Commerce International: Pourquoi une transition énergétique (lire notre dossier) est-elle nécessaire?
François Hollande: « À travers le développement d’une filière nucléaire sûre et compétitive, la France a su démontrer sa capacité à porter au niveau mondial un pôle d’excellence industrielle. Mais notre modèle énergétique, fondé essentiellement sur le tout-pétrole et le tout-nucléaire, doit désormais prendre en compte de nouveaux facteurs. Il y a, bien sûr, l’accident de Fukushima, qui a montré l’importance de garantir un très haut niveau de sûreté des installations. Mais la transition énergétique doit également permettre de prévenir l’épuisement des ressources naturelles, ou encore de faire face à l’augmentation de la demande et à la nécessaire réduction des émissions de CO2. Enfin, cette transition énergétique offre une opportunité économique considérable, notamment à travers le développement des éco-industries (environnement et nouvelles technologies de l’énergie – énergies renouvelables, stockage, smart grid…). »
Quel est l’avenir pour le nucléaire?
F. H.: « Loin d’être affaiblie, l’industrie nucléaire sera sollicitée et renforcée par cette transition énergétique. Grâce aux compétences des salariés de ce secteur qui seront conservées et développées, nous pourrons assurer la maintenance, notamment lourde, des centrales en fonctionnement, renforcer le savoir-faire français en matière de démantèlement des réacteurs en fin de vie, développer la R&D et la production des énergies de demain, poursuivre l’export de réacteurs d’un niveau de sûreté élevé, finaliser l’EPR de Flamanville, enfin, favoriser le développement des filières de traitement des déchets. »
Quelles énergies renouvelables sont en mesure de remplacer le nucléaire?
F. H.: « Nous pouvons d’ores et déjà nous appuyer sur des sources d’énergies qui sont à des degrés de maturité technologique très différents. Si l’hydraulique a atteint un certain niveau de saturation, les autres types d’énergies renouvelables offrent des potentialités incontestables. L’éolien et le photovoltaïque posent certes le problème de leur intermittence, mais le renforcement des réseaux et le développement de moyens de stockage efficace doivent nous permettre de palier à terme cette difficulté. La biomasse, la géothermie, l’éolien on- et off-shore, le solaire thermique et, plus particulièrement, le solaire photovoltaïque présentent par ailleurs des perspectives de développement particulièrement intéressantes à condition de les encourager et non, comme le gouvernement français s’y est étrangement employé, à multiplier les changements de pied. »
Comment inciter à leur production et consommation?
F. H.: « Ma grande ambition de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité s’appuiera sur une montée en puissance des énergies renouvelables par le biais de trois leviers : des incitations fiscales pour la consommation comme pour la production, l’affirmation d’une stratégie industrielle claire fondée notamment sur un cadre stable d’investissements à long terme pour les entreprises et la création d’un “fond vert”, enfin, par le renforcement du CEA et d’Areva comme fers de lance de cette industrie. En somme, tout le contraire de ce qu’a fait l’actuel gouvernement. »
Quel impact cette transition énergétique aura sur le prix de l’électricité?
F. H.: « Quel que soit le scénario énergétique, le prix de l’électricité aura tendance à s’élever en raison du renchérissement des énergies fossiles et de l’ampleur des investissements à engager sur les centrales comme sur les énergies renouvelables. Mais pour préserver le pouvoir d’achat des Français, je m’engage à promouvoir une société de l’efficacité et de la sobriété énergétiques en agissant notamment sur le bâti et à protéger les consommateurs grâce à l’instauration d’une tarification, progressive selon les usages (selon qu’il s’agit d’un usage essentiel ou de confort), qui garantira l’accès de tous à l’électricité et au gaz. »
Et sur l’emploi et la compétitivité française?
F. H.: « Prenons l’exemple de l’Allemagne qui a pris une avance considérable en matière d’énergies renouvelables. Cette industrie représente outre-Rhin plus de 230 000 emplois au lieu de 40 000 seulement dans notre pays. Par ailleurs, promouvoir une société de l’efficacité et de la sobriété énergétiques aura pour effet de préserver le pouvoir d’achat des Français, bien sûr, mais aussi d’offrir un gisement considérable d’emplois non délocalisables. »