plus haut depuis 17 ans. Le véritable bénéfice économique des JO se mesurera surtout sur le long terme. Selon l’agence Moody’s, l’événement représente pour la Grande-Bretagne 1 % de croissance de PIB, mais étalé sur plusieurs années. Le gouvernement mise sur ces nouvelles infrastructures pour attirer des entreprises de technologies de pointe. David Cameron tente de convaincre les Britanniques sceptiques de l’avantage que représenteront les jeux dans les années à venir. Il met l’accent sur « l’héritage économique » des JO, et assure que l’événement devrait conduire « 4,5 millions de touristes supplémentaires à visiter la Grande-Bretagne au cours des quatre prochaines années. » Même si 98 % des contrats de construction sont revenus à des entreprises du Royaume-Uni, les économistes semblent divisés sur les retombées réelles de l’événement. Sur cinq ans, la construction représente seulement un maximum de 0,1 % du PIB. L’emploi n’aurait pas clairement progressé sur les sites concernés de Londres par rapport au reste de la ville. Certains experts soulignent que les travaux préparatoires aux JO se sont substitués à d’autres, comme l’amélioration du réseau de transport.
Ces jeux de Londres se veulent être un exemple pour le devenir des investissements dans l’après JO. L’événement est pensé plus que tout autre pour l’héritage qu’il laissera au pays. Jacques Rogge, le président du Comité international olympique a estimé que Londres avait créé « un modèle » en la matière. L’économiste en chef conseillant le Grand Londres, Bridget Rosewell, estime que l’impact économique d’un tel projet se ressent sur une trentaine d’années. Une façon de contrer les remarques les plus sceptiques. Bon nombre d’infrastructures sont conçues pour durer. Elles se fondent à l’Est de Londres, dans le quartier le plus pauvre de la capitale. Doté de 80 000 places, le stade principal est modulable pour devenir un stade de 25 000 places, adapté pour accueillir une équipe de football locale. Le stade de basket est entièrement démontable. Londres espère déjà qu’il servira au Brésil qui reçoit les JO de 2016, à Rio. Le stade de handball sera de son côté converti en salle omnisports. Quant à la piscine olympique, elle perdra ses deux ailes destinées à accueillir le surcroît de spectateurs. Même les ponts du site sont pensés pour l’après JO, bon nombre d’entre eux ayant une partie démontable. Enfin, les 3 000 appartements du village olympique seront réaménagés et ont déjà été transférés, la moitié à une association, l’autre à un opérateur privé qui les mettra en location.