« L’augmentation des prix alimentaires observée depuis août est très inquiétante », estime la FAO, l’organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture. Cette hausse, débutée en août dernier, a atteint en décembre un record depuis 1990 selon l’indice de la FAO instauré cette année-là, dépassant même le précédent record de juin 2008 lorsque la valse des étiquettes avait provoqué des émeutes de la faim dans des pays comme Haïti, l’Égypte et le Cameroun. En un an, le prix du coton a pratiquement doublé, et ceux du maïs, du blé ou du café ont bondi de 50 %. Les experts imputent cette flambée des cours aux phénomènes climatiques – inondations en Australie, sécheresse en Argentine, temps sec et incendies en Russie et gelées menaçant les récoltes en Europe et en Amérique du Nord. Les récentes inondations en Australie ont « sérieusement dégradé la qualité des céréales », explique la société française spécialisée Agritel, qui s’attend à une explosion des cours du blé aux alentours de 300 euros la tonne cette année, du jamais vu. « Nous nous orientons en ce début d’année 2011 vers une poursuite de la hausse des cours des matières premières agricoles, hausse alimentée également par la demande chinoise qui ne faiblit pas et par les craintes de sécheresse qui se profilent maintenant sur l’Argentine », prévient Agritel. Forts de ce constat, les experts redoutent une aggravation de la volatilité des matières premières dans les mois à venir.
« Le danger qui se profile est un deuxième choc, avec des pays réagissant par des interdictions à l’exportation et des investisseurs sur les marchés financiers spéculant à court terme, faisant encore monter les prix, comme ce fut le cas en 2008 », estime Maximo Torero, de l’Institut international de recherche en politique alimentaire (Ifpri) de Washington. Une perspective qui inquiète les gouvernements alors que la facture alimentaire constitue la principale dépense des populations pauvres. Depuis le 5 janvier, des manifestations, parfois violentes, contre des hausses allant jusqu’à 30 % de certains produits de première nécessité, secouent l’Algérie. Face à cette menace d’instabilité, de nombreux pays occidentaux, dont la France et les États-Unis, estiment que le G20 doit impérativement examiner les moyens d’améliorer le fonctionnement des marchés des matières premières agricoles en veillant à une plus grande transparence sur les stocks et la demande en produits de base. Paris, à la tête du G20 depuis novembre dernier et pour un an, souhaite aussi que l’UE s’inspire de la réglementation américaine pour renforcer le contrôle des marchés des produits dérivés des matières premières. Pour autant, ces derniers ne seraient pas responsables de la hausse des matières premières affirme en France le centre d’analyse stratégique dans un rapport. Nombre d’économistes estiment même que la hausse des cours en 2007-2008 a permis aux pays occidentaux d’éviter la déflation. La solution ? Pour la FAO, seul un investissement à long terme dans l’agriculture des pays en voie de développement permettrait de stabiliser les cours.