« Les contrats de travail deviennent de plus en plus précaires. Dans ces conditions, convaincre un bailleur au moment de la recherche d’un logement devient un vrai problème. » Le constat de Jean-Luc Berho, président de l’Association pour l’accès aux garanties locatives, l’APAGL, est à l’origine de la création d’une solution atypique destinée à lever certains obstacles dans l’accès à l’immobilier locatif privé : la GRL, la garantie des risques locatifs.
Né en 2007 et renforcé en décembre 2009, ce dispositif assurantiel mis en place par les partenaires sociaux d’Action logement (nouvelle appellation du 1 % Logement) et l’État intéresse autant les locataires que les propriétaires. Il a pour vocation de sécuriser les revenus du bailleur tout en élargissant les conditions d’accès au logement pour les candidats à la location.
Loyers garantis, propriétaires protégés
Grâce à la GRL, le propriétaire perçoit son loyer quoi qu’il arrive. Cette garantie court sur la durée du bail. Elle couvre la totalité des impayés dans la limite d’un plafond global de 70 000 euros (correspondant néanmoins à 140 mois d’impayés au regard de la moyenne des loyers assurés), ainsi que les dégradations locatives jusqu’à un maximum de 7 700 euros. « Il s’agit d’une sécurisation permettant au bailleur d’accepter les candidats locataires plus facilement, car nous prenons en charge des publics moins solvables que ce qu’exigent d’autres produits d’assurance. C’est aussi une manière d’inciter le propriétaire à mettre son logement en location plutôt qu’à le laisser vacant, ce qui constitue un comportement anti-économique », explique Lucie Cahn, directrice générale de l’association. Le champ des candidats locataires pour un logement est ainsi beaucoup plus large.
La GRL ne permet pas le cumul des garanties, ce qui forme un atout supplémentaire pour le locataire, la capacité à fournir une caution solidaire fiable étant de plus en plus rare. « Sans ce dispositif, bon nombre de personnes se retrouveraient d’emblée écartées de l’accès au logement », ajoute Jean-Luc Berho.
La GRL consiste en un contrat d’assurance distribué par un assureur, partenaire du dispositif, qui vise toutes les catégories socioprofessionnelles. Le bailleur doit préalablement seulement vérifier que le niveau de loyer ne dépasse pas 50 % du montant des ressources du locataire. Les ressources du locataire s’entendent de toutes natures (revenus d’activité, prestations sociales…) et quel que soit le statut professionnel du locataire (contrat à durée déterminée, intérim, apprentissage, artisans…).
Lorsque cette condition est remplie, et si le loyer est inférieur à 2 000 euros charges comprises, un contrat GRL peut être souscrit par le bailleur. L’assureur partenaire prend alors à son compte la gestion des opérations. « Nous n’intervenons par la suite qu’en réassurance, en prenant en charge le surcoût lié au profil du locataire, dès lors que celui-ci est en situation plus fragile que ce qu’aurait accepté un assureur en temps normal », précise Lucie Cahn.
Les locataires peuvent aussi être aidés
L’APAGL est en charge de l’organisation de la GRL. « Nous assurons la relation avec les partenaires du dispositif, c’est-à-dire l’État, les assureurs et d’autres interlocuteurs qui peuvent être des associations, fédérations de bailleurs ou collectivités territoriales. Notre rôle est aussi de procéder à l’évaluation du dispositif, notamment pour en mesurer l’efficacité économique et sociale », poursuit la directrice. L’association organise également la promotion institutionnelle du dispositif, le contrôle visant à faire respecter le cahier des charges par les différentes parties et le traitement social des impayés de loyers.
