Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC Paris, fait le point sur la place de l’école dans un contexte devenu concurrentiel et global.
Commerce International : Quel objectif visez-vous avec cette délocalisation au Qatar ?
Bernard Ramanantsoa : « Précisons d’abord que ce n’est pas une délocalisation au sens strict. Nous accompagnons le développement économique de la région et donc de nos clients, les managers et dirigeants d’entreprises. Le Golfe est une région qui est culturellement et historiquement riche et dont l’économie est stratégique pour le reste du monde. Sa croissance économique est spectaculaire et le succès des entreprises situées dans cette zone sera déterminant pour tous. Il est donc logique pour HEC d’y être présent. Les entreprises en pleine croissance ont besoin d’accompagnement et HEC a la capacité d’offrir des formations personnalisées dans le monde entier. »
Quel impact cette implantation a-t-elle en terme d’image ?
B. R. : « La Qatar Foundation a invité HEC Paris à rejoindre Education City afin de contribuer à la construction et au développement de l’économie de la connaissance au Qatar en proposant des programmes de formation continue et des activités de recherche. HEC Paris est fier d’être la première institution européenne et la première business school à rejoindre Education City au Qatar. C’est important d’être présent à l’étranger, et plus particulièrement dans cette zone pour l’image d’HEC Paris et sa stratégie d’internationalisation, et beaucoup de business schools européennes nous envient. »
Pourquoi le Qatar a-t-il choisi HEC ?
B. R. : « La Qatar Foundation a sélectionné HEC après un très long processus et plusieurs années de contact. Je crois que notre réputation mondiale et les succès répétés de notre Executive Education (nous venons d’être classés premiers mondiaux par le Financial Times) ont été des facteurs déterminants. Nous avons aussi été appuyés par Total. Cette entreprise, présente et très active au Qatar depuis plus de 70 ans, est également partenaire de longue date d’HEC Paris. Il était donc logique qu’elle nous soutienne dans notre stratégie d’internationalisation en jouant un rôle clé dans ce partenariat. »
Quelles sont les opportunités pour les étudiants ? Le niveau visé est-il le même que celui de Paris ?
B. R. : « Les programmes que nous délivrons au Qatar sont en priorité des programmes de formation continue destinés à des cadres dirigeants qataris issus de grandes sociétés internationales, dont GDF Suez, HSBC et Qatar Petroleum… Une des caractéristiques de ce programme est d’offrir aux cadres dirigeants l’opportunité d’accéder à l’ensemble des participants des différents cursus EMBA d’HEC et de rejoindre les 44 000 diplômés du Groupe HEC. Mais cela ouvre aussi des opportunités à nos étudiants des autres programmes. Par exemple, deux étudiants du programme MBA ont été sélectionnés pour passer trois mois à Doha afin de recueillir des informations sur les entreprises et institutions bancaires du Qatar dans le but d’écrire des études de cas. Des étudiants de la grande école participant à la plus prestigieuse simulation de négociations au monde à New York (à l’ONU) ont été sélectionnés cette année pour représenter le Qatar. »
Que vouliez-vous dire en déclarant que « les étudiants devaient respirer l’air d’HEC comme certains respirent celui d’Harvard » ?…
B. R. : « Ce qui fait la force d’une institution comme HEC, comme pour les meilleures business schools du monde, c’est le ″tacit knowledge″ qui y est diffusé. L’enseignement de la gestion dépasse largement celui des techniques. C’est la découverte d’un mode de pensée, la confrontation avec les idées des autres venus du monde entier, qui constituent cet “ air d’HEC ”. »
L’enseignement supérieur est encore considéré comme un secteur concurrentiel, mais fragile. Le confirmez-vous ?
B. R. : « Nous vivons dans un univers où la concurrence s’accroît chaque jour davantage, en particulier pour le recrutement des meilleurs étudiants et professeurs chercheurs du monde entier. Nous savons désormais attirer les meilleurs professeurs, mais nous devons faire en sorte de les garder. Nous devons également mieux nous faire connaître dans les grandes entreprises étrangères comme nous le sommes déjà dans les entreprises françaises afin de pouvoir y placer nos futurs diplômés. »
La « délocalisation » de la formation est-elle une nouvelle tendance comme celle de l’industrie ?
B. R. : « Il ne faut pas parler de délocalisation de la formation, mais plutôt d’implantation sous forme de “ hub ” à l’étranger, comme ce que nous venons de faire au Qatar par exemple. Il est évident que le marché est dorénavant global et que nous devons pouvoir être présent à l’international au sein des programmes grande école et MBA avec les différents partenariats et doubles diplômes que nous avons lancés dans le monde entier tout comme en formation continue. »
HEC tient la 1ere place des business schools selon le classement du Financial Times ? Comment expliquez-vous ce bon classement ?
B. R. : « Nous sommes effectivement considérés comme l’un des leaders européens tout simplement parce que nous avons les meilleurs professeurs et les meilleurs élèves français, mais aussi étrangers. L’international est un critère très important : chaque année, l’école reçoit au total plus de 450 élèves étrangers, et ils représentent même 85 % dans le programme MBA. Notre portefeuille d’alliances est aussi un atout majeur. »
Les relations avec les entreprises sont capitales et l’on connaît le partenariat emblématique de l’école avec Total. Globalement, quels types de partenariats nouez-vous avec elles ?
B. R. : « HEC Paris a une longue tradition de partenariat avec les entreprises. Nous comptons aujourd’hui 55 entreprises partenaires de la Fondation HEC. Les entreprises ont un engagement fort et de long terme en faveur du développement d’HEC : soutien financier, accompagnement dans la réflexion sur les évolutions d’HEC. Les entreprises sont également très actives auprès des étudiants (présentations de leurs métiers, participations à des forums de recrutement, etc.) et sont des recruteurs fidèles. HEC Paris compte un centre Visions of Leadership et 15 chaires de recherche ou d’enseignement qui permettent aux entreprises de s’engager davantage, en particulier dans la pédagogie. »
Leur implication est certes stratégique, mais peut-elle être pédagogique ?
B. R. : « Les entreprises ont en effet une implication stratégique, mais aussi pédagogique. Cela se traduit par l’intervention d’experts et de directeurs dans les cours, au sein de tous les programmes du groupe, par des propositions de stages et de missions, par la possibilité pour les étudiants de travailler sur des cas et des exercices pédagogiques sur des problématiques concrètes de ces entreprises, par la création de chaires, avec les dimensions recherche et pédagogie, par la présence d’entreprises dans nos boards et au sein de comités scientifiques afin de tenir compte de l’évolution des métiers et des besoins des entreprises. Enfin, il faut également mentionner notre lien étroit avec la Chambre de commerce et d’industrie de Paris qui permet cette collaboration importante avec le monde de l’entreprise. »