Lorsque le locataire est en difficulté à ce niveau, un référent social du dispositif lui propose d’étudier sa situation pour mettre en œuvre un plan de remboursement de sa dette adapté à sa situation afin que le locataire puisse à nouveau remplir sa part du contrat de bail le plus rapidement possible. Lucie Cahn insiste sur le fait que « l’aide au maintien au logement ne constitue pas un droit au maintien dans le logement. Le locataire doit reprendre le paiement de son loyer et rembourser sa dette ». Jean-Luc Berho estime qu’une telle formule arrive à point nommé : « le nombre d’emplois à temps partiel approche désormais les 5 millions et 63 % de ces embauches sont des contrats non choisis. Avec la précarité croissante dans le monde du travail, convaincre un bailleur et accéder à un logement devient très difficile, surtout dans certaines zones géographiques comme la région Île-de-France. »
Nouer des partenariats avec les entreprises et collectivités
Les collectivités locales, établissements publics et entreprises de toute sorte (les grandes entreprises comme les petites et moyennes entreprises) peuvent être directement intéressées par la garantie des risques locatifs. Lucie Cahn cite l’exemple de la ville d’Aix-les-Bains, dans le département français de la Savoie. « Par le biais de cette solution, le maire de la ville propose aux bailleurs de mettre leur bien immobilier en location en ciblant les travailleurs en mobilité, une population souvent en proie aux plus grandes difficultés pour se loger. En contrepartie, la ville prend à son compte la cotisation garantie risques locatifs. » Le bailleur bénéficie ainsi des garanties proposées sans avoir à supporter la cotisation d’assurance. « Les élus et chefs d’entreprise nous sollicitent de plus en plus pour mettre ce dispositif à profit de publics particuliers dont la solvabilité peut poser problème », poursuit-elle.
En guise d’un nouvel exemple, à Caen, un autre partenariat a conduit la ville à s’acquitter de la cotisation garantie des risques locatifs pour toute situation où un bailleur accepte de louer un logement à un ménage à revenus modestes ou en situation d’emploi précaire (CDD, intérim…).
Il en va de même avec des entreprises qui, en s’engageant en faveur de la GRL, font de l’accès au logement un élément important de leur politique sociale et répondent ainsi à l’une des préoccupations prioritaires des salariés. La garantie des risques locatifs va permettre une réponse plus diversifiée aux besoins et attentes des salariés. Elle permet ainsi à l’entreprise de favoriser la mobilité professionnelle, faciliter le recrutement des salariés ou les fidéliser.
Un établissement public de santé vient de signer un accord avec l’APAGL pour faciliter l’accès au logement de ses salariés en région parisienne. L’entreprise paye la cotisation GRL à tout bailleur acceptant de louer son bien à un de ses agents.
Le vrai ou faux de la GRL
La GRL impose-t-elle un type de public particulier au bailleur ? Non, le bailleur est libre de sélectionner tout candidat locataire à la condition que celui-ci ait des ressources égales à deux fois le montant du loyer (salaires, pensions, rentes, allocations, aides au logement…) quelle que soit sa situation.
L’assurance GRL peut-elle être souscrite par le locataire ? Non, par l’impossibilité de recouvrer l’impayé si le locataire paie la prime générerait un coût d’assurance dissuasif. Une assurance « impayés locatives » ne peut pas être proposée au locataire si elle prévoit de couvrir l’ensemble des risques d’impayés (notion de perte d’aléa). Néanmoins, comme en assurance « emprunteur immobilier », il peut être proposé au locataire une assurance concernant un risque précis : assurance-invalidité, assurance-chômage… Combien de bailleurs seraient prêts à prendre le risque d’accepter un locataire dans ces conditions ?
La GRL contribuera-t-elle à une augmentation des expulsions locatives ? Non, au-delà de la facilitation de l’accès au logement, la démarche sociale de la GRL doit favoriser le maintien dans les lieux et réduire les expulsions. Construit après étude de la situation économique et sociale du locataire, un plan de remboursement amiable de la dette est mis en place pour les occupants de bonne foi dès le premier impayé.
Source : La Lettre de la GRL (n° 7) – avril 2